27 octobre 2016
Dans la mouvance asiatique, le cinéma coréen se taille une place de plus en plus imposante, tant dans les festivals internationaux que chez les cinéphiles et les critiques. Si parmi les 17 réalisations de Park Chan-wook, Oldboy / Oldeuboi (2003) nous avait séduits jusqu’au plus haut point, Mademoiselle (Ah-ga-ssi) est un tour de force visuel qui transperce nos sens tant la forme tient aussi bien de la peinture que du cinéma. Si d’aucuns trouvent la trame narrative plutôt simple, une histoire d’amour, de jalousie, de vengeance et d’avidité, force est de reconnaître que le cinéaste convoque, peut-être sans s’en rendre compte, le cinéaste nippon Nagisa Ôshima , particulièrement en ce qui a trait à L’empire des sens / Ai no korîda (1976) et sa suite logique L’empire de la passion / Ai no bôrei (1978). En quelque sorte, on pourrait ajouter La pendaison / Kôshikei, d’aussi loin que 1968.
Influences d’autant plus sages qu’elles confirment l’attrait érotique de ce drame sentimental bouleversant ; mais aussi la force du charnel, de cette soif mystérieuse qui s’empare des vivants et qui finit par s’assouvir coûte que coûte, Éros et Thanatos sont convoqués, autant chez Ôshima que chez Park, laissant le spectateur ouvert à l’abandon.
La britannique Sarah Waters, auteure du roman Fingersmith, dont le film est une adaptation, doit être fière du résultat, attendu que la mise en scène, d’une dextérié et d’une puissance exemplaires, se concrétise selon les lieux où se déroule l’action. Vastes clos de maisons, extérieurs, sous-sols mystérieux… le tout mis en œuvre pour faire éclater les malaises entre les personnages, tous nageant dans l’intrigue, le faux-semblant, l’excitation, le désir et la découverte. Sans dévoiler l’aboutissement de ce récit aussi alambiqué que souverain, on peut avancer qu’il demeure d’une originalité à fleur de peau.
On soulignera en gras la caméra somptueuse de Chung chung-hoon, invitante et indiscrète à la fois, le montage serré et minutieux de Kim Jae-bum et Kim Sang-beom , ainsi que la musique magnifique de Jo Yeong-wook qui, malheureusement ne reprend pas le thème utilisé dans la bande-annonce, mais conserve tout de même sa coloration dramatique.
Sexe, volupté, désir, homosexualité au féminin, misandrie justifiée, autant de thèmes qui confirme le côté allègrement voyeur du cinéma, surtout quand les comédiens, autant les hommes que (surtout) les femmes, possèdent le talent de se mettre en scène sans aucune gêne. Lorsque l’innocence, comme c’est le cas d’une des protagonistes, est en réalité une façon comme une autre d’occulter l’appétit charnel et le relâchement de sens, cela s’appelle, « exister ».
Genre : DRAME SENTIMENTAL – Origine : Corée du Sud – Année : 2016 – Durée : 2 h 25 – Réal. : Park Chan-wook – Int. : Kim Min-hee, Jim Tae-ri, Ha Jung-woo, Jo Jin-woong, Kim Hae-sook, Moon So-ri – Dist./Contact : Métropole.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 16 ans
(Érotisme)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Sorti il y a plus d’un an en France et sept mois aux États-Unis, Marguerite arrive enfin sur nos écrans. Le film de Xavier Giannoli, tout comme celui de Stephen Frears qui avait pris l’affiche en août dernier (lire la critique de Luc Chaput), est basé sur l’histoire de Florence Foster Jenkins, une riche new-yorkaise qui s’entêta à démolir les plus grands airs d’opéra sans avoir conscience, jusqu’à la toute fin, de sa très improbable virtuosité. Sans nous lancer dans une analyse comparative des deux œuvres, aux styles très différents, soulignons d’emblée qu’ils comptent sur la présence de deux comédiennes de renom incarnant remarquablement cette rombière haut en couleurs.
Outre la diva cherchant dans le chant un remède pour sauver son mariage raté, on retrouve son époux, volage, mais encore secrètement amoureux, le majordome tour à tour serviteur et bourreau, et plusieurs autres, dont on ne sait trop s’ils gravitent dans l’entourage de la Castafiore pour la plumer ou parce qu’ils l’admirent sincèrement. Ce cinquième long métrage de Giannoli repose sur un scénario adroit, oscillant entre candide futilité et virulent réalisme. Le film, découpé en cinq actes comme ceux d’un opéra, se construit autour de personnages forts, symboliques, et portant en eux une part de complexité et de mystère qui le traverse de part en part, autorisant ainsi plusieurs niveaux de lecture.
L’humour et le cynisme sont de mise dans ces protagonistes rigoureusement étudiés, tout comme l’est l’ancrage historique de cette France meurtrie au sortir de la Première Guerre mondiale, hâtivement qualifiée de Der des ders, mais bercée de multiples illusions. Les espoirs de sérénité font surface et l’on ose imaginer une Europe pacifique. Une naïveté généralisée qui n’est qu’un masque pour ne pas affronter la vérité, comme celui que Marguerite posera sur son visage un soir, seule dans sa chambre à l’abri des regards. Pendant ce temps, dans les bouges de la capitale, la classe dirigeante observe avec dédain l’arrivée de jeunes dadaïstes libérés de tout corset pour s’emparer à leur tour de l’avant-scène. Marguerite découvrira alors avec délice dans ce milieu interlope qui lui donne enfin l’occasion de se révéler. Mais la mort rôde, comme l’illustrent les références faites aux tombes, ou aux cadavres d’animaux. La petite histoire de Giannoli rejoint la grande. Ici tout n’est qu’apesanteur, ballade tragique entre rêves et réalité. Entre la guerre et la paix, la laideur d’une voix nasillarde et la beauté de l’amour qui l’a engendrée, entre le trompe-l’œil d’un talent imaginaire ou celui d’un couple encore en vie.
Dans ce rôle-titre taillé sur mesure pour elle et qui lui valut un César plus que mérité, Catherine Frot assure à merveille son statut de pierre angulaire, évoluant dans un registre étendu allant du plus ridicule au plus touchant. Elle est supportée par une distribution dirigée de main de maître composée d’habitués du cinéma d’auteur français, peu connus bien que possédant tous ou presque une probante carrière théâtrale. Malgré une petite perte de rythme à mi-parcours et une finale qui n’aurait souffert d’un peu plus de sobriété, Marguerite offre à l’auteur-réalisateur de Quand j’étais chanteur une indéniable réussite.
Genre : COMÉDIE DRAMATIQUE – Origine : France / République tchèque / Belgique – Année : 2015 – Durée : 2 h 09 – Réal. : Xavier Giannoli – Int. : Catherine Frot, André Marcon, Denis M’Punga, Michel Fau, Christa Theret, Sylvain Dieuaide – Dist./Contact : Séville.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : COMÉDIE – Origine : Chine – Année : 2016 – Durée : 1 h 52 – Réal. : Lu Liu, Shen Zhou – Int. : Li Da, Shualiang Lui, Suxi Ren – Dist./Contact : Eye Steel Inc.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeune enfants)
Dans une banlieue indéfinie, des adolescents et des adultes ont des vies parallèles. Leurs interactions sont souvent le cas de blagues, d’un mauvais goût assumé, conçues et accomplies par un quatuor de véritables gamins par pressés de grandir. Le quatrième, Stéphane, le plus jeune, fils unique, timide et arrondi, s’est intégré à ce groupe par un concours de circonstances. Déjà, dans plusieurs de ses courts métrages (Les fleurs de l’âge, Les choses horribles et Une idée de grandeur), le cinéaste explorait plusieurs des thèmes de la communication difficile entre individus de divers âges ou conditions et de la vie des gens simples avec une ironie certaine.
Ici, dans ce flm à très petit budget, il a reçu l’apport de plusieurs scénaristes, Alexandre Auger, Eric K. Boulianne et Marc-Antoine Rioux et le format total en est bonifié. Les saynètes montrant les adultes sont bien construites et bien jouées. Ainsi, le gag du début est inattendu et celui de l’église est bonifié par la séquence du travail de la concierge. Certaines autres propositions humoristiques sont de bas niveau et même scatologiques. Toutefois la séquence rendant un hommage désabusé au Cheval de Turin de Béla Tarr introduit une évocation de l’effet papillon aux conséquences eschatologiques.
Les résumés par Jean-Sé, dit « Jean-Sauce », de certains films d’action illustrés par des toiles animées par un simple mouvement de caméra, confirment cet ancrage cinéphile des personnages aux caractères assez différenciés qui trouvent, dans leurs constructions de gags, des moyens de se mettre en scène. L’interprétation des quatre jeunes acteurs, Étienne Galloy, Alexandre Lavigne, Constance Massicotte et Simon Pigeon, rajoute au plaisir de ce film réalisé par un directeur photo reconnu, entre autres, par Bestiaire de Denis Côté. Et l’on peut comprendre que le film se soit mérité le prix du public de Temps Ø au dernier FNC.
Genre : COMÉDIE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 17 – Réal. : Vincent Biron – Int. : Étienne Galloy, Alexandre Lavigne, Constance Massicotte, Simon Pigeon, Sophie Goulet, Jean-Marc Dalphond – Dist./Contact : FunFilm.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Langage vulgaire)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : ACTION / DRAME – Origine : Inde – Année : 2015 – Durée : 2 h 50 – Réal. : Ajay Devgn – Int. : Ajay Devgn, Erika Kaar, Abigail Eames, Vir Das, Girish Karnad, Saurabh Shukla – Dist./Contact : Imtiaz Mastan.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
C’est presqu’un conte de fées que propose le réalisateur brésilien Sérgio Machado (Bahia, ville basse, 2005) avec son plus récent film de fiction, The Violin Teacher. Dans un pays fortement marqué par les divisions sociales, le mélange n’est pas seulement possible, il est probable. Il suffit d’emprunter quelques voies pour gravir les échelons. L’une de ces voies est la musique, la classique en particulier.
Si ce n’est pas un conte de fées, c’est bien parce que d’un, le récit respire le réalisme social avec, à la source, un fait véritable autour d’un orchestre symphonique dans la favela de São Paulo, Heliópolis. De deux, il y a mort du prince destiné à monter sur le trône. Chez Disney, c’est plutôt rare, avouons. Reste que sous sa cape de film gentil et mielleux, ce Tudo que Aprendemos Juntos (« tout ce que nous apprenons ensemble », dans son titre original) donne des raisons d’espérer, de rêver…
Texte intégral
Séquences
nº 305 (Novembre-Décembre 2016)
p. 33
En kiosque : Novembre 2016
NB : Dans la revue imprimée, le texte paraît sous le titre français Le professeur de violon, mais ne sort à Montréal, qu’en version originale, sous-titrée en anglais, langue que nous avons utilisée pour le titre.
Genre : DRAME MUSICAL – Origine : Brésil – Année : 2015 – Durée : 1 h 42 – Réal. : Sérgio Machado – Int. : Lazano Ramos, Kaike de Jesus, Elzio Vieira, Sandra Corveloni, Fernanda de Freitas, Graça Andrade – Dist./Contact : EyeSteelFilm.
Horaires : @ Cinéma du Parc
CLASSEMENT
En attente
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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