1er juillet 2011
>> Sylvain Lavallée
– Vous vous rappelez cette discussion d’il y a presque un an?
– …
– Eh ben moi oui : on se demandait alors quelle place on doit accorder à l’émotion dans une critique d’une œuvre d’art, s’il n’est pas contradictoire de pleurer devant un mélodrame que l’on trouve pourtant médiocre, à quel point notre appréciation d’une œuvre est liée à notre expérience de celle-ci, etc.
– …
– Bon, peu importe, je voulais seulement dire que je ne peux plus aujourd’hui tenir le même dialogue : l’an dernier, ça reflétait ce qui me passait par la tête, ça faisait part d’un doute, d’un questionnement que je n’arrivais pas à résoudre, et voilà que maintenant je veux revenir sur le sujet en me disant que je pourrais réutiliser la même forme, mais je me rends compte que ça ne marche pas, que je devrais inventer un faux contradicteur qui ne serait qu’un faire-valoir, alors à quoi bon?
– …?
– Certitude, je n’irais pas jusque-là, le mot est un peu fort (est-ce que je suis certain de quoi que ce soit?), mais ce n’est pas si exagéré non plus, alors si j’avais à faire part de ma certitude, je la formulerais ainsi : dans le fond, on s’en crisse-tu?
– …?
30 juin 2011
ILLÉGAL
DRAME SOCIAL | Belgique / France / Luxembourg 2010 – Durée : 90 minutes – Réal. : Olivier Masset-Depasse – Int. : Anne Coessens, Alexadre Gontcharov, Milo Masset-Depasse, Olga Zhdanova, Natalia Belokonskaya – Dist. : Axia | Horaires / Versions / Classement : Cinéma Beaubien
Résumé
Tania et Ivan, son fils de 14 ans, sont russes et vivent clandestinement en Belgique depuis huit ans. Sans cesse sur le qui-vive, Tania redoute les contrôles de police jusqu’au jour où elle est arrêtée. La mère et le fils sont séparés.
En quelques mots
Si le parti pris est clair, laissant le spectateur constamment sur le qui-vive, force est de souligner la façon avec laquelle Olivier Masset-Depasse maîtrise le sujet. Thème brûlant d’actualité si l’en est un, et en l’occurrence casse-gueule si on opte pour la fiction, Illégal s’avère fort convaincant dans ses quelques parties aux apparences de documentaire. Selon leurs convictions, certains spectateurs peuvent réagir autrement au message exprimé, mais on ne peut nier le caractère objectif de l’entreprise, véritable œuvre de conscientisation sociale et politique. En citoyenne illégitime sur la corde raide, Anne Coessens incarne une femme marquée avec une distante application qui traduit admirablement bien la force de caractère du personnage. Car derrière sa froideur, une puissante bombe à retardement prête à exploser à n’importe quel comment. D’autres films comme Welcome, de Philippe Lioret, ont indéniablement traité le sujet avec beaucoup plus de nuance et de sobriété, ce qui n’empêche pas cet Illégal d’être à la hauteur, ne serait-ce que pour la noblesse du propos. >> Élie Castiel
26 juin 2011
Dans les situations d’urgence, des professionnels de la sécurité publique agissent habituellement rapidement pour répondre à ces incidents. Le réalisateur Stephen Low, fils de Colin (Corral) Low qui fut un des concepteurs d’Imax, avait déjà présenté dans ce format plusieurs films illustrant l’importance du lien entre l’homme, la vitesse ou la technique Super Speedway, The Ultimate Wave Tahiti, Volcanoes of the Deep Sea.
Le film Imax Rescue 3D comprend de courts portraits de quatre spécialistes s’entrainant ou travaillant dans des cas d’urgence habituelle. La deuxième partie plus enlevée nous les montre prenant part intégrante à l’effort surhumain déployé après le tremblement de terre d’Haïti . Les images souvent en plongée sont saisissantes de réalisme et permettent d’appréhender d’autres aspects de ce travail titanesque accompli entre autres sous l’égide de l’ONU.
Toutefois, le film semble avoir été monté pour un public surtout américain. Ainsi, dans une animation virtuelle, on voit des avions se dirigeant entre la Floride et Haïti et passant au-dessus d’une île non nommée à l’écran, Cuba. Le film est aussi un hommage direct au travail d’assistance humanitaire de ces forces armées impliquées par ailleurs dans de nombreux conflits. >> Luc Chaput
24 juin 2011
>> Sylvain Lavallée
Faisons comme si nous n’avons pas un monument sous les yeux et tentons de voir ce qu’il peut y avoir autour, ou comment contourner The Tree of Life pour ne pas en parler toutes les semaines : essayons en commençant par un article tournant autour dudit film, mais ne l’abordant pas spécifiquement. Richard Brody du New Yorker rapportait cette semaine une critique de David Thomson sur The Tree of Life dans laquelle Thomson s’inquiète que le film « will mystify large audiences and leave a greater gap between popular cinema and the art house. » Drôle de reproche : le grand public, que l’on imagine attiré instinctivement (et uniquement) vers le film à cause de la lumière irradiée par sa star, Brad Pitt, serait comme berné par cette fausse promesse, s’y brûlerait les ailes, se disant « ah non, je croyais voir du cinéma populaire, mais me voilà devant du cinéma de répertoire, hermétique de surcroît, je m’ennuie tant de Legends of the Fall! » Je ne comprends pas comment on peut réprouver un film selon la présomption qu’il ne charmera pas le public que l’on suppose qu’il tente de rejoindre, pire encore, selon la présupposition qu’il aliènera des spectateurs qui ne demandaient rien de plus qu’à être bêtement divertis. Ça fait beaucoup de préjugés et de conjectures en peu de mots.
23 juin 2011
BEGINNERS
COMÉDIE DRAMATIQUE | États-Unis 2010 – Durée : 104 minutes – Réal. : Mike Mills – Int. : Ewan McGregor, Christopher Plummer, Mélanie Laurent – Dist. : Alliance | Horaires / Versions / Classement : AMC
Résumé
Ébranlé par la mort de son père, un dessinateur tente de comprendre ses échecs amoureux en se rappelant son enfance, son lien avec une mère étrange et l’engagement gai de son père à 75 ans. Une jeune femme et un chien entrent alors dans sa vie.
En quelques mots
Après l’intelligent et prometteur Thumbsucker (2004), Mike Mills récidive avec un film encore plus abouti. Dans la veine du cinéma américain indépendant et intimiste, Beginners évoque autant la Nouvelle Vague française que le cinéma de Michel Gondry et de Miranda July (épouse de Mills dans la vraie vie), de qui le réalisateur a retenu cette tendance à déconstruire la mise en scène : ellipses narratives, ruptures de ton et de chronologie. Mais de tout cela, émane des personnages, intentionnellement laissés à eux-même (même si on sent dans l’ensemble une rigoureuse direction d’acteurs), une douce tendresse et une profonde mélancolie qui de plan en plan ne cessent de s’assumer pour n’en devenir que plus tragiques. Car le film parle aussi de la vie et de la mort, des rapports amoureux et des liens filiaux, de ces instants du quotidien où soudain tout s’illumine ou, au contraire, s’assombrit. Mais Beginners est aussi et surtout un film d’acteurs : si d’une part, Mélanie Laurent apparaît telle une étoile filante qu’on ne veut que retenir, Ewan McGregor occupe la plupart des plans, oscillant d’un registre à l’autre avec une grâce incontournable. Quant à Christopher Plummer, il donne à son personnage de père homosexuel un charisme et une dignité inaccoutumés. Car derrière tous ces personnages, Mills définit avec éloquence et perspicacité son rapport au monde et au cinéma. >> Élie Castiel
AUTRES SORTIES EN SALLE … Suite
17 juin 2011
La Cinémathèque française présente une exposition sur Stanley Kubrick; pour l’occasion, les Cahiers du cinéma et les Inrocks lui consacrent des dossiers; le festival de Cannes projette une copie restaurée d’A Clockwork Orange : il semblerait que cette année le cinéma a décidé de rendre hommage à l’un de ses maîtres, qui nous a quittés il y a douze ans en nous laissant comme testament l’un de ses plus beaux chefs-d’œuvre.
>> Sylvain Lavallée
Dans la filmographie de Kubrick, Eyes Wide Shut apparaît comme une œuvre aussi hétéroclite que nécessaire : chez un cinéaste réputé pour sa froideur et son intellectualisme, se tourner ainsi vers le désir et l’irrationnel a de quoi étonner, comme si en fin de carrière Kubrick avait décidé de prouver qu’il pouvait traiter de ce qu’on lui avait toujours reproché de manquer, c’est-à-dire d’émotion, mettant en scène l’intime comme auparavant il avait filmé l’aube de l’humanité, avec la même ampleur et le même souffle épique. Contrairement à ses films précédents, des leçons de cinéma sur le genre (l’horreur et Shining, le film de guerre et Full Metal Jacket, le film historique et Barry Lyndon, etc.), il est impossible d’associer un genre précis à Eyes Wide Shut : en s’adressant à la volatilité des sentiments, Kubrick ne pouvait qu’opter pour une forme tout aussi mouvante, flottant entre le drame psychologique et le suspense onirique, le film se maintenant toujours dans l’incertitude d’un entre-deux pour mieux se plonger dans le fantasme et l’inconscient, mettant ainsi à nu ce qui restait souterrain dans les œuvres précédentes.
Dans la filmographie d’Abbas Kiarostami, Ten (2002) occupe une place particulière. Par sa structure d’abord, un compte à rebours en dix chapitres. Par ses images ensuite, dont la quasi-totalité est tournée à l’intérieur d’une automobile. Par son propos enfin, une réflexion sur la place des femmes.
>> Jérôme Delgado
Ten est le premier film numérique de Kiarostami. Non pas le premier tourné à l’aide de caméras de cette technologie: l’épilogue dans Le Goût de la cerise, 1997, et le documentaire ABC Africa, 2001, découlent de captations numériques. S’il faut considérer Ten comme sa véritable première incursion dans la culture digitale, c’est que Kiarostami a sciemment travaillé en fonction d’elle. L’outil s’adapte ainsi mieux au cinéma qu’il prône, certes de fiction, mais imbriqué dans le réel. La caméra numérique rapproche le cinéaste de son sujet comme jamais.
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