21 décembre 2018
Dans cette comédie policière prenant des allures de road movie nonchalant, le meilleur gag n’est pas dans le film comme tel puisqu’il sert de transition entre le début et le reste du récit. Dans la séquence d’ouverture, Earl Stone (Eastwood), 78 ans, rate le mariage de sa fille. Ensuite, un carton nous indique que douze ans ont passé. Earl a maintenant 90 ans, mais Clint, lui, a toujours 88 ans. On pourrait croire qu’il souhaite se rendre à cent ans, le diable d’homme! Cependant, Eastwood avait bel et bien 78 ans quand il a réalisé Gran Torino en 2008, un film également écrit par Nick Shenk, ce qui crée une filiation entre ces deux vieux protagonistes bourrus. The Mule n’atteint pas la force dramatique de ce dernier, mais on y passe un bon moment en compagnie de cet octogénaire qui semble s’amuser comme on l’a rarement vu faire au cinéma.
Rythme lent, longues randonnées en camion pick-up, nombreuses scènes assises au restaurant ou dans des réceptions, Clint Eastwood prend son temps, mais il sait nous captiver par ses réparties cinglantes, ses mimiques brevetées et sa stature toujours imposante. Transportant des kilos de drogue mais pas stressé du tout, Earl Stone en profite pour relaxer au volant en chantonnant les morceaux de choix qu’il syntonise à la radio, au grand dam des deux sbires du cartel mexicain qui le suivent en voiture. Ils se laissent pourtant gagner par la bonne humeur de ce vieillard ringard, comme nous d’ailleurs. Ces scènes s’avèrent les plus satisfaisantes et les plus amusantes du film. On ne s’est jamais senti aussi proche de Clint Eastwood. Le même sentiment de proximité m’habitait au sujet de Robert Redford dans le récent The Old Man & the Gun, qui offre beaucoup de similarités avec The Mule.
Il n’en demeure pas moins que l’intrigue ne fait qu’effleurer la gravité et le danger auxquels s’expose cet homme en transportant de telles quantités de drogue. L’anecdote prend le pas sur la profondeur et les tentatives de racheter l’égoïsme de ce patriarche qui a négligé sa femme mourante (Diane Wiest), sa fille en colère (Alison Eastwood, la vraie fille de Clint) et sa petite-fille conciliante (Taissa Farmiga) semblent forcées. De grands acteurs comme Laurence Fishburne et Bradley Cooper ne font que passer, tandis qu’Andy Garcia est méconnaissable en chef de cartel. Clint a tout de même laissé à sa fille Alison la meilleure réplique du film quand, une fois Earl condamné à la prison, elle lance : « Au moins, on va savoir où tu es! »
Je sais, quant à moi, où était pendant ce temps le Québécois Yves Bélanger, directeur photo attitré de Jean-Marc Vallée (Dallas Byers Club, Wild, Demolition, Big Little Lies, Sharp Objects). Il a collaboré pour la première fois avec Eastwood et sa lumière bucolique imprègne le film, en parfaite cohérence et continuité avec le travail des deux principaux directeurs photo de la vedette, Tom Stern (depuis 2002) et Jack N. Green (de 1978 à 2000).
Sortie
Vendredi 14 décembre 2018
Langue(s)
V.o. : anglais / Version française
La mule
—
Réal.
Clint Eastwood
—
Genre
Drame
Origine(s)
États-Unis
Année : 2018 – Durée : 1 h 56
Dist.
Warner Bros. Canada
Classement
Tous publics
[ Déconseillé aux jeunes enfants ]
Info. @
Cineplex
—
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
Quatre ans après le succès critique de It Follows, David Robert Mitchell s’attaque à un nouvel exercice de style aussi fascinant que délirant avec ce savoureux hommage au film noir réinventé au goût du jour. Après avoir jonglé habilement avec les codes du cinéma d’horreur dans son précédent film, le cinéaste américain ajoute une couche de fantaisie avec ce délirant fourre-tout post-modernisme qui se présente comme un collage excentrique d’une multitude de thèmes reliés à Hollywood et à la culture populaire. On peut, par moments, reprocher le manque de structure alors que le cinéaste se fourvoie dans ses propres dédales, mais ça demeure un brillant pastiche du film (néo)noir aussi excentrique que savamment bordélique. Se situant quelque part entre Sunset Blvd. et Mulholland Drive, Under the Silver Lake est un objet singulier qui ne manque pas d’audace. La mise en scène énergique et inventive réussit à garder l’intérêt malgré la durée du film (deux heures et vingt minutes). En jeune vaurien apathique entraîné dans ce tourbillon mystérieux, Andrew Garfield offre une performance savoureuse alors que la musique envoûtante de Disasterpeace ajoute au climat insolite de l’ensemble. On n’avait pas vu un tel délire sur la Cité des Anges depuis l’inoubliable The Big Lebowski des frères Coen. Certes, Under the Silver Lake est un film imparfait bourré de jeu de pistes et références cinématographiques, mais ô combien jubilatoires!
Sortie
Vendredi 14 décembre 2018
Langue(s)
V.o. : anglais ; s.-t.f.
Sous le Silver Lake / Sous le lac argenté
—
Réal.
David Robert Mitchell
—
Genre
Suspense
Origine(s)
États-Unis
Année : 2018 – Durée : 2 h 19
Dist.
Métropole Films
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence / Érotisme ]
Info. @
Cinéma du Parc
—
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
7 décembre 2018
C’est bien le cas pour la revue de l’année au TRV. L’édition 2018 se présente comme l’une des plus intéressantes depuis quelque temps. Raison principale : sans dénigrer les metteurs en scène des années précédentes, loin de là, Natalie Lecompte signe une première fois selon une approche nouveau-siècle. Faire vite, montrer juste ce qu’il faut et rendre les spectateurs heureux.
Formule d’autant plus convaincante que la jeune metteure en scène peut compter sur des années de collaborations au spectacle en tant qu’auteure, comédienne et script-éditeure. Des textes rafraîchissants prouvant que ce Bye-Bye-TRV est conçu pour tous les groupes d’âge.
Crédit photo : © François Laplante Delagrave
2025 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.