19 octobre 2017
Genre : Drame familial – Origine : Inde – Année : 2017 – Durée : 2 h 30 – Réal. : Advait Chandan – Int. : Zaira Wasim, Meher Vij, Aamir Khan, Raj Arpun, Manuj Sharma, Kabir Shaikh – Dist. : Imitiaz Mastan.
Horaires
@ Cineplex
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Tout public
À Norilsk, il y a l’hiver, long et rigoureux, d’immenses gisements de nickel, une ville qui tombe plus ou moins en ruines. Et bien sûr, il y a des gens. 170 000 au total. Des jeunes, des vieux, désireux de partir au loin ou encrés à jamais dans ce coin perdu en plein cercle polaire. Pour son premier long métrage, François Jacob nous entraîne avec lui dans cet endroit improbable issu d’une autre époque, et créé par un système impensable aujourd’hui. La nature très graphique de ces lieux est sublimée par des images nocturnes empreintes de mystère. On sent aussi le passé du cinéaste dans le domaine de la fiction par sa façon inventive de mettre en scène ses entrevues. On pénètre alors dans le quotidien de plusieurs résidents, dont beaucoup ont fait de la résilience le principal ressort de leur existence dans ce contexte inhumain.
L’amnésie des autorités a fait son œuvre. Les souvenirs des destins tragiques des bâtisseurs de la ville – des prisonniers internés dans des goulags comparables à des camps de travail nazis – ont été éradiqués. Malgré le peu d’archives disponibles, Jacob parvient tout de même à nous en faire ressentir tout le poids. Outre son aspect historique, ce documentaire offre une vision à 360 degrés des contradictions et des aliénations de systèmes économiques poussés à l’extrême. Le constat n’est pas tendre envers les dirigeants politiques, encore moins à l’égard de la direction du géant minier local. Et si la destruction de l’environnement et l’impact sur la santé publique de la pollution ne sont pas le cœur du récit, les nuages toxiques de Norilsk nous servent un avertissement bien senti, alors que nous tergiversons toujours avec nos propres ressources naturelles.
S’étalant sur presque deux heures, le montage possède un rythme adapté à la saison froide. Figée dans les glaces, la cité état stagne dans une sorte d’apesanteur intemporelle. Mais c’est le propre de ce film que de nous en faire ressentir toute l’indolence, quitte à donner l’impression d’un ralentissement notable à mi-parcours. Une sensation renforcée par le fait que certains développements intéressants arrivent tardivement, notamment celui de la volonté d’une troupe de théâtre de ressusciter le sort tragique des bâtisseurs de la ville. L’un des rares actes de résistance populaire qui aurait mérité plus d’approfondissements. Il n’en reste pas moins que Sur la lune de nickel est un voyage fascinant dans cette région méconnue de notre monde.
Genre : Documentaire – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 52 – Réal. : François Jacob – Dist. : Les Films du 3 Mars.
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@ Cinémathèque québécoise
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Documentaire – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 58 – Réal. : Rory Kennedy – Dist. : Métropole Films.
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@ Cineplex
Classement
Tout public
L’envers du décor. L’Amérique marginalisée. Voilà ce qui intéresse le cinéaste new-yorkais Sean Baker. Après nous avoir montré l’autre côté d’Hollywood en 2015 avec son acclamé Tangerine, dans lequel on voyait parader deux prostituées transgenres afro-américaines à la recherche du copain infidèle de l’une d’entre elles, voilà qu’il nous revient avec The Florida Project. Cette fois, il s’intéresse à la périphérie de Disney World, cet immense paradis de consommation américain.
Moonee, six ans, et sa jeune mère Halley demeurent au Magic Castle, un motel miteux, peint en mauve, à quelques pas du grand Disney World d’Orlando. Là se côtoient tous les laissés-pour-compte du rêve américain, ceux, comme le montre certaines scènes du film, dont la totalité des effets personnels tient dans une voiture, ceux qui considèrent que travailler dans un restaurant fast-food est un luxe, ceux qui doivent tout donner, et encore plus, pour joindre les deux bouts. C’est à travers ce microcosme de l’Amérique déchue que courent Moonee et ses copains, tous plus insouciants les uns que les autres, toujours prêts à faire une nouvelle bêtise ou à aller manger un autre cornet de glace.
The Florida Project se situe à mi-chemin entre la fresque sociale et la poésie magique. On y présente une situation triste et réelle mais observée en majeure partie du point de vue d’un enfant. Les grands angles et les grands plans qu’utilise Baker, souvent cadrés avec la tête des enfants devant, soulignent à quel point le monde leur paraît immense. Les couleurs vives et saturées révèlent un monde qui leur paraît féerique. Le film n’est donc jamais trop pénible. On ne tombe pas dans l’apitoiement. L’enfant ne perçoit pas la misère. Au contraire, il en fait un jeu. Il est amusant pour Moonee d’aller quémander des sous ou d’essayer de vendre illégalement des parfums aux riches. Baker célèbre l’innocence et la magie de l’enfance.
À l’opposé de Moonee, le spectateur, lui, la perçoit cette déchéance. L’esthétique de couleurs saturées lui rappelle la magie de l’enfance, certes, mais également la surconsommation tape-à-l’œil, grossière et bas de gamme de l’Amérique. Alors que Moonee s’amuse, le spectateur les voit, lui, les prostituées et les pédophiles qui la côtoient. Il la voit la misère. Il les voit les sacrifices que les parents doivent faire et les amitiés qui se brisent. Surtout, en voyant la mère, elle-même à peine sortie de l’enfance, tenter de se démerder tant bien que mal dans cette situation précaire, le spectateur anticipe les difficultés auxquelles l’optimisme et l’énergie débordante de Moonee se heurteront tôt ou tard. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, gardant toujours la tête haute, The Florida Project demeure un film tragique.
Genre : Comédie dramatique – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 52 – Réal. : Sean Baker – Int. : Willem Dafoe, Brooklynn Prince, Valeria Cotto, Bria Vinaite, Christopher Rivera, Caleb Landry Jones – Dist. : Entract Films.
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@ Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Langage vulgaire)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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Genre : Suspense policier – Origine : États-Unis / Grande-Bretagne / Suède – Année : 2017 – Durée : 2 h – Réal. : Thomas Alfredson – Int. : Rebecca Ferguson, Michael Fassbender, J.K. Simmons, Charlotte Gainsbourg, Toby Jones – Dist. : Universal Pictures.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
Les échos critiques et cinéphiliques étaient presques tous unanimes en ce qui a trait au tout récent film d’Agnès Varda, cette merveilleuse jeune cinéaste qui, à peine 87 printemps au moment du tournage, rejoint l’artiste JR pour proposer une image de la vie, aujourd’hui, à travers le prisme de la caméra (cinématographique et photographique) et l’existence de personnages captés, pris loin de la grande ville, dans une France régionale qui rejoint les vraies âmes qui la composent.
Et puis Agnès et JR, deux combattants des temps modernes, deux amoureux des images fixes et surtout pour la première, en mouvement. JR, c’est le street-artist (artiste de la rue), captif de son pouvoir social et politique, son esthéthique particulière, ses représentations grand format, donnant au film un aspect aussi intemporel que magnifiquement émotionnel.
En premier lieu, Visages villages et une rencontre, ou mieux encore des rencontres, avec le cinéma, ses multiples variations et nuances, son impact sur la vie, sur les gens, sur la parole ou son manque. Mais c’est aussi un film délicatement interventionniste, dans le sens positif du terme, dans tout ce qu’il cache comme nuances. Par les temps qui courent, c’est jusement ces légères différences à l’échelle humaine qui nous manquent aujourd’hui, une ère dramatiquement polarisée où la thèse cartésienne n’existe plus.
Agnès Varda nous offre ici une leçon de choses et se conduit avec JR, comme s’il s’agissait d’un élève qui apprend d’elle. Il rouspète et elle répond. Il s’impose et elle s’arrange pour inverser las situation. Il essaie de se battre amicalement et elle favorise le dialogue silencieux. Et finalement, la nuance l’emporte dans un face-à-face d’amoureux entre une vieille dame chaleureusement indigne et un jeune artiste bohème, comme elle d’ailleurs, qui a tout le temps devant lui et ne désire qu’emporter sa complice avec lui.
Varda ne se cache pas derrière ses lunettes. JR, si. Qui est-il ? D’où vient-il ? En curieux et observateur que je suis, je peux prétendre savoir. D’ailleurs, peut-être que deux moments dans le film me laissent souscrire au bien fondé de mon hypothèse. Est-ce aussi important que cela ?
La réponse est oui, autant pour lui que pour elle. Il y a quelques années, lors de la présentation du film Les glaneurs et la glaneuse au festival de Thessalonique, en Grèce, la réalisatrice confirmait qu’un de ses oncles étaient d’origine grecque et que cette caractéristique avait sans doute influencé sa carrière.
Effectivement, pourquoi ce goût prononcé et délicat pour les images, les pierres, les sculptures de l’Histoire. Le court Les dites Cariatides (1984) n’est-il pas un exemple frappant. Et puis, JR, que vient-il faire dans toute cette histoire. Regard perçant derrière ses lunettes godardiennes, son sens du rythme, de la cadence, ludique, enjoué, vachement sympa, d’une tendresse infinie avec sa vraie grand-mère (magnifique moment du film). Ne pouvons-nous pas confirmer sa méditerranéité, donc d’un rapport antique au monde ?
Mais Visages villages va encore plus loin. Le film expose l’individu à son patrimoine terrestre, lui rappelle que l’art n’est pas un simple caprice, mais qu’il contribue au progrès social et individuel, et plus que tout, contribue à une meilleure connaissance du monde.
Et puis, assise sur un rocher non loin de la plage, Varda invente une caméra, cette fois-ci, fictionnelle, qui la capte en légère plongée, le visage aguerri, les yeux un peu tristes, le regard non pas absent, mais affectueusement interrogateur. Comme si par un étrange pouvoir annonciateur, elle laissait entendre que ce moment lyrique ressemble peut-être à chant du cygne. Partir pour laisser les autres revenir et ultimement durer.
Genre : Documentaire – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 32 – Réal. : Agnès Varda, JR – Dist. : MK2 | Mile End.
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@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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