17 décembre 2015
Venu de la télévision, le britannique Tom Hooper s’est fait remarquer avec le brillant The King’s Speech (2010) et l’adaptation cinématographique du spectacle de Broadway, Les Misérables (2012), un beau moment de cinéma. Avec The Danish Girl, c’est son talent de metteur en scène d’environnement qui donne au film sa supériorité. Le Cophenhague et Paris de la Belle époque s’avèrent beaucoup plus des espaces de studio que des décors naturels, ce qui a pour but de donner au film un certain charme pictural, si cher à l’auteur.
Cet engouement pour l’artistique se transmet aussi dans les intérieurs, là où les grandes surfaces dominent, permettant aux personnages principaux de traverser leurs difficultés au grand jour. Évitant le côté pamphlétaire en ce qui a trait à la cause LGBT, Hooper n’en demeure pas moins solidaire à la cause, donnant au protagoniste de Lili Elbe, au début Einar Wegener, de défendre sa prise de position avec acharnement lorsque le projet devient presque fait accompli.
Son désir à devenir femme est cependant vite expliqué en quelques scènes expéditives, laissant le côté psychanalytique sacrifié au profit d’occupations mondaines. Ce choix rend la production aussi somptueuse que surperficielle par moments, ce qui n’empêche pas que les interprètes, particulièrement Alicia Vikander, déploient un talent aussi rigoureux que fulgurant. Eddie Redmayne, qui semble évoluer (adroitement, mais moins bien ici) dans des personnages d’êtres torturés, fait parfois des efforts pour atténuer un rôle exigeant. Quant à Matthias Schoenaerts (Bullhead / 2011 et De rouille et d’os / 2012), presque méconnaissable, sa présence éphémère compte pour beaucoup dans cet étrange récit qui oscille entre l’art de la création (la peinture) et celui de la sexualité (bâtir sa propre identité).
Genre : DRAME PSYCHOLOGIQUE – Origine : États-Unis / Grande-Bretagne – Année : 2015 – Durée : 2 h – Réal. : Tom Hooper – Int. : Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Amber Heard, Matthias Schoenaerts, Ben Wishaw, Sebastian Koch – Dist. / Contact : Universal.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Un homme âgé, assis en haut d’une prairie, dirige une groupe de ruminants dans une interprétation d’une de ses œuvres incluant des sons de cloches. Son sourire à la fin est communicatif même si tout le travail n’était qu’œuvre d’imagination mâtinée de mémoire. Fred est un compositeur britannique en villégiature dans un chic hôtel de la campagne suisse.
Paolo Sorrentino, après avoir mis en scène les travers de la société italienne dans Il Divo et La grande bellezza, place ses personnages dans un de ces lieux où les plus fortunés peuvent suivre une cure de jouvence à l’abri des regards indiscrets et où ils profitent de spectacles que la direction monte pour leurs plaisirs. Ils se divertissent aussi en essayant de comprendre les relations intimes entre certains de leurs voisins plus ou moins originaux. Fred et Nick, cinéaste en recherche d’inspiration et assurément d’argent, sont amis depuis longtemps.
Michael Caine et Harvey Keitel endossent leurs rôles avec une complicité évidente. La très belle musique que le compositeur David Lang a composé pour le personnage de Fred sert de leitmotiv à cette illustration des diverses facettes des émotions. D’aucuns trouveront des ressemblances avec certains fragments logologiques de l’écrivain allemand Novalis, spécialement dans la scène décrite plus haut.
La caméra de Luca Bigazzi embrasse, avec une discrète fougue, les divers moments et lieux qui constituent les rêves, les joies et les peines de ces deux amis. Rachel Weisz et Jane Fonda leur donnent une réplique très sentie de manière différente sur leurs erreurs et oublis passés. En tournant en anglais, Sorrentino a réussi à garder son regard ironique sur cette société du spectacle qui nous entoure et qui se propage dans toutes les sphères de notre monde.
Genre : DRAME – Origine : Italie / France / Suisse / Grande-Bretagne – Année : 2015 – Durée : 2h 03 – Réal. : Paolo Sorrentino – Int. : Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda – Dist. / Contact : Fox Searchlight.
Horaires : @ Beaubien – Cinéma du Parc (dès le vendredi 25 décembre 2015)
CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
10 décembre 2015
En fond de scène du générique du début, une forme sinueuse se répétant sur un arrière-plan sombre. La caméra à l’horizontale devient verticale et plonge à la fin dans cette grille d’un trottoir de Manhattan. Nous sommes le soir. Une rencontre inattendue, dans un bar d’un chic hôtel new-yorkais, nous amène rapidement à une série de courtes scènes où deux femmes séparées physiquement, l’une en auto, l’autre marchant, regardent rapidement des éléments dont le sens deviendra plus évident aux spectateurs à la mesure que le récit se déroulera. Suite
Serait-ce possible de se laisser amadouer par le récent film de Wim Wenders, l’une des figures marquantes de la mouvance cinématographique allemande des années 70 ? Jusqu’à un certain temps, pas si lointain, son patronyme suffisait pour que les experts critiques encensent ses dernières créations. Et puis, soudain, le désarroi : une perte d’inspiration, un manque de rigueur, une lente adaptation aux temps qui passent ? Le secret ne sera jamais résolu ou l’est peut-être.
Alors que penser de Every Thing Will Be Fine ? Titre qui ressemble non seulement à une déclaration comme guise de réponse hâtive à ses récents détracteurs, autrefois grands admirateurs, mais bel et bien à une sorte de résignation involontaire. Néanmoins, malgré les échos, en général, défavorables, force est de reconnaître les valeurs intrinsèques d’un film inachevé. Et c’est justement dans sa condition embryonnaire que réside son originalité. Les personnages, laissés à eux-mêmes, se laissent guider par un rapport à l’autre qui relève d’un état extradiégétique, tant ils paraissent comme des fantômes, des revenants de ses premiers films.
Wenders en est conscient, et pour le comprendre, il faut bien observer ce qui se passe à l’écran. Tenter de percer le mystère derrière le for intérieur de chacun des protagonistes, comprendre leur comportement, souffrir comme eux, se rallier à leur crise existentielle.
On pourrait accuser le cinéaste d’avoir fait trop confiance à Bjørn Olaf Johannessen, auteur du scénario, d’une simplicité déconcertante, mais dans le même temps, assoifée de fausses pistes et de forts moments de résignation rédemptrice.
Car Every Thing Will Be Fine est un film de silences, de colères, de liens intimes qu’on laisse s’effriter, mais aussi un film enquête sur le métier de cinéaste, sur les faux pas qu’on peut se permettre de faire par amour du cinéma, pour dialoguer avec le médium et lui dire finalement ses quatre vérités. Wenders n’a peut-être pas réalisé son meilleur film, mais son esprit lucide est encore intact, sa vision du monde aussi aiguisée et surtout et avant tout, on demeure stupéfait devant la persistance qu’il revêt dans sa quête intellectuelle de l’être.
La façon dont chaque critique perçoit un film est une affaire totalement subjective. Dans mon cas, je me suis laissé attendrir par la simplicité candide de James Franco, la maturité sauvageonne de Charlotte Gainsbourg, mais moins par le manque d’intérêt de Rachel McAdams (brillante ailleurs), une erreur de casting qui aurait pu être évitée.
Et finalement, c’est aussi l’amour que Wenders ressent toujours pour l’Amérique et ses mythes, ses croyances, ses légendes occultes. Et cela même si la majeure partie du film se passe ici, en territoire québécois. Le titre français, Un meilleur temps viendra, ressemble à une promesse, une initiative que nous souhaitons se réalisera.
Genre : DRAME PSYCHOLOGIQUE – Origine : Allemagne / Canada / France / Suède – Année : 2015 – Durée : 1 h 59 – Réal. : Wim Wenders – Int. : James Franco, Rachel McAdams, Charlotte Gainsbourg, Marie-Josée Croze, Patrick Bauchau, Robert Naylor – Dist. / Contact : Métropole.
Horaires : @ Cineplex
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
La tragédie maritime du baleinier américain Essex en 1820 n’eut pas l’écho national que provoqua son équivalent français de la frégate Méduse en 1816. Dans Le Radeau de la Méduse de 1819, Théodore Géricault réussit à transcender la peinture de genre en intégrant habilement le factuel pour en faire une des grandes œuvres du Romantisme. Le scénario de Charles Leavitt, adaptant le livre éponyme écrit par Nathaniel Philbrick et gagnant du prix National Book du documentaire, établit une rencontre peu probable en 1850 entre Herman Melville et le moussaillon de l’Essex, Tom Nickerson. Melville, qui a navigué sur un baleinier, cherche des informations auprès de cet homme âgé et enfermé dans ses souvenirs. L’on sait pourtant que Melville avait lu et annoté le journal publié d’Owen Chase, le second du navire, et avait même rencontré le capitaine George Pollard.
Le point de vue du moussaillon sert donc d’introduction pour le spectateur à la vie sur un de ses voiliers sillonnant alors le globe. La manœuvre et ses cris, les bruits des cordages et du bois qui craque et se reforme servent d’arrière-plan sonore à la construction par Ron Howard d’un lieu clos ballotté par les vagues. Le directeur photo Anthony Dod Mantle (Rush) met en images de réaliste manière ce funeste périple, aidé par les nombreux effets spéciaux numériques. Les conflits de personnalités voient le jour et les décisions erronées parsèment la première partie du voyage avant la rencontre d’un énorme cachalot qui avait peut-être 85 mètres de long. Le géant maritime, qui protège pourtant le groupe dont il a la charge, est traité comme un personnage de tueur dans un film d’horreur, se cachant, faisant sentir sa présence et détruisant tout sur son passage.
La dernière partie où les caractères s’échauffent puis s’entraident après la catastrophe manque de nouveauté après, entre autres, Alive de Frank Marshall sur des survivants de l’écrasement dans la Cordillère andine. Chris Hemsworth, Cillian Murphy, Tom Holland réussissent alors un peu à donner profondeur à des personnages plutôt typés. Dans ce drame maritime aux accents écologiques brumeux, Ron Howard n’aura finalement donné le goût à plusieurs de revoir Moby Dick de John Huston, véritable regard d’un cinéaste sur une épopée américaine.
Genre : AVENTURES – Origine : États-Unis / Espagne – Année : 2015 – Durée : 2 h 02 – Réal. : Ron Howard – Int. : Chris Hemsworth, Tom Holland, Ben Wishaw, Paul Anderson, Cillian Murphy, Brendan Gleeson – Dist. / Contact : Warner.
Horaires : @ Cineplex
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