20 avril 2017
Plus que pour les inconditionnels de David Lynch, le film du trio Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neergaard-Holm est l’histoire d’une genèse, le récit d’une formation, l’appétit d’un jeune homme du siècle pour le cinéma. Enfance relativement heureuse loin de la grande ville, parents miraculeusement normaux, physique standard, bref, le genre qu’on apelle communément the-guy-next-door. Et pourtant, un imagination fertile, un style qu’il s’invente depuis ses jeunes années pour tout ce qui est difforme, comme un enfant qui n’arrivait pas à peindre un premier travail de cours de dessin et se réfugiait dans le sordide, non pas par provocation, mais pour s’assumer.
Une candide naïveté dans le propos, dans l’irrégularité des lignes ; avec le temps, une déclaration sociale ou politique. Et des amis, peu par contre, auxquels ils se lient au collège. École d’art, rencontre avec une jeune femme de son temps et qui le comprend, la naissance d’un enfant. Une vie de famille rangée, mais qui ne l’est pas. Et il arrive à concilier les deux. C’est ce qui fait l’originalité des grands artistes.
Et une caméra de Jason S. qui respire la sérénité, même si elle se lance partout. Un montage adroit de Neergaard-Holm, coréalisatrice, qui, justement grâce à son maniement intentionnellement bordélique, s’harmonise avec les peintures abstraites et macabres d’un David Lynch devenu artiste multimédia, concret, maniant le travail manuel comme outil de création. Son espace de création : un véritable laboratoire expérimental d’où jaillissent des œuvres dont certaines ne verrons jamais le jour.
Mais aussi, on soulignera l’absence des réalisateurs dans ce processus de captation, honnêtes, respectueux envers le personnage filmé ; David Lynch, présent dans presque tous les plans. Voix off en général, pour se raconter dans une voix monocorde non pour la moins articulée, comme s’il récitait le poème d’une partie de sa vie. Rarissimement, on le voit parler. Pour nous, comme un rêve qui se réalise. Moments prenants dans un film qui en fin de compte se dirigent ultimement et comme s’il s’agissait d’une prophécie venant des cieux vers un premier long métrage culte, Eraserhead, dont on voit de très courts moments de tournage. Et puis rien, laissant le spectateur naviguer dans son for intérieur et revoir dans sa propre tête ce que le grand Lynch nous a donné depuis.
Pour lui-même, pour l’amour du cinéma et pour prouver que dans tout acte cinématographique, l’imagination est essentielle, la démocratie est une contrainte, la liberté doit s’assumer, et toute initiative de transgression se doit nécessaire et mesurée ; en fin de compte, les images en mouvement ne sont en fait que le cœur et le cerveau de cette immense et parfaite aventure du regard. Les trois documentaristes ont ainsi atteint leur but : la boucle est ainsi bouclée dans ce document exceptionnel et nettement inusité.
Genre : Documentaire – Origine : États-Unis – Année : 2016 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Jon Nguyen, Rick Barnes, Olivia Neergard-Holm – Dist. : TVA Films.
Horaires
@ Cinéma du Parc
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Le réalisateur britannique Ben Wheatley s’intéresse depuis ses premiers films (Down Terrace, Kill List) au milieu interlope et à leurs projets criminels qui tournent mal. Avec le récent High Rise, c’est une société entière du futur qui se dérègle à l’intérieur de la tour symbolique du titre. Free Fire se concentre sur quelques malfrats et terroristes dont les projets volent en éclats au cours d’une vente d’armes dans un hangar quelque part à Boston en 1978. L’affrontement qui suit et qui se prolonge pendant plus d’une heure se transforme en une sorte d’hommage à Gunfight at O.K. Corral dans le décor de Reservoir Dogs.
Mais contrairement à ces deux classiques, le film de Wheatly ne parvient jamais à susciter la sympathie ou l’identification envers aucun des personnages car ils deviennent tous plus détestables et stupides les uns que les autres. À commencer par le petit baveux qui déclenche la fusillade. Seuls Cillian Murphy en terroriste irlandais timide et Arnie Hammer en intermédiaire décontracté créent des performances un tant soit peu consistantes, tandis que Sharlto Copley est tellement démesuré dans son rôle de trafiquant d’armes disjoncté qu’il menace à tout moment de bouffer le décor.
La comparaison à Reservoir Dogs se révèle vraiment injuste car, contrairement à Tarentino, Wheatly et sa femme Amy Jump ne donnent dans leur scénario aucun passé aux protagonistes, ni aucune véritable interaction qui permettrait de comprendre l’enjeu que représente cette pétaradante tuerie. Le caractère ludique de cet exercice de style en forme de défi technique (qui va tirer sur qui avec quoi et quand ?) devient au bout du compte lassant, malgré quelques idées de cadrage, de mouvements de caméra et de l’utilisation de l’espace (on découvre au fur et à mesure les recoins et le second étage de cette ancienne usine). Il ne reste plus qu’à attendre qui sera l’heureux élu à sortir vivant de ce traquenard. À moins que vous ne soyez déjà sorti de la salle.
Genre : Comédie noire – Origine : France / Grande-Bretagne – Année : 2016 – Durée : 2 h 11 – Réal. : Ben Wheatley – Int. : Armie Hammer, Cillian Murphy, Brie Larson, Sharlto Copley, Jack Reynor, Sam Riley – Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence / Langage vulgaire)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Documentaire – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 16 – Réal. : Julien Lombard – Dist. : Coop Vidéo Montréal.
Horaires
@ Cinémathèque québécoise
Classement
NC
(Non classé – Exempté)
De Maryanne Zéhil, De ma fenêtre, sans maison nous avait échappé ; La vallée des larmes laissait une impression d’urgence, quitte à laisser de côté tous ces ingrédients techniques qui parfois faisaient défaut. Ici, L’autre côté de novembre, troisième titre aussi poétique que les deux précédents, évoque encore la thématique chère à la réalisatrice : l’exil (forcé ; en quelque sorte politique), le souvenir de meilleurs jours, la mémoire qui ne cesse jamais son parcours malgré le passage du temps, la condition de la femme dans une terre hostile (le Moyen-Orient), la possibilité de bonheur dans un monde qui s’écroule et, en filigrane, quelque chose de déchirant et poignant qu’on constate que si l’on voit de près, la conquête de la québécitude, l’assimilation sincère à une nouvelle patrie, le Québec, parfois, il faut l’avouer, protectionniste.
L’émotion parcours son récit, celui d’une double identité gravement incarnée par Arsinée Khanjian, elle aussi entre deux mouvances territoriales, l’Arménie et par première alliance matriomoniale, le Liban. En comprenant ces racines millénaires, on peut également saisir le côté parfois mélodramatique du jeu des interprètes ; cela a avoir avec une relation qu’on se fait avec la vie, le parcours humain, l’enfer du quotidien.
Comme toujours, Khanjian se distingue par son jeu ; les autres vivent leurs personnages dans un sentiment d’urgence, suivant une méthode moyen-orientale difficile à comprendre, mais qui prend son élan lorsque nous faisons partie de ces exilés politiques et que nous sommes pleinement conscients de notre double appartenance, celle à un Orient passionné, tentant de dialoguer avec un Occident cartésien et intransigeant.
Mais comme c’est le cas dans tous les pays du monde, L’autre côté de novembre est aussi un récit sur la relation de couple, sur la maladie, l’Alzheimer, sur les conflits au travail. Film social qui imbrique tous ces thèmes dans une durée de presque quatre-vingt minutes. Peut-être trop pour nous, issus de ces nombreux pays de l’Ouest. Mais venant d’une tradition orale, Zéhil a su s’emparer de ses sujets pour contruire avec franchise, sincérité et sénérité un livre illustré d’images en mouvement. Si celles-ci sont parfois boiteuses, qu’importe. Nous suivons leur cœur meurtri même s’il porte des béquilles.
Genre : Drame – Origine : Canada [Québec] – Année : 2015 – Durée : 1 h 18 – Réal. : Maryanne Zéhil – Int. : Arsinée Khanjian, Pascale Bussières, Marc Labrèche, Raïa Haïdar, David La Haye, Béatrice Moukhaiber – Dist. : K-Films Amérique.
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Il y eut My left foot, il y eut Frida. La version canadienne de ces films portant sur des artistes handicapés porte sur la peintre néo-écossaise Maud Lewis (Sally Hawkins). Souffrant depuis son enfance d’une arthrite rhumatoïde déformante qui la laissera partiellement infirme, cette femme minuscule s’évadera dans la peinture de fleurs et de paysages naïfs et deviendra célèbre au point de voir le vice-président Nixon faire l’achat d’une de ses toiles.
En choisissant la talentueuse Sally Hawkins (Happy-Go-Lucky, 2008) pour interpréter le rôle de Maudie, la réalisatrice canadienne Aisling Walsh a cherché davantage à centrer son intrigue sur les autres obstacles auxquels l’artiste a dû faire face pour triompher. Si la souffrance physique de Maudie apparaît dès la première image, sa relation avec Everett Lewis (Ethan Hawke), patron brutal, pingre et grognon ainsi que la déloyauté de sa famille, sont tout aussi accablants. Maudie triomphera néanmoins de tout et de tous grâce à sa passion pour son art et surtout grâce à son irrépressible optimisme.
Bénéficiant d’une cinématographie habile et des très beaux paysages de Nouvelle-Écosse, Maudie n’en est pas moins porté par l’interprétation magistrale de Sally Hawkins, laquelle ouvre une fenêtre sur l’âme indomptable de l’artiste, son courage, sa passion pour son art et pour la vie qu’elle observe de sa fenêtre. Hawkins est bien soutenue par un Ethan Hawke qui s’avère excellent dans son rôle de pêcheur illettré, mais qui laisse petit à petit percevoir sa complexité, sous sa colère d’homme frustre.
On peut rester indifférent à l’art de Maud Lewis, qui s’apparente à celui d’une enfant d’école. Mais on ne peut s’empêcher d’être bouleversé par son personnage. À noter que la minuscule maison qu’elle partageait avec Everett Lewis, son patron devenu son mari, peinte de la cave au pignon, occupe maintenant une place d’honneur au Musée des Beaux-Arts de Nouvelle-Écosse.
Genre : Drame biographique – Origine : Canada / Irlande – Année : 2016 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Aisling Walsh – Int. : Sally Hawkins, Ethan Hawke, Kari Matchett, Zachary Bennett, Billy MacLellan, Gabrielle Rose – Dist. : Métropole Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Horreur / Science-fiction – Origine : États-Unis – Année : 2016 – Durée : 1 h 20 – Réal. : Justin Barber – Int. : Florence Hartigan, Luke Spencer, Chelsea Lopez, Justin Matthews, Clint Joradan, Cyd Strittmatter – Dist. : Cineplex.com.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence /Horreur)
Avouons tout de même que Dany Boon ne semble plus avoir d’idée en tant que réalisateur. Comme d’habitude, d’ailleurs. Pourquoi alors cette comédie faussement cinéphilique (Jean-Paul Belmondo, De Funès… ) lourde, ancienne, à l’humour dépassé alors que le principal intéressé est, ironiquement, plutôt bon, oubliant ses tics, mais n’hésitant pas à étaler une misogynie insupportable dans une France qui a pourtant changé.
Le machisme ordinaire est, certes, vilipendé, mais à la sauce douce, sans causer de véritables dégâts, se limitant à une leçon de morale bien gentille où les rapports hommes-femmes finissent par se réconcilier. Une comédie inutile dans le cinéma hexagonale. Au cours de la projections, dans une salle plutôt intime, quelques personnes ont plié bagages au beau milieu. Sans doute ne comprenant pas l’humour, tout à fait décalé.
Soulignons aussi que la comédienne Alice Pol en fait trop, trouvant ici une niche dans le genre comique qui lui fait défaut. Elle mérite beaucoup mieux. Et autour de cet équipe d’élite, un Michel Blanc qui se croit, de par ses répliques bien contrôlées, devant un scénario à la Michel Audiard.
Genre : Comédie policière – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 45 – Réal. : Dany Boon – Int. : Alice Pol, Dany Boon, Michel Blanc, François Levantal, Yvan Attal, Sabine Azéma – Dist. : A-Z Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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