21 juin 2018
Il fallait un maître du cinéma comme Jacques Doillon pour que le public puisse mettre en retrait la formidable performance de Gérard Depardieu et Isabelle Adjani dans le film de Bruno Nuytten, Camille Claudel (1988). La jeune sculpteure, l’un des plus grands talents de sa génération, avait eu droit à un second hommage, celui de Bruno Dumont avec Camille Claudel 1915 (2013), où on la voyait dans la clinique psychiatrique où elle termina ses jours, dans le sud de la France. Juliette Binoche s’y retrouvait dans l’un de ses rôles les plus bouleversants. Si les deux Bruno ont très bien su montrer la souffrance et la colère de Camille face à Rodin, il manquait, après la vague de films biographiques sur les grands artistes du tournant du 20e siècle (Renoir et Degas en 2013, Cézanne et moi en 2016, Gauguin – Voyage à Tahiti en 2017), le point de vue de ce dernier sur la relation amoureuse qui l’embrasa pendant plus de 10 ans.
Rodin, un ouvrier aux mains tachées de plâtre
Disons-le tout de suite: personne, jamais, ne pourra effacer la profondeur de solitude et de souffrance mêlée d’admirable talent qu’Adjani réalisa avec Camille Claudel. Doillon, avec sagesse, ne tente même pas la chose, choisissant au contraire de montrer Rodin et Claudel en bourreau de travail, aussi dévorés par leurs ambitions l’un que l’autre et qui s’accordent des moments de détente au sein de fragiles bulles d’amour.
La première image du film de Doillon nous montre Rodin de dos, immobile. Il ne fait rien, il regarde. Déjà son regard, par son intensité, est une question. Car Rodin ne fait pas que regarder : il scrute, creuse, tâtonne, questionne encore et encore sa Porte de l’enfer, première commande d’État inspirée par la Divine Comédie de Dante. Il fera de même avec son Balzac, œuvre à laquelle il consacrera sept ans. Conspuée par la critique et saluée par les grands artistes de son temps, cette œuvre constituera le début de l’art moderne.
Ce n’est pas la star Rodin acclamé jusqu’à New York que nous montre Doillon mais l’ouvrier aux mains tachées de plâtre, charmant à ses heures, lubrique à d’autres, détestable souvent, un géant de l’art parfois grossier mais porté par une vision artistique dépassant largement le cadre de son époque. Si Camille reste un personnage incontournable de cette histoire, l’art en constitue le centre et l’aboutissement. Doillon, en artiste qu’il est, sculpte la lumière sur les corps, sur le marbre, sur les plâtres et travaille la chair des acteurs comme une glaise souple, malléable, lumineuse et délicate. La peau humaine y est une constellation aux mille facettes, un astre démultiplié qui éclate en torrent de beauté. Pour citer Rodin lui-même regardant un tableau de Monet: « C’est magnifique ».
Un géant de l’art porté par une vision dépassant le cadre de son époque
Sortie
Vendredi 22 juin 2018
V.o.
Français
Réalisation
Jacques Doillon
Genre
Drame biographique
Origine
France / Belgique / États-Unis
Année
2017
Durée
2 h
Distributeur
MK2 | Mile End
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais / ½ [Entre-deux-cotes]
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20 juin 2018
Quelque chose qu’on peut accorder à Giovanni Princigalli, c’est bel et bien sa détermination, sa gouaille bien pensante et son enthousiasme fervent à filmer son identitaire, pour ne pas oublier, pour laisser des traces dignes, pour en faire ressortir, parfois par le regard moqueur rempli de tendresse, ce que cette même appartenance possède de plus humain.
Carolina est une Italienne de 80 ans; elle va rencontrer Yolaine, une jeune femme cubaine dans la trentaine qui semble fuir son futur mari, Frank, un Italo-québécois qui, sûrement, a arrêté le temps à une autre époque. Et puis…
Giovanni Princigalli, entouré d’Antonina Marra et de Lesly Velasquez (Crédit photo : © Héros Fragiles)
17 juin 2018
Crístobal Balenciaga (Crédit photo : © Wikipedia)
Contemporain de Luis Buñuel, Salvador Dalí, Picasso, André Breton et autres libertaires de l’art du début du XXe siècle, quelles que soient les disciplines, véritable un entre-deux-siècles, puisque né en 1895, Cristóbal Balenciaga assume ses origines modestes basques pour en extraire son imagination la plus créatrice. La guerre d’Espagne le contraint à arrêter temporairement ses fonctions, le poussant à s’installer à Paris, Royaume mondial de la mode féminine. De droite ? De gauche ? Centriste ? On aurait voulu connaître ses allégeances politiques, car l’art, comme n’importe quelle autre branche de la mouvance sociale et historique (économique également), est politique. La Seconde Guerre mondiale s’installe avec ses multiples aberrations et aussi hétérodoxies et le contraint de prendre une attitude plus restreinte face à son art. Pour l’artiste en question, même parcours incertain dans une Europe en pleine destruction. Et puis la paix.
Marié ? Hétéro ? Homosexuel ? Amant ? Maîtresse ? Toujours est-il que le public peut se permettre (et d’ailleurs le fait) de fantasmer toutes sortes d’aventures extraordinaires le concernant. D’ailleurs, une profonde recherche nous indique son orientation homosexuelle. Est-ce important ? Bien entendu que oui, car celle-ci lui donne une longueur d’avance sur son imaginaire, qu’on le veuille ou pas. Tous et toutes le savent très bien. Suite
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