15 décembre 2016
Engagé à défendre la cause noble de praticiens dévoués, Thomas Lilti reprend le thème de son Hippocrate (lire notre critique), dressant à nouveau le portrait d’un métier voué au don de soi et à l’abnégation. Avec Médecin de campagne, il propose une vision teintée d’amertume sur l’état des régions françaises, malmenées par les crises successives et les compressions de tout acabit. Cette France aux fondements républicains que l’on voudrait indéracinables, fait face à des mutations radicales, et de plus en plus rares sont les services publics de proximité qui tentent de garder encore vivant un noyau social cohérent. Le médecin de campagne en fait partie, de même que le postier, lui aussi en proie aux incessants remaniements de sa profession.
Comme bien d’autres avant lui, c’est donc à un contexte rural difficile que Thomas Lilti arrime son sujet, sans pour autant se laisser emporter par la colère de la revendication, même si derrière le discours du généraliste désabusé (François Cluzet, très juste comme à l’habitude) pointe la lucidité d’un cinéaste-médecin circonspect sur la tournure des choses. Moins mordant qu’Hippocrate, le film, supporté par un humanisme sensible, presque naïf, déborde d’empathie. La transmission du savoir sur une pratique en voie de disparition est centrale, au même titre que la monstration de gestes apaisants, de mots rassurants, et va en fin de compte, à la défense de valeurs inaliénables. Sous ses airs de documentaire de fin d’époque, le récit rejoint la fiction en pimentant son naturalisme d’une romance simple, s’offrant même des moments de comédie pure (les rites d’initiation subis par Marianne Denicourt, la nouvelle fraîchement débarquée de la ville).
Certes, on pourrait regretter le classicisme du schéma narratif, reprenant une nouvelle fois le couple mal assorti qui devra apprendre à s’apprivoiser, ainsi qu’une intrigue sentimentale qui semble plaquée. Cependant, par sa capacité à dépeindre avec sensibilité un microcosme idéal soutenu par l’entraide et la chaleur humaine, Médecin de campagne est une petite « vue » qui fait du bien à l’âme, en espérant que ce qu’elle décrit parvienne à passer sans trop de dommages l’épreuve du temps.
Genre : DRAME – Origine : France – Année : 2016 – Durée : 1 h 42 – Réal. : Thomas Lilti – Int. : François Cluzet, Marianne Denicourt, Isabelle Sadoyan, Félix Moati, Patrick Descamps, Christophe Odent – Dist./Contact : Eye Steel Inc.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
L’hôtel Château Champlain et le Village olympique constituent l’un et l’autre des immeubles majeurs du Montréal contemporain. Ils ont été dessinés et construits par l’ architecte D’Astous en collaboration avec un confrère, soit respectivement Jean-Paul Pothier et Luc Durand. Le réalisateur montre bien aussi l’influence de D’Astous dans le secteur des lieux de culte et des résidences unifamiliales de prestige. On y retrouve en héritage la philosophie organique du visionnaire Frank Lloyd Wright, auteur du fameux musée Guggenheim à New York
Desrosiers inscrit le parcours de l’artiste dans l’évolution du Québec après la Seconde Guerre mondiale et dans la Révolution tranquille. De nombreuses archives familiales, télévisuelles ou photographiques soutiennent cet hommage bien construit où la construction de la Rape à fromage comme fut surnommé le Château.et l’aventure financière des Jeux Olympiques sont des moments cruciaux.
C’est pourtant dans la visite étendue de certaines églises et maisons patrimoniales que le film, porté par la caméra de Stéphane Ivanov, prend sa respiration en silence. Il permet au spectateur d’apprécier la beauté et la rigueur de cet artiste qui aimait également partager ses moments de loisir avec des collègues comme Jean-Paul Mousseau et Marcelle Ferron.
Au détour des visites, des extraits de longs métrages québécois ou étrangers viennent montrer que des manoirs modernes créés par D’Astous ont hébergé certaines de leurs séquences. D’une autre manière, ils redonnent droit au chapitre à ce maître d’œuvre dont l’importance demande à être aujourd’hui de nouveau reconnue.
Genre : DOCUMENTAIRE BIOGRAPHIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 43 – Réal. : Etienne Desrosiers – Avec : Roger D’Astous, Michel Catrice, Serge Savard, Henri Brillon, Yves Deschamps, France Vanlaethen – Dist./Contact : K-Films Amérique.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Dans le long texte du début du premier Star Wars réalisé par George Lucas (1977), une petite phrase sur des espions rebelles était passée presque inaperçue. La voici qui ressurgit presque quarante ans plus tard comme point de départ d’une autre aventure de ce combat des planètes unies contre l’Empire du Mal. Le scénario de Chris Weitz (About a Boy) et Tony Gilroy (plusieurs Bourne) démarre avec le traumatisme d’une petite fille, Jyn, séparée de ses parents, et la propulse dans des sauts temporels et spatiaux déconcertants au début. De nombreuses aventures amènent la constitution d’une équipe hétéroclite de personnalités. Quelques moments sont trop théâtraux comme lors des discussions au Conseil suprême sur la marche à suivre et le défaitisme de certains.
Pour bonifier la prédominance des effets spéciaux de divers types, Gareth Edwards réussit à obtenir, de la plupart des acteurs, une implication qui joue sur leur diversité d’origine et permet d’imbriquer naturellement, par exemple par la dextérité amusée de Donnie Yen (Ip Man), les arts martiaux chinois (wushu) dans la philosophie de vie des Jedi. Alan Tudyk, Jiang Wen, Forest Whitaker et Riz Ahmed soutiennent ainsi, de manière éminemment efficace, Felicity Jones dans le rôle de Jyn, qui, après Daisy Ridley (Rey) , est la deuxième héroïne majeure successive de cette entreprise au long cours. Jones, Diego Luna, Mads Mikkelsen, et Ben Mendelsohn, dans le rôle d’un dirigeant impérial maléfique, rendent, par la qualité de leur jeu, une humanité palpable à ces personnages vivant dans un espace lointain intersidéral et en dramatisent ainsi plus directement les enjeux.
L’attaque de la base secrète dans un environnement tropical connaît des baisses de régime et les combats aériens gardent malgré tout un air de jeu vidéo de grand spectacle en stéréoscopie. De nombreuses personnalités des autres épisodes viennent faire une apparition et les fils de l’intrigue sont noués dans une belle boucle finale qui fait, de cet épisode satellite, un des bons de cette longue et peut-être maintenant interminable série.
Genre : AVENTURES – Origine : États-Unis – Année : 2016 – Durée : 2 h 13 – Réal. : Gareth Edwards – Int. : Felicity Jones, Diego Luna, Ben Menhelsohnm Mads Mikkelsen, Donnie Yen, Forest Whitake – Dist./Contact : Buena Vista.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : DRAME – Origine : Chine – Année : 2016 – Durée : 1 h 58 – Réal. : Cheng Er – Int. : Ge You, Zhang Ziyi, Tadonobu Asano, Du Chun, Gilian Chung, Wallace Chung – Dist./Contact : Eye Steel Inc.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
Oublions l’incontournable et populaire télésérie pour nous en tenir essentiellement au film. En fait, nous nous attendions au pire, à une satire platte, sans aucune valeur sociale, vide de sens, véritable portrait d’un certain Québec demeuré le même depuis des décennies et qui, pire, n’aspire pas au changement.
Et voici que Jean-François Pouliot, à qui l’on doit, entre autres, le poétique et subtile La grande séduction, nous étonne. Car avant tout Votez Bougon est une charge sociopolitique qui se conjugue à doses de carburant populiste, certes, mais c’est à cet auditoire que le film s’adresse. Et puis non, car tout le monde est visé. En vulgarisateur érudit, le cinéaste ne va pas par quatre chemins, puisant ses sources de la télésérie, c’est évident, mais dans le même temps servant le médium cinéma avec un goût prononcé pour les extrêmes, permettant ainsi à deux comédiens exceptionnels de briller; Rémy Girard, passe d’un registre à l’autre avec une faculté à la fois audacieuse et tempérée. Il est robuste dans l’âme et dans les sentiments.
Et puis, Louison Danis, la meilleure du groupe, vive, dynamique, totalement investie dans un rôle en puissance illimitée, incarnant la mère de cette famille fièrement BS selon une approche presque documentaire. Elle sacre, elle commet l’adultère comme s’il s’agissait d’une simple routine, elle rouspète, mais derrière toutes ces vélléités licencieuses et mal élevées, elle cache un coeur tendre qui ne cherche qu’une chose: l’amour de sa deuxième moitié, car tout simplement, les excès, les péchés et les roublardises sont meilleurs à deux.
En fait, Votez Bougon est un bon film si on se donne la peine de bien capter les images et de calculer les mots prononcés, quel que soit le poids désagréable qu’ils imposent à notre regard et à nos oreilles. Et pour cause, Jean-François Pouliot et totalement conscient de ce crime cinématographique de lèse-majesté, puisqu’en fait, il ne s’agit pas d’un assassinat, mais d’un portrait de société, essentiel par les temps qui courent alors que le populisme se mondialise à une vitesse insoutenable.
Le film est catalogué comme une comédie satirique, et c’est bien de cela qu’il s’agit et de rien d’autre. Le réalisateur assume la quétainerie de l’ensemble, jette la première pierre aux politiques corrompues de l’establishment étatique et, en toute conscience, nous propose une finale inattendue. Le Parti de l’Écoeurement National (le PEN) est sans doute une allusion à Marine Le Pen. Ou peut-être pas!
Qu’importe, puisque ces 90 minutes passées en compagnie de cette famille originale et drôle malgré ses excès, catégorique parce qu’elle s’affiche telle qu’elle est, et fière parce qu’elle ne désire pas changer, n’est en fait qu’une véritable gifle aux inconscients. Et lorsque l’obsession de la politique contamine le cerveau du pater familias, le résultat n’est que plus surprenant.
Quant au reste, c’est une autre histoire…
Genre : COMÉDIE SATIRIQUE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 33 – Réal. : Jean-François Pouliot – Int. : Rémy Girard, Hélène Bourgeois-Leclerc, Louison Danis, Claude Laroche, Antoine Bertrand, Laurence Barrette – Dist./Contact : Entract Films.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
8 décembre 2016
Bien loin de convoquer la perversité d’un Elle ou la pudeur sensible d’un film comme L’avenir, Aquarius est bel et bien un portrait de femme à sa façon; sous haute tension, porté à bout de bras par son actrice principale, l’immense Sonia Braga, présente dans tous les plans du film. C’est aussi une œuvre résolument contemporaine, travaillée en creux par un propos politique jamais lourdingue ou démonstratif dans sa façon d’observer des problématiques dénoncées. L’intelligence et la pertinence du propos du film de Filho n’ont pas tardé d’ailleurs à trouver écho dans l’actualité politique brésilienne, comme l’a démontré récemment la démission de Marcelo Calero, alors ministre de la Culture du pays, devant la pression exercée sur lui par des figures du gouvernement pour valider la construction d’un vaste complexe immobilier. Suite
2025 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.