En salle

Marguerite

27 octobre 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Au début des années 1920, Marguerite Dumont adore se produire en récital au cours de soirées-bénéfices privées dans son château français. La baronne, qui n’a jamais la note ni le rythme, ignore complètement qu’elle est la risée de ses réunions mondaines. Tous considèrent qu’elle chante sublimement faux, mais personne n’ose le lui dire.

marguerite

CRITIQUE
★★★ ½
Texte : Charles-Henri Ramond

MENSONGES ET ILLUSION

Sorti il y a plus d’un an en France et sept mois aux États-Unis, Marguerite arrive enfin sur nos écrans. Le film de Xavier Giannoli, tout comme celui de Stephen Frears qui avait pris l’affiche en août dernier (lire la critique de Luc Chaput), est basé sur l’histoire de Florence Foster Jenkins, une riche new-yorkaise qui s’entêta à démolir les plus grands airs d’opéra sans avoir conscience, jusqu’à la toute fin, de sa très improbable virtuosité. Sans nous lancer dans une analyse comparative des deux œuvres, aux styles très différents, soulignons d’emblée qu’ils comptent sur la présence de deux comédiennes de renom incarnant remarquablement cette rombière haut en couleurs.

Outre la diva cherchant dans le chant un remède pour sauver son mariage raté, on retrouve son époux, volage, mais encore secrètement amoureux, le majordome tour à tour serviteur et bourreau, et plusieurs autres, dont on ne sait trop s’ils gravitent dans l’entourage de la Castafiore pour la plumer ou parce qu’ils l’admirent sincèrement. Ce cinquième long métrage de Giannoli repose sur un scénario adroit, oscillant entre candide futilité et virulent réalisme. Le film, découpé en cinq actes comme ceux d’un opéra, se construit autour de personnages forts, symboliques, et portant en eux une part de complexité et de mystère qui le traverse de part en part, autorisant ainsi plusieurs niveaux de lecture.

Le film, découpé en cinq actes comme ceux d’un opéra, se
construit autour de personnages forts, symboliques , et portant
en eux une part de complexité et de mystère qui le traverse
de part en part, autorisant ainsi plusieurs niveaux de lecture.

L’humour et le cynisme sont de mise dans ces protagonistes rigoureusement étudiés, tout comme l’est l’ancrage historique de cette France meurtrie au sortir de la Première Guerre mondiale, hâtivement qualifiée de Der des ders, mais bercée de multiples illusions. Les espoirs de sérénité font surface et l’on ose imaginer une Europe pacifique. Une naïveté généralisée qui n’est qu’un masque pour ne pas affronter la vérité, comme celui que Marguerite posera sur son visage un soir, seule dans sa chambre à l’abri des regards. Pendant ce temps, dans les bouges de la capitale, la classe dirigeante observe avec dédain l’arrivée de jeunes dadaïstes libérés de tout corset pour s’emparer à leur tour de l’avant-scène. Marguerite découvrira alors avec délice dans ce milieu interlope qui lui donne enfin l’occasion de se révéler. Mais la mort rôde, comme l’illustrent les références faites aux tombes, ou aux cadavres d’animaux. La petite histoire de Giannoli rejoint la grande. Ici tout n’est qu’apesanteur, ballade tragique entre rêves et réalité. Entre la guerre et la paix, la laideur d’une voix nasillarde et la beauté de l’amour qui l’a engendrée, entre le trompe-l’œil d’un talent imaginaire ou celui d’un couple encore en vie.

Dans ce rôle-titre taillé sur mesure pour elle et qui lui valut un César plus que mérité, Catherine Frot assure à merveille son statut de pierre angulaire, évoluant dans un registre étendu allant du plus ridicule au plus touchant. Elle est supportée par une distribution dirigée de main de maître composée d’habitués du cinéma d’auteur français, peu connus bien que possédant tous ou presque une probante carrière théâtrale. Malgré une petite perte de rythme à mi-parcours et une finale qui n’aurait souffert d’un peu plus de sobriété, Marguerite offre à l’auteur-réalisateur de Quand j’étais chanteur une indéniable réussite.

Sortie : vendredi 28 octobre 2016
V.o. : français

Genre :  COMÉDIE DRAMATIQUE  – Origine : France / République tchèque / Belgique –  Année :  2015 – Durée :  2 h 09  – Réal. :  Xavier Giannoli – Int. : Catherine Frot, André Marcon, Denis M’Punga, Michel Fau, Christa Theret, Sylvain Dieuaide – Dist./Contact :  Séville.
Horaires : @  Cinéma Beaubien Cineplex

CLASSEMENT
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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