26 octobre 2017
C’est le genre de film d’animation qu’on voudrait voir plus souvent, contrairement aux produits animés hollywoodiens où les animaux se mettent à parler, et qui ne font qu’infantiliser une société qui l’est déjà. Des œuvres comme La tortue rouge et ceux des studios Ghibli du Japon sont des exemples récents, auxquels s’ajoute le magnifique et touchant Loving Vincent. Le récit d’une enquête, tel un thriller, qui s’étale sur un immense canevas et tourné en rotoscopie et en peintures, travail, comme l’indique le générique, d’une centaine d’artistes d’Europe, s’étalant sur plus de cinq ans.
La fiction est au service de la vie d’un artiste qui a pourtant commencé à peindre à un âge avancé. Existence difficile puisqu’elle est confrontée aux caprices et à l’incompréhension des gens ordinaires, a ses propres fantasmes, souvent propres à ceux de sa profession et à une multitude d’enjeux psychologiques.
Car sans véritablement l’illuster, il faut pour cela lire entre les lignes, Loving Vincent est aussi un regard sur la solitude des artistes, sur ce qu’ils doivent traverser pour accomplir des œuvres uniques, originales, qui traversent le temps et le rendent plus harmonieux. Le film est ultimement le travail réciproque de deux réalisateurs fort épris du personnage. Comme s’ils avaient inventé cette histoire de toutes pièces, quels que soient les résultats.
Les évènemens décrits se sont-ils vraiment passé tels quels ? Cette enquête sur un étranger au-dessus de tout soupçon (pour ne pas paraphraser le film d’Elio Petri) se transforme en un tour de force visuellement imposant, donnant au film d’animation la place qu’il mérite, alors qu’il s’agit d’un genre difficile à maîtriser. À l’intérieur de ces personnages confectionnés à base de peinture à l’huile, se dresse un toile gigantesque dont chaque séquence représente un détail. Cette mise en scène multiforme dote le film d’un pouvoir magnétique, avec comme résultat, une meilleur connaissance de l’artiste, nonobstant si les actions montrées sont inventées ou pas.
Entre Théo, le frère, et Vincent, le peintre néerlandais, une étrange filiation qui les conduit jusqu’à la mort, le premier peu de temps après le supposé suicide du second. Cette fin de vie devient la véritable thèse du film : une interrogation sur l’art et ses rapports avec la vie. On sort de la projection émus, emballés, tout à fait convaincus que l’art peut, dans un sens, changer le cours de l’existence.
Genre : Animation – Origine : Grande-Bretagne / Pologne – Année : 2017 – Durée : 1 h 34 – Réal. : Hugh Welchman, Dorota Kobiela – Voix : Hugh Welchman, Saoirse Ronan, Chris O’Dowd, Jerome Flynn, Robert Gulaczyj – Dist. : Métropole Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
On peut sans trop se tromper affirmer que Lucky, grand petit film indépendant, n’a été conçu que pour feu Harry Dean Stanton, tant l’icône de Paris, Texas y brille de mille feux. Il en est l’âme, le moteur et peut-être la seule véritable raison d’être. Réalisé par John Carrol Lynch, comédien popularisé par Fargo n’ayant aucun lien de parenté avec le célèbre David du même nom (qui possède ici un rôle aussi absurde que taillé sur mesure), Lucky est l’une de ces rares productions qui par leur désarmante sincérité n’ont aucun mal à emporter l’adhésion.
À l’image de The Florida Project sorti la semaine dernière, nous voici confrontés à une autre Amérique, aux antipodes de celle qui accapare habituellement nos écrans. Construit sur une intrigue minimale, le film est une fable philosophique dans laquelle simplicité n’exclue en rien profondeur et réflexivité. Les mystères de la vie, ses hasards, ses moments de beauté malgré la laideur environnante, tous ces petits riens se retrouvent dans ce récit dédié à l’Amérique des subalternes, des personnes âgées, des immigrants et de la ruralité. Un univers bigarré et merveilleux qu’Hollywood ignore royalement.
Au centre de cette faune sauvage et libre, montrée de façon lumineuse, sans une once de misérabilisme, Stanton campe un vieux philosophe doté d’une chance peu commune. Au fur et à mesure de ses rencontres, cette veine incroyable se révèle peu à peu et il apprend à voir autrement le monde qui l’entoure. Ce ne sera pas sa dernière apparition à l’écran puisqu’il a joué dans Frank and Ava qui devrait sortir l’an prochain. Malgré tout, voilà sans doute un rôle qui pouvait incarner son testament de la plus belle des manières. L’acteur y est touchant comme quelqu’un qui prend subitement conscience que la fin le guette, il y est humain lorsqu’il raconte des souvenirs de guerre qui ne semblent pas avoir été écrits pour un comédien, il y est subversif quand il s’en prend aux « vautours » à cravate chargés d’arranger les successions funéraires. Bref, il y est tout simplement vrai.
Le spectateur aura même droit en guise de point d’orgue à un sublime moment de grâce lorsque Stanton interprète a capella et en espagnol le traditionnel Volver volver de Fernando Maldonado. Une voix douce et fragile qui restera longtemps en mémoire, de même que ce visage fatigué, ces yeux bouffis et un sourire taquin envoûteur. Et si c’est en grande partie sur Stanton que le charme un tantinet désuet du film repose, on remarque aussi des seconds rôles adroitement dirigés ainsi que des cadrages minimalistes maîtrisés. En somme, avec Lucky, John Carrol Lynch signe un premier long métrage irrésistible. Idéal pour combattre le spleen automnal.
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2016 – Durée : 1 h 29 – Réal. : John Carroll Lynch – Int. : Harry Dean Stanton, Ron Livingston, James Darren, Bertila Damas, Barry Shabaka Henley, Beth Grant – Dist. : Eye Steel Inc.
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@ Cinéma du Parc
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Le nouveau film de Francis Leclerc renoue avec l’idée du conte se déroulant dans un milieu rustique. L’idée du terroir, c’est ce qui anime certains cinéastes québécois d’aujourd’hui, délaissant la grande ville comme pour se redéfinir, pour connaître ses origines. Mais l’idée d’adapter le roman de son père, le grand Félix Leclerc, n’est pas exempte de connotations politiques de la part du réalisateur de Pieds nus dans l’aube. À l’heure où les minorités culturelles visibles et invisibles clament leurs dus, le cinéma québécois, consciemment ou inconsciemment, jette son regard sur sa propre appartenance. Des appartenances multiples semblent se heurter silencieusement. Mais cela est une autre histoire.
La preuve, nous l’avons en quelque sorte avec le film de Lerclerc et bientôt avec La petite fille qui aimait trop les allumettes, là où Simon Lavoie, sous des dehors de film d’auteur, pose un œil ouvertement politisé sur son pays ; le contraire de Lerclerc, plus aiguisé ; son film est une sorte d’hymne à la campagne, aux valeurs terrestres, si mises de l’avant par son père. La présence de Fred Pellerin à l’écriture du scénario n’est donc pas accidentelle. On est en droi de se poser la question sur ce nouveau courant didactique du cinéma québécois, cherchant de nouveau sa voie.
En attendant, la mise en scène de Francis Leclerc exploite l’élégance feutrée des maisons de campagne, la vie de famille douce et généreuse et l’hommage rendu à son père ne passe pas inaperçu. Car tout simplement, Pieds nus dans l’aube assume sa condition de film grand public, spectateurs qui sauront lire entre les lignes un pan de l’Histoire d’ici souvent oubliée, ou tout du moins, mise de côté. Notons la distribution solide de tous les participants.
Autre texte critique
Séquences > La revue des cinémas pluriels
Nº 311 (Novembre-Décembre 2017)
En kiosque : Novembre 2017
Genre : Chronique biographique – Origine : Canada [Québec] – Année : 2017 – Durée : 1 h 54 – Réal. : Francis Leclerc – Int. : Julien Leyrolles-Bouchard, Roy Dupuis, Julien Leclerc, Marianne Fortier, Guy Thauvette, Catherine Sénart – Dist. : Les Films Séville.
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@ Cinéma Beaubien – Cineplex
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Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Drame – Origine : Philippines – Année : 2017 – Durée : 2 h 08 – Réal. : Cathy Garcia-Molina – Int. : Ronalo Valdez, Aga Muhlach, Dingdong Dantes, Enrique Gil, Christine Reyes, Donita Rose – Dist. : A-Z Films.
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Tout public
Le scénario du quatuor George Clooney, Grant Heslov, ainsi que Joel et Ethan Coen est extrême, ne reculant devant rien pour faire passer le message anti-Trump. Celui d’une Amérique des années 50 très proche de celle d’aujourd’hui ; racisme, peur de l’autre, fausse moralité et perversités cachées à l’appui. La satire des mœurs petites bourgeoises est ici vitriolique, permettant des séquences de pure cinéma qui ont à voir avec la mise en scène.
George Clooney n’y va pas de main morte. L’adultère est plus fort que tout, mais l’argent qu’il peut rapporter encore plus. Et au milieu de cette tragédie grecque quasi grand-guignolesque, le regard d’un enfant qui a bien appris sa leçon des adultes. C’est le jeune Noah Jupe, formidable, d’une présence remarquable à l’écran, et qu’on verra bientôt dans Wonder, de Stephen Chbosky qui vole la vedette. Derrière son masque et sa tenue de pré-adolescent, un regard éveillé, un sens inouï de l’observation et cet instinct de survie que seul possède le jeune âge. On retiendra la courte, mais efficace présence d’Oscar Isaac, qui mérite définitivement de plus en plus de rôles importants.
Il y a du Bernard Herrmann, du Alfred Hitchcock dans ce film jouissivement pervers qui a divisé la critique. Sans atteindre le haut niveau de Good Night, And Good Luck (2005), Suburbicon n’en demeure pas moins extraverti, belle condamnation d’une Amérique en folie. Dommage que le scénario ne fasse pas le lien logique entre la famille afro-américaine nouvellement installée dans le quartier de Suburbicon et les faits et méfaits de cette étrange famille qui habite en face. Divertissant, mais définitivement, du Clooney-cinéaste modèle réduit.
Genre : Satire sociale – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 45 – Réal. : George Clooney – Int. : Matt Damon, Julianne Moore, Noah Juppe, Glenn Fleshler, Oscar Isaac, Gary Basaraba – Dist. : Entract Films.
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Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 49 – Réal. : Jason Hall – Int. : Miles Teller, Haley Bennett, Joe Cole, Amy Schumer, Beulah Koale, Keisha Castle-Hughes – Dist. : Universal Pictures.
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Interdit aux moins de 13 ans
19 octobre 2017
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