20 septembre 2018
Premier long métrage de Vanessa Filho, photographe, vidéaste et musicienne établie, Gueule d’ange ne remplit pas toutes ses promesses. Alors que ce récit d’une fillette laissée à elle-même par une mère irresponsable, narcissique et égoïste (campée par une Marion Cotillard presque méconnaissable, qui en rajoute) pouvait laisser entrevoir un Florida Project hexagonal, du fait de son sujet et ses images aux couleurs saturées, nous nous trouvons plutôt en présence d’un mélodrame qui se termine pratiquement sur une note disneyenne (d’un tout autre ordre que dans le film de Sean Baker).
Pourtant, la réalisatrice démontre un certain doigté, comme en témoigne sa mise en scène rigoureuse, suivant à bras le corps les péripéties de sa jeune héroïne et de sa mère erratique, avec une caméra à l’épaule qui les traque sans répit dans le style des frères Dardenne. Aussi, dirige-t-elle de façon remarquable la petite Ayline Aksoy-Etaix (très convaincante et naturelle dans le rôle d’Elli, 8 ans), réussissant à maintenir son jeu crédible, à quelques exceptions près, dans des paramètres qui pourraient facilement se révéler trop grands pour elle.
C’est toutefois sur le plan du scénario que le bât blesse, surtout dans la seconde moitié du film. Après une montée dramatique efficace montrant la fillette s’enliser dans un comportement calqué sur celui de sa mère, à la suite de la démission de celle-ci, le film pêche par excès de bons sentiments, avec cette figure paternelle de substitution (Albert Lenoir, néanmoins très juste) trouvée in extremis pour relancer l’intrigue, ainsi que par quelques invraisemblances facilement escamotées. Le dénouement surdramatisé précipite inutilement Gueule d’ange dans les pièges du spectaculaire ou du « réalisme magique », alors que tout ce qui précédait tendait vers un naturalisme troublant.
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Sortie
Vendredi 21 septembre 2018
V.o.
français
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Réal.
Vanessa Filho
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Genre
Drame
Origine
États-Unis
Année : 2018 – Durée : 1 h 51
Dist.
Axia Films.
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Horaires & info. @
Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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Tout le monde est médiocre en région. Du moins dans la représentation qu’en fait Sébastien Pilote dans La disparition des lucioles. Tous sans intériorité, sans charisme, sans vie… Même les jeunes ! C’est la québécitude élémentaire. Un autre portrait des Québécois des régions omniprésent dans le paysage cinématographique de notre province, qui donne une image clichée du cinéma d’auteur ? Pas vraiment. Alors que tout le monde est éteint, une petite luciole brille dans ce long métrage s’éloignant des lourds drames ruraux : elle porte le nom de Léonie, Léo pour faire plus court, et elle transforme ainsi le film de Sébastien Pilote en une sorte de conte, y insufflant un souffle de vie bienvenu.
Si le réalisateur de Chicoutimi poursuit sa démarche, déjà entamée dans ses précédents films Le vendeur et Le démantèlement, sur les difficultés de franchir les différentes étapes de la vie dans des contextes économiques marqués par l’instabilité et l’injustice, il abandonne cette fois la sobriété pour travailler avec une large palette de couleurs. Il délaisse du même coup le drame psychologique et social pur pour la comédie dramatique et ses protagonistes masculins en fin de vie ou de carrière pour une jeune adolescente ayant la vie devant elle.
Alors que le protagoniste du Vendeur refusait la retraite et s’accrochait au monde du travail, Léo, l’héroïne de son nouveau film, elle, refuse le monde des adultes qu’elle trouve d’un ennui mortel et entretient une intransigeance juvénile. Les sucettes qu’elle attrape en sortant du restaurant au début puis à la fin du film sont une référence à l’enfance qu’elle ne veut pas quitter, à son refus de grandir. Son attitude relève d’une fuite devant la réalité des adultes, d’un attachement désespéré à un monde sans compromission, avec l’immaturité comme moyen de résistance. Son rejet de la bêtise, son dégoût des autres et surtout son radicalisme dans cette position sont absolument jouissifs et donnent lieu à deux des plus jubilatoires scènes du film. La première au restaurant pour la fête de ses 17 ans, féroce, superbement écrite, alors qu’elle se moque allègrement des questions que sa famille lui pose sur son avenir. La seconde, alors que son beau-père, animateur de radio populiste, tente une réconciliation inconcevable pour elle. Elle le rejette, inflexible, lui balançant à quel point elle le méprise.
Et pour incarner cette frustration adolescente, Pilote a trouvé en la jeune Karelle Tremblay l’interprète idéale. À l’instar des lucioles dans la nuit, elle brille. Par sa photogénie, sa présence cinématographique, son pouvoir d’attraction, son charisme difficile à expliquer et d’autant plus captivant. Présente dans presque toutes les scènes, elle porte le film sur ses épaules, rappelant certaines héroïnes du cinéma américain indépendant interprétées par Ellen Page dans Juno ou plus encore Saoirse Ronan dans Lady Bird. Elle partage avec ce dernier personnage un même désir d’échappement de sa ville perdue et ce même sens de la répartie. Après Gilbert Sicotte dans Le vendeur, lauréat du Jutra du meilleur acteur, et Gabriel Arcand dans Le démantèlement, nommé dans la même catégorie deux ans plus tard, Sébastien Pilote démontre encore une fois à quel point le jeu de son interprète principale est crucial pour la réussite de son film.
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Sortie
Vendredi 21 septembre 2018
V.o.
français
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Réal.
Sébastien Pilote
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Genre
Comédie dramatique
Origine
Québec
[Canada]
Année : 2018 – Durée : 1 h 36
Dist.
Les Films Séville.
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Horaires & info. @
Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Tous publics
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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Délire formaliste. Western hallucinogène. Pastiche minutieux. Tous les moyens sont bons pour tenter de décrire l’étrange objet qu’est Laissez bronzer les cadavres, mais quoi que soit le qualificatif qu’on choisit, il y toujours quelque chose qui échappe à notre description. Car ce troisième opus de Hélène Cattet et Bruno Forzani — couple de cinéastes belges auxquels le Festival Fantasia avait dédié une rétrospective en octobre 2017 — est une démonstration d’excès en tous genres.
C’est une mince histoire de cambriolage tournant au vinaigre qui permet aux cinéastes de mettre en place une série de tableaux et de mécanismes qui n’ont qu’un seul but: happer le spectateur, agencer tout ce que la palette audiovisuelle du cinéma permet de manière à laisser l’impact le plus viscéral possible. Montage mitraillade de gros plans visuels et sonores. Couleurs saturées sous le soleil plombant de Corse. Noirceur découpée par les coups de feu. On en prend tellement plein la gueule que les détails de l’intrigue deviennent secondaires. On ressent toutefois très bien cette tension qui monte au fur et à mesure que les ressources des personnages s’évaporent: les munitions, bien sûr, mais aussi les voies de sorties et surtout, la précieuse lumière du jour.
Le formalisme de Cattet et Forzani est manifestement référentiel (Giallo, Western spaghetti), mais ils relèvent le défi de ne pas tomber pas dans le calquage nostalgique. Au contraire, le couple d’esthètes ne fait preuve d’une inventivité absolument démesurée. Laissez bronzer les cadavres se doit d’être vu sur grand écran, le volume a en percer les tympans et préférablement le soir, tard. Assurément LE midnight movie de l’année!
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Sortie
Vendredi 21 septembre 2018
V.o.
français; s.-t.a.
Let the Corpses Tan
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Réal.
Hélène Cattet
Bruno Forzani
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Genre
Western contemporain
Origine
France
Année : 2017 – Durée : 1 h 30
Dist.
Cinéma du Parc
[Kino Lorber].
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Horaires & info. @
Cinéma du Parc
Classement
NC
(Non classifié)
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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