19 juillet 2018
Il y a 50 ans, en avril 1968, 2001: A Space Odyssey prenait l’affiche. Il allait révolutionner le genre science-fiction et les techniques d’effets spéciaux. Trois ans plus tard, en 1971, Andreï Tarkovski réalise le sublime Solaris, une œuvre que Moscou présente alors comme la réponse des Soviétiques au film de Kubrick. Une telle compétition dans le domaine ne s’est pas vue depuis, jusqu’à cette sortie inopinée de Salyut-7 en sol américain l’an dernier et au Québec cet été, quatre ans après le film d’Alfonso Cuarón, Gravity. Mais il ne s’agit plus ici de science-fiction mais bien de science réalité placée dans le contexte de l’histoire récente de l’exploration de l’espace par les Soviétiques en 1985, en plein milieu de l’escalade nucléaire et de l’implantation supposée du système de défense anti-missiles par satellites, surnommé « Star Wars » par le président américain Ronald Reagan. La tension était à son comble à ce moment-là, jusqu’à ce que Reagan se réveille et demande à Gorbatchev, en 1987 près du mur de Berlin : « Tear down this wall. »
Les Russes ont donc produit leur propre aventure spatiale, inspirée des faits réels entourant le sauvetage de la station Saliout-7, une mission encore plus périlleuse que celle d’Apollo 13 en 1970. D’ailleurs, ce film s’inscrit davantage dans la réalité de cette mission relatée dans Apollo 13 de Ron Howard en 1995 que dans la fiction racontée dans Gravity en 2013, même si la séquence d’ouverture semble s’inspirer de ce dernier. L’expertise technique des artisans russes n’a rien à envier aux blockbusters américains. Les effets spéciaux sont impeccables. Toutes les scènes qui se déroulent dans l’espace et dans la station spatiale se révèlent vraiment spectaculaires. Le cinéaste maintient un suspense haletant, plein de rebondissements, mettant constamment en danger la vie des deux cosmonautes qui doivent faire fi des ordres venant de la Terre pour se débrouiller tout seuls et survivre tous les deux. Leur courage et leur dévouement ne peuvent que susciter notre admiration, d’autant plus que les deux acteurs offrent un jeu solide.
Malheureusement, dans la première partie, quand le réalisateur a les deux pieds sur Terre, le récit se disperse quelque peu entre les événements entourant la déroute de la station, la décision de l’état-major de la détruire, l’insistance du directeur de la sauver et l’intimité des deux cosmonautes. La routine s’installe et l’illustration se fait plus conventionnelle, avec les deux femmes des cosmonautes qui s’inquiètent, le quotidien factice des deux hommes, la séquence obligée des préparatifs, la colère inévitable du directeur du centre spatial, le tout enrobé d’une musique techno-pop un peu déconnectée et plutôt pompeuse, un défaut des films américains que les Russes n’ont pas su éviter. Le contexte politique est par ailleurs assez bien cerné, montrant avec éloquence la crainte des Soviétiques que les Américains ne s’emparent de la station spatiale avec leur navette, dont l’espace-cargo correspond exactement aux dimensions et au poids de la station. Est-ce un hasard si son départ est imminent et que sa trajectoire va la placer tout près de Saliout-7 ? Il est fascinant d’accéder au point de vue des Russes pour faire changement, sans tomber dans la démagogie ou la propagande imposée.
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Genre
Suspense
Origine
Russie
Année
2017
Durée
1 h 59
Distributeur
A-Z Films
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Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien
Cineplex
Classement
Tous publics
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul / ½ [Entre-deux-cotes]
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Ce détail ne peut échapper au critique : dans ses très rares moments libres, le héros solitaire et mélancoliquement désenchanté est en train de lire une version du Marcel Proust, In Search of Lost Time (À la recherche du temps perdu), œuvre-phare de la littérature française, voire même mondiale. Élément narratif qui prétend apporter quelque chose aux agissements du personnage, mais pas assez élaboré par le réalisateur, du moins selon notre sens de l’observation.
Ce qui n’empêche pas que le film est une réussite dans sa mise en scène, à la limite de l’abstraction, notamment dans la longue séquence finale filmée à la manière d’un plan-séquence (sans l’être) et où la caméra suit la confrontation entre les deux ennemis comme s’il s’agissait d’une chorégraphie de l’affrontement ; suscitant pour ainsi dire chez le spectateur une sorte de mélange entre le malaise et la quasi euphorie et là où la continuité narrative de la violence suggère une condition de mini-récit.
Il faut mettre une chose au clair : les réactions aux films émanant des critiques professionnels peuvent différer les unes des autres. Cela a à voir avec notre vision du monde, du cinéma, de nos propres sensibilités, de notre éducation, de notre dialogue avec les images en mouvement. Le lecteur est libre, bien entendu, de suivre qui il voudra.
Les silences sont pesants dans EQ2, mais parlent. Antoine Fuqua n’est pas dupe de certaines critiques associées à ses films, mais assume néanmoins sa marginalité en défendant un cinéma grand public qu’il affectionne en lui administrant un regard autre sur l’existence. C’est souvent extrême. Et alors ! Entre western moderne et film d’action standardisé, The Equalizer 2 a reçu les foudres de Metascore, la Bible de l’establishment critique. Justement, en parlant de Bible, on s’aperçoit des liens qui unissent le réalisateur à l’existence de Dieu (séquence du règlement de compte, une sorte de punition tombée du ciel). On peut ne pas partager son affection pour la foi, mais le cinéaste a le mérite d’associer la narration, la mise en scène, le choix de la direction photo et les éléments de la nature à sa conscience.
Par ailleurs, Denzel Washington conserve une humanité qui, mine de rien, a recours à la violence, lorsque le hasard l’impose. Pour Antoine Fuqua, c’est sûrement, le croisement entre la dualité de la Vie et de la Mort, du Bien et du Mal.
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Genre
Action
Origine
États-Unis
Année
2018
Durée
2 h 01
Distributeur
Columbia Pictures
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Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
Violence
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul / ½ [Entre-deux-cotes]
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Une enquête choc, menée tambour battant à travers les méandres de l’identité, des origines et de la complexité de l’individu. Des triplés, séparés intentionnellement à leur naissance, deviennent des héros mythiques dans un pays où l’allégorie est sacrée, une des fondations dans la construction du pays. Un vaste territoire peuplé de gens venus de partout pour renforcer le mythe, pour le rendre aussi vrai que tout, malgré les nombreux échecs et failles à travers les siècles.
Entre ces trois illustres personnages, une symbiose fracassante, une alchimie des plus tendres qui fait rêver l’Amérique (journaux, radio, talkshows télévisés, entourage). Et puis la vérité, aux conséquences tragiques. Comme dans un film de fiction qui aurait fait la joie de très grands réalisateurs.
À mesure que la vérité se dévoile peu à peu, c’est le rapport entre l’écran et les spectateurs qui opère, dans sa vulnérabilité, son indifférence, sa nudité, son lien avec ce qui doit être montré et ce qui ne le doit pas.
Les enjeux sont si complexes qu’il est impossible de tout montrer. Les têtes parlantes sont si puissantes, si articulées, tant dans la détresse ou la joie des visages, qu’elles transcendent cette technique du documentaire en l’humanisant davantage, révélant pour ainsi dire la complexité de la condition humaine. La proposition est sans doute de facture télévisuelle à certains moments, mais consciente également de ses limites et de son parcours atypique.
Le Britannique Tim Wardle, qui signe ici son troisième long métrage documentaire, possède quelque chose qui a à voir avec respect, distanciation, absence de sensationnalisme et une humanité qui le place parmi les rares qui arrivent à survivre dans un monde devenu fou, troublant, inquiétant.
Ces triplés, c’est aussi moi et les autres. C’est notre rapport à l’origine de la vie, autrement dit à la naissance, à l’institution familiale, à nos rapports avec notre entourage immédiat. Et puis, le trajet de trois vies raconté comme dans un récit purement fictionnel. Les différents visages que ces personnages montrent nous plongent dans l’émoi, la tristesse et la béatitude. Nous retenons notre souffle devant tant de prise de conscience avec ce mot si ingrat, vérité ; en quelque sorte la roue du destin et ce quelque chose qu’on appelle simplement exister.
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Genre
Documentaire
Origine
Grande-Bretagne
Année
2018
Durée
1 h 37
Distributeur
Métropole Films
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Horaires & info.
@ Cinéma du Parc
Cineplex
Classement
Tous publics
Déconseillé aux jeunes enfants
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul / ½ [Entre-deux-cotes]
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