6 septembre 2018
Rares sont les films qui parviennent à capturer l’expérience d’enfants qui explorent leur environnement avec autant de justesse que le fait Jeremiah Zagar dans son premier film de fiction. De mémoire récente, c’est certainement The Florida Project qui y sera parvenu le mieux en accompagnant sa bande de petits chenapans alors qu’ils couraient, sautaient et grimpaient à travers leur Orlando arc-en-ciel. Bien que We the Animals capture la même énergie frénétique d’une jeunesse sauvage, sa posture, étant d’autant plus intime, dégage une tendresse palpable.
Adaptation du livre semi-autobiographique du romancier Justin Torres, We the Animals adopte une esthétique impressionniste qui ne va sans rappeler George Washington et autres héritiers de Terrence Malick. Largement laissé à lui-même dû aux emplois précaires de ses parents, Jonah — benjamin d’un trio fraternel également composé de Manny et Joel — passe ses journées à explorer et marauder à travers sa banlieue du Nord de l’état de New York. Mais l’unité inséparable que forment les frères est bientôt menacée par des sentiments naissant chez Jonah, le mouton noir de la famille.
Pour retracer les événements marquants de sa onzième année de vie, le récit initiatique de Jonah se restreint à son point de vue d’une attendrissante naïveté. Abondent ainsi archétypes freudiens — scènes primitives, embrouilles œdipiennes, frôlements avec la mort et éveils sexuels — qui échappent habilement les clichés habituels par l’originalité du point de vue adopté. C’est à travers les yeux de Jonah qu’on témoigne de l’amour de ses parents, mais aussi de leurs conflits violents. On passe d’ailleurs beaucoup de temps à observer les enfants observer à leur tour leurs parents et, en ce sens, le travail du directeur photo Zak Mulligan est formidable : sa caméra Super 16 mm capte les moindres choses qui émanent de ces regards. Il en résulte un œuvre aux thèmes touchants et aux images haptiques.
—
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
—
2 août 2018
21 juin 2018
27 avril 2018
20 avril 2018
Dans L’apparition, son septième film en 15 ans, le réalisateur français Xavier Giannoli reprend un élément narratif qui traverse l’ensemble de son œuvre. Cet élément narratif qui catalyse et carbure son intrigue est la notion d’imposture et ses impacts sur les personnages qui y sont confrontés. Dans le cas présent, l’imposture soupçonnée est celle d’Anna, couventine autour de laquelle s’érige un culte lorsqu’elle révèle avoir été témoin d’une apparition miraculeuse de la Sainte Vierge. Généralement frileuse à ces déclarations et à l’attention qu’elles attirent, le Vatican doit néanmoins se positionner: nie-t-elle l’histoire d’Anna ou l’ajoute-t-elle à la quinzaine d’apparitions qu’elle reconnaît officiellement?
Pour vérifier l’authenticité des affirmations d’Anna, l’Église mandate Jacques, grand reporter au sang-froid, d’investiguer sur les circonstances qui entourent l’affaire. Mais que le journaliste se le tienne pour dit : « L’Église préférera toujours passer à côté d’un véritable miracle plutôt que de reconnaître une imposture. » Assisté par un panel d’experts — théologiens, historiens, psychologues — Jacques mènera une enquête digne d’un polar qui révélera que l’histoire est plus tortueuse qu’elle ne paraît.
On pourrait reprocher à Giannoli d’esquiver ou, du moins, de cultiver une certaine ambiguïté autour de la question qui sous-tend son intrigue, c’est-à-dire, « La Vierge Marie est-t-elle véritablement apparue à Anna? » Mais ce n’est pas là que réside l’intérêt de réfléchir aux manifestations contemporaines de la foi chrétienne et le cinéaste l’aura bien compris. En signant une mise en scène sobre, mais efficace, qui cadre son récit à hauteur d’homme, le réalisateur nous guide dans une exploration de l’autonomie intellectuelle et spirituelle des croyants et des athées. La foi n’est pas un état naïf ou aveugle, mais un choix, une manière de s’expliquer une réalité qui autrement nous échappe. C’est dans ces scènes où se confrontent deux interprétations du monde — la science vs la religion — que L’apparition s’incruste dans notre mémoire.
Réalisation
Xavier Giannoli
Genre : Drame – Origine : France – Année : 2018 – Durée : 2 h 18 – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
8 mars 2018
RÉSUMÉ SUCCINCT
Deux amies d’enfance, Lily et Amanda, se retrouvent après quelques années. Ensemble, elles préparent un plan démoniaque qui consiste à se débarrasser du beau-père de Lily, un homme qu’elles croient manipulateur et contrôlant.
Il y avait, au tournant des années 2000, une petite vague de films à suspense destinés aux adolescents dans lesquels se mêlaient sexe, meurtres et, pour les plus intéressants d’entre eux, conflits de classes sociales. D’un côté, les thrillers protoérotiques comme Wild Things et Cruel Intentions, conçus pour titiller les désirs naissants des adolescents, et de l’autre, ceux qui favorisaient plutôt l’esthétique kitsch, poussant l’artifice jusqu’au pastiche, tels que Jawbreaker ou son précurseur Heathers.
En ce sens, Thoroughbreds renoue avec cette tradition — et fait même une allusion passagère à Swimfan (John Polson, 2002) — tout en la rehaussant d’une vision artistique qui manquait bien souvent aux films précédents. Le réalisateur Cory Finley, prenant ici ses premiers pas de réalisation en adaptant sa propre pièce de théâtre, fait preuve d’un esthétisme extrêmement soigné et séduisant. Cependant, pour ce qui est du scénario, il s’agit d’une toute autre histoire.
Thoroughbreds relate l’histoire d’Amanda et Lily, deux amies reprenant contact après que des bouleversements dans leurs vies respectives les aient séparées. Pour Lily, il s’agit de son emménagement chez Mark, son nouveau beau-père, un homme contrôlant, obscènement opulent qui se définit principalement par l’affirmation de sa virilité. Amanda quant à elle se remet petit à petit d’un épisode déclanché par ses problèmes de santé mentale. Cet épisode lui a valu d’être hospitalisé et a profondément teint sa réputation au sein de son école secondaire. Depuis, on la perçoit comme une désaxée, Lily incluse. La raison étant qu’Amanda démontre des symptômes antisociaux : puisqu’elle n’éprouve aucun sentiment véritable, elle feint les émotions en étudiant ceux des autres. Ainsi, pour elle, la manipulation et le meurtre s’avèrent des solutions envisageables au règlement de problèmes typiques du passage à l’âge adulte.
C’est en somme une série de questions intéressantes que postule Thoroughbreds : la sociopathie est-elle « contagieuse » ? Peut-on l’assimiler ? Y a-t-il des contextes sociaux qui favorisent son développement ? La sociopathie favorise-t-elle les individus des hautes classes sociales ? Non seulement Finley ne se positionne-t-il pas sur ces questions, mais son scénario les effleure à peine. Ces thèmes fertiles se cachent sous la surface glaciale du film et ne demandent qu’à être explorés, mais on les laisse malheureusement de côté au profit d’effets de suspense réussis, mais typiques. Constat final : le réel talent qui se dégage de Thoroughbreds, bien qu’il s’agisse originalement d’une pièce de théâtre, n’est pas dramaturgique ou scénaristique, mais bien de l’ordre de la mise en scène et du langage cinématographique. En ce sens, Cory Finley est une révélation à surveiller, car qui sait ce que pourrait être le résultat si on lui confiait des scénarios à la hauteur de sa maîtrise technique.
Réalisation
Cory Finley
Genre : Suspense psychologique – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 32 – Dist. : Universal Pictures.
Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. O Nul. ½ [Entre-deux-cotes]
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.