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Rêveuses de villes

9 mai 2019

| PRIMEUR |
Semaine 19
Du 10 au 16 mai 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
Phyllis Lambert, Blanche Lemco van Ginkel, Cornelia Hahn Oberlander et Denise Scott Brown : Chacune est reconnue pour ses nombreuses réalisations en architecture, urbanisme et architecture de paysage depuis plus de six décennies. Elles ont inspiré des générations de professionnels.

< CRITIQUE >
Luc Chaput

★★★ ½

TOUJOURS INSPIRANTES

Une vieille dame franchit une porte placée dans une haute haie. Une autre plus jeune se promène en salopette bleue et photographie des pierres grises. Une troisième, avec son mari, bloque, par leur étude en 1960, la construction d’une autoroute urbaine qui aurait détruit un vieux quartier défraîchi d’une métropole. La quatrième photographie Las Vegas et son caractère kitsch et l’inscrit ainsi dans la modernité. Voilà quatre portraits individualisées que présente Joseph Hillel dans ce documentaire inspirant.

Blanche, Cornelia, Phyllis et Denise, venues de milieux très différents, ont agi et agissent encore dans la construction d’immeubles majeurs, la reconfiguration de quartiers et l’imbrication de beaux espaces verts. Déjà reconnu pour sa coréalisation avec Patrick Demers d’un portrait sur Mies Van Der Rohe et sa station-service de l’Ile-des-Sœurs, Hillel et son coscénariste Bruno Baillargeon alternent, avec bonheur, les entrevues in situ de ces personnes et les archives personnelles ou télévisuelles où par exemple, l’animateur Peter Gzowski dialogue à la CBC avec Phyllis Lambert. Hillel réussit un survol éclairant de l’arrivée de ces femmes dans des universités et des professions où elles ont pris, comme il se doit, leurs places.

L’épisode du prix Pritzker (le Nobel d’Architecture) non donné conjointement au couple Venturi-Scott Brown alors que Robert Venturi l’avait fortement demandé, laisse encore un goût amer. Présenté en première aux RIDM puis dans une séance spéciale au FIFA, ce long métrage sur ces artistes toujours passionnées pourra servir à plusieurs de porte d’entrée pour mieux apprécier l’évolution sociale et esthétique depuis la Seconde Guerre mondiale.

Hillel réussit un survol éclairant de l’arrivée de ces femmes dans des universités et des professions où elles ont pris, comme il se doit, leurs places.

FICHE TECHNIQUE
Sortie
Vendredi 10 mai 2019

Réal.
Joseph Hillel

Origine(s)
Québec [ Canada ]
États-Unis

Année : 2018 – Durée : 1 h 2021

Langue(s)
V.o. : multilingue / s.-t.a. & s.-t.f.

City Dreamers

Genre(s)
Documentaire

Dist. @
Maison 4tiers

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma BeaubienCinéma du Musée
Cinéma du Parc – Cinémathèque québécoise

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

Shadow

| PRIMEUR |
Semaine 19
Du 10 au 16 mai 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans un royaume gouverné par un roi jeune et imprévisible, le commandant militaire dispose d’une arme secrète : une  » ombre « , un sosie qui peut duper ses ennemis et le roi lui-même. Il va utiliser cette arme dans un plan complexe qui mènera son peuple à la victoire.

Coup de CŒUR >
Élie Castiel

★★★★ ½

DE SABRES ET DE FOLIE

Après The Great Wall (2016), avec un Matt Damon inhabituel, retour aux sources nationales pour Zhang Yimou. Hommage aux Kobayashi, Kurosawa et autres Imamura de ce monde, de ce cinéma dont l’affect esthétique suffisait pour considérer ces films de chefs-d’œuvre.

Dans Shadow, la mise en scène, théâtrale, non loin de l’opéra épique chinois n’a jamais autant visé sur le dialogue, omniprésent, comme la préparation d’un récit de vengeance, de pouvoir et de violence. D’où la circularité omniprésente de l’ensemble, directement illustrée par ces parapluies d’une esthétique hallucinante qui deviennent des armes à double tranchant et que le cinéaste utilise avec un goût prononcé du raffinement.

En effet, il s’agit d’un film dont l’élaboration se situe à deux niveaux. Le fictionnel, là où les rapports entre les personnages, les différentes formes de dialogue, les us, coutumes et rituels associés au pouvoir deviennent des mises en situation d’une élégance rarement vue ; et puis les scènes de combat, de pures chorégraphies que la caméra capte avec autant d’entrain que de volupté. Ces confrontations ont lieu dans des extérieurs rigides ou des intérieurs sophistiqués, surréalistes et dont le caractère circulaire aux tonalités de noir et surtout de gris opère de mille et une façons.

Une œuvre difficile qui réconcilie intelligemment avec un cinéma rare par les temps qui courent.

Cinéma de genre ou autre? On est en droit de se poser la question. Le sang après un combat est ici un fluide corporel totalement esthétisé, comme en dehors du temps. Seule l’expression du visage montre la côté dramatique de la lutte, la souffrance, le délire avant la mort.

Et puis un récit un peu (trop) alambiqué où il est difficile de retenir ou plutôt saisir les véritables enjeux. Les maîtres Japonais évoqués sont peut-être présents dans ce type de Noh intimement morbide, mais la caractéristique chinoise est intacte et illustre fidèlement ses influences culturelles. Une œuvre difficile qui réconcilie intelligemment avec un cinéma rare par les temps qui courent.

Meilleur(es) Direction photo. Costumes. Direction artistique. Son.
Asian Film Awards 2019

FICHE TECHNIQUE
Sortie
Vendredi 10 mai 2019

Réal.
Zhang Yimou

Origine(s)
Chine
Hong Kong

Année : 2018 – Durée : 1 h 56

Langue(s)
V.o. : mandarin / s.-t.a.

Ying

Genre(s)
Drame historique

Dist. @
A-Z Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence ]

En salle(s) @
Cineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

Sofia

| PRIMEUR |
Semaine 19
Du 10 au 16 mai 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
Sofia , en déni de grossesse et non-mariée, habite avec ses parents à Casablanca. Jusqu’à ce que sa cousine Léna, une étudiante en médecine, l’aide afin qu’elle puisse aller accoucher « illégalement ». L’hôpital lui donne toutefois un ultimatum de 24 heures : elle doit révéler l’identité du père, sans quoi les autorités seront contactées.

CRITIQUE >
Élie Castiel

★★★★

SANS BRUIT ET SANS FUREUR

Le Maroc, et plus particulièrement Casablanca, pour y avoir vécu, dans le cas des Musulmans et des Juifs, à une ère post-coloniale, selon la classe sociale (façon de parler), la grossesse hors-mariage est un délit, à moins que le géniteur reconnaisse l’enfant à naître. Chez les Juifs, on forcerait la jeune femme à l’exil si le coupable n’avoue pas sa faute et n’épouse pas la victime. Histoire des premiers désirs, surtout pour la femme, d’attrait, de sexualité à deux niveaux, l’une pour l’homme, libre de ses actes ; l’autre pour la femme (attention, il peut avoir péril en la demeure), cédant aux besoins biologiques sans arrière-pensées.

Et pour ce premier long métrage réussi de la franco-marocaine Meryem Benm’Barek-Aloïsi, le Prix du scénario de la section « Un certain regard », à Cannes 2018. Récompense presque suprême puisque non seulement elle situe le cinéma marocain dans la cour des grands, mais lui donne du coup droit de cité.

Séquences brèves, allant droit au but, décors admirablement choisis selon les circonstances, dialogues incisifs et intelligemment travaillés, en harmonie avec des personnages de toutes classes sociales. Si l’idée de collectivité, souvent maladive, règne dans un Maroc multi-confessionnel, le privé, s’il s’agit de sexe, engendre des conséquences alarmantes. Parce que la sexualité est attrayante, mais sale, parce que les choses du sexe ne se disent pas, mais se font en cachette, parce le sexe est interdit, et c’est pour cette raison qu’il faut en profiter.

Le vice et la vertu sont des choses que la jeune cinéaste montre avec un sens inégalé du détail. Présence accrue des femmes, celles par qui (faussement) le scandale arrive. Elle pechent, elles doivent payer. Et les hommes, presqu’invisibles, comme si la rue leur appartenait et qu’ils voyaient la maison, surtout lorsque de nombreuses femmes y habitent, comme des prisons. Surtout lorsque dans leur inconscient, ils savent bien qu’ils sont les véritables coupables, mais semblent s’en ficher. Et aussi parce que dans certaine régions du monde, les mères aiment plus leurs enfants mâles.

Et une cousine venue d’ailleurs qui vient résoudre un problème délicat et permet à Benm’Barek-Aloïsi de réaliser l’un des plus beaux film sur la femme actuelle. Non pas seulement la marocaine, mais la femme tout simplement. Un suspense social sur la sexualité féminine mené tambour battant, mais avec grâce et sans bruit. Quant à Maha Alemi, la principale intéressée dans ce (mélo)drame de quartier, tout à fait magistrale dans sa timidité, sa détermination et plus que tout, sa majestuosité maternelle. Sofia, en grec « sagesse ». Qualité que la femme doit exercer sans cesse.

Si l’idée de collectivité, souvent maladive, règne dans un Maroc multi-confessionnel, le privé, s’il s’agit de sexe, engendre des conséquences alarmantes. Parce que la sexualité est attrayante, mais sale, parce que les choses du sexe ne se disent pas, mais se font en cachette, parce le sexe est interdit, et c’est pour cette raison qu’il faut en profiter.

FICHE TECHNIQUE
Sortie
Vendredi 10 mai 2019

Réal.
Meryem Benm’Barek Aloïsi

Origine(s)
France / Qatar

Maroc / Belgique

Année : 2018 – Durée : 1 h 26

Langue(s)
V.o. : français, arabe / s.-t.f.

Sofiâ

Genre(s)
Drame social

Dist. @
FunFilm

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma Beaubien Cinéma du Musée
Cinéma Moderne

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.   Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

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