23 novembre 2017
Premier long métrage solo de la comédienne accompli Greta Gerwig, après la coréalisation, avec Joe Swanberg, de Nights and Weekends (2008), Lady Bird est une révélation. D’une part celui d’une cinéaste issue du mouvement américain indie, particulièrement inspiré par Noah Baumbach, faisant partie de l’intelligentsia new-yorkaise influencé par les codes de la nouvelle vague française, mais agrémentée à la sauce américaine.
Si Lady Bird déchaîne les passions dans la jeunesse actuelle, c’est que le film lui parle, notamment aux filles, de leur place dans la société, de leur sexualité, de leur maturité à faire face aux problèmes à venir. On peut ne pas être intéressé par le sujet, mais force est d’admettre que la réalisation de Gerwig est d’une spontanéité triomphante, magique, quasi subliminale. Justement parce que le réalisme comtemporain est mis au service de la caméra et non vice-versa. C’est un film qui respire le plan, transcende ses conventions et, mine de rien, dépend des personnages, notamment celui de Christine (parfait et indispensable Saoirse Ronan) pour parfaire la fiction et lui concéder un je-ne-sais-quoi de diablement provocateur sans l’être trop.
Le déjà-vu attribué au récit est transcendé par une imagination sans bornes, créant des séquences d’anthologie aussi perverses que candides. Les rapports mère/fille sont présentés selon un parcours psychologique qui a à voir avec l’aventure féminine. Tout en évitant le pamphlet féministe, Gerwig donne à la femme la liberté d’être, de décider et d’exister.
Un premier film accompli qui pourrait se retrouver dans la course aux Oscars, quelle que soit la catégorie.
Genre : Comédie dramatique – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 35 – Réal. : Greta Gerwig – Dist. : Entract Films.
Horaires/Info.
@ Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Richard Linklater ne nous avait pas habitués à des récits linéaires comme c’est le cas de cette adaptation du roman de Darryl Ponicsan, également coscénariste. Il s’agit tout d’abord d’un film d’acteurs, dont fait preuve ce trio composé de Steve Carell, d’une force dramatique extraordinaire par sa simplicité, de Laurence Fishburne, sensible dans un rôle de pasteur, et de Bryan Cranston, si on voit ses derniers films, de plus en plus indispensable.
Le film parle surtout d’amitié, de responsabilité civile, de solidarité, des concepts aujourd’hui perdus dans l’indifférence qui mène nos vies. Le film est presque suspendu dans le temps, celui d’un enterrement « comme il se doit » en guise d’hommage à un fils victime de la guerre.
Si la tristesse est de mise, force est de souligner que Linklater crée des séquences d’humour pour atténuer le propos. Filmé dans des couleurs grises ou pâles, Last Flag Flying est un réquisitoire contre la guerre qui remet en question le concept même de masculinité et de virilité.
C’est un film d’hommes, pour les hommes, pour qu’ils tiennent compte de toutes les surprises de la vie. Et au fond, quand on voit ces trois personnages évoluer, on se rend compte que derrière chacune de ses vies, se cachent des âmes sensibles, des êtres parfois en perdition, mais des héros malgré eux.
Pour finalement réaliser que dans ce bas monde, les états qui nous gouvernent sont en partie responsables de la vie qu’on a choisie. Éloigné du cinéma indépendant par sa linéarité, ce film aussi singulier que retenu se classe néanmoins parmi les réalisations les plus réellement senties de Richard Linklater.
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 04 – Réal. : Richard Linklater – Dist. : V V S.
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Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
La réalisation, paresseuse, navigue dans tous les bords, se cherchant constamment, se pliant à des codes archi-usés qui ne conviennent plus dans le cinéma contemporain. Si d’une part, l’incontournable Denzel Washington confirme sa versatilité à habiter des personnages hors-normes, il ne peut s’empêcher de dépasser sa motivation habituelle. À tel point qu’il peut finir par désamorcer certains spectateurs. Quant à Colin Farrell (impeccable dans le Sofia Coppola et les deux récents Yorgos Lanthimos), il se contente d’avoir des allures de beau gosse, sans rien apporter de nouveau à son personnage de chef de firme. La bande-son est assez originale et dans l’esprit des personnages principaux, mais on sort de la projection aussi confus qu’au début, témoins d’une affaire judiciaire qui, au fond, ne nous intéresse guère.
Il manque un souffle, une âme, un esprit de corps, des sensations inhabituelles, un discours performant; en somme, tous ces ingrédients qui font qu’un film est réussi, nonobstant de la possible minceur du scénario. Ici, le risque encouru ne produit rien de concret. C’est comme si le réalisateur avait décidé de composer une ballade sur le milieu de la justice et qu’au beau milieu, il aurait été la victime d’une série de faux pas. Sans oublier le manque de délicatesse d’un titre gratuitement pompeux, totalement injustifié par le résultat.
Genre : Drame – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 42 – Réal. : Dan Gilroy – Dist. : Columbia Films.
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Tout public
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Chronique biographique – Origine : Canada / Irlande – Année : 2017 – Durée : 1 h 45 – Réal. : Bharat Nalluri – Dist. : Entract Films.
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Tout public
Palme d’or au Festival de Cannes 2017, contestée par certains, The Square est avant tout un essai vitriolique qui, par le truchement de la morale du plan, propose une éthique du monde, de la société actuelle, de son égoïsme généralisé, vu pour ainsi dire comme une sorte de vertu en soi.
La charité, le partage, l’entraide ne sont plus à l’ordre du jour. Et l’art est devenu lui aussi une commodité que de nombreux faux artistes s’évertuent à diffuser (et à vendre). Comment reconnaître une véritable œuvre artistique de ce qui ne l’est pas ?
Dans l’art, et dans toute activité créatrice, la démocratie n’existe pas puisque l’art, de part sa nature, est un phénomène individuel qui dépend du talent, inné ou parfois acquis, qui ne concerne que l’artiste en question.
Mais le film se moque de l’art contemporain, utilisé à toutes les sauces, ne voulant, la plupart du temps, rien dire. Cette démocratisation de la pensée et de la création a non seulement atteint des proportions hallucinantes, mais a surtout faire ressortir des dérives autrefois insoupçonnées.
Même la performance (comme cet homme-chimpanzé qui ravive l’ère des premiers hommes lors d’un dîner et filmé avec une maestria sans précédent) fait partie de l’art aujourd’hui. En premier, cette longue séquence nous paraît gratuite, mais à bien y penser, Östlund rappelle que le rêve bourgeois est une vraie calamité, et que dans le même temps, les précurseurs de la morale qui crient justice, par exemple envers les immigrés, sont autant petits bourgeois que ceux qu’ils critiquent. Comment alors se retrouver dans cet imbroglio social qui place l’individu dans une sorte d’espace sans issue ?
The Square, c’est la sculpture d’un carré rempli de gravats, unique pièce dans un espace muséal du rien, aux murs d’une blancheur clinique. C’est incisif, piquant, pince-sans-rire, provocateur, imprévisible et d’une humanité déconcertante. C’est un film qui parle d’aujourd’hui, des hommes et des femmes qui remplissent l’espace terrestre et qui ne savent plus où ils se dirigent. Ça donne froid au dos, mais ça donne aussi l’occasion de réfléchir sur la condition humaine, ne serait-ce que par instinct de survie.
C’est sans aucun doute excessivement démonstratif, comme si les spectateurs, devenus enfants, assistaient à une leçon de morale. C’est là un des quelques bémols d’un film qui tient la route, mais en prenant trop de libertés, risque d’atténuer le propos.
On retient néanmoins la théorie selon laquelle l’Occident commence à entrer dans sa phase inévitable de déclin. Le nouveau siècle n’a pas fini de nous étonner et de nous angoisser.
Mais heureusement que la présence de l’impeccable et attrayant comédien danois Claes Bang nous sort momentanément de la lucide torpeur ambiante des temps présents.
Genre : Comédie dramatique – Origine : Suède / Allemagne / France / Danemark – Année: 2017 – Durée : 2 h 25 – Réal. : Ruben Östlund – Dist. : Eye Steel Inc.
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@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex
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Interdit aux moins de 13 ans
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
De Joachim Trier, le premier film qui nous vient à l’esprit est sans aucun doute l’innovateur et vachement intelligent Oslo, 31 août (Oslo, 31. august / 2011). Six ans plus tard, il opte pour le film psycho-analytico-fantastique en l’imprégnant d’un discours intellectuel sur l’existence. La relation lesbienne n’est guère gratuite, mais au contraire, suggère une sorte d’ouverture au monde réaliste, une reconnaissance des nouvelles cultures occidentales ancrées sur la liberté, la parité et quelque chose qui a à voir avec la dignité individuelle et le respect de l’autre.
Ces éléments ne sont pas nécessairement illustrés dans le film, mais se devinent, se sentent, d’autant plus que le film est destiné à un spectateur cinéphile qui, de sucroît, possède assez d’intelligence pour lire entre les lignes.
Oui, en effet, la trame initiatique est évidente, mais ici, elle prend possession du cinéma pour aller partout et nulle part. Car les intentions et les comportements des personnages se passent dans le silence de l’âme, endroit indicible de notre être, mais si suggestif et motivant. C’est vrai aussi dans l’architecture des lieux, des endroits grandeur nature (université, bibliothèque), véritables mecques du savoir, de véritables témoins de la fiction, mais où, paradoxalement, l’esprit peut parfois (cinématographiquement) prendre des formes inquiétantes, souvent tournés en contre-plongées ou subtilement à vols d’oiseau.
La mise en scène, clinique, froide, presque morbide, s’acclimate parfaitement bien à une certaine cinématographie européenne venant du froid, mais si chère à nos instincts cinéphiles, d’où sont d’ailleurs sortis des cinéastes de la veine de Lars von Trier (oui, apparemment Joachim aurait des liens de parenté avec lui), mariant subtilement (ou pas) cinéma d’auteur et fiction traditionnelle en les juxtaposant judicieusement.
Mais Thelma, c’est aussi un film sur les sensations qu’on peut éprouver après un premier regard, quel que soient le sexe. L’œil, dans ce sens, et semble dire Trier, est un tyran intransigeant, un mur infranchissable sans lois, ni codes moraux. Tout compte fait, son film est un essai freudien où la psychanalyse tient lieu de guide. Les comédiens, tous brillants, survivent magnifiquement bien à cette épreuve hors du temps. Subtilement équivoque!
Le film, par ailleurs distribué ici officiellement et interdit aux moins de 13 ans, sort dans la section « Évènements cinéma », dans une salle du Quartier Latin destinée uniquements aux Évènements, ce qui explique aussi qu’il n’y a pas eu de projection de presse. Raison : ? Point d’interrogation qui nous pousse à nous interroger sur l’état un tant soit peu chaotique de la distribution au Québec, c’est-à-dire, majoritairement à Montréal.
Genre : Drame fantastique – Origine : Norvège / France / Allemagne / Suède – Année : 2017 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Joachim Trier – Dist. : Films Eye Steel Inc.
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Interdit aux moins de 13 ans
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★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Dès les premiers instants, Martin McDonagh installe une atmosphère qui nous rappelle les frères Cohen, dont le réalisateur de In Bruges se débarrasse cependant assez vite et fort adroitement. En alliant cinéma de genre et critique sociale, McDonagh parvient à mettre sur pieds un polar percutant et original, qui, même s’il est moins déjanté que Seven Psychopaths, déploie quand même une bonne dose d’humour pince-sans-rire. Toutefois, au détour d’un scénario riche en rebondissements, on relève une étude beaucoup plus sombre de l’état dans lequel se retrouve l’Amérique d’aujourd’hui. Les rapports humains sont marqués de problèmes intergénérationnels, les élites locales sont corrompues, et le racisme ordinaire se teinte encore de cette Amérique qui n’en finit plus de trimballer ses démons. Des sujets déjà vus, bien sûr, mais que McDonagh sait utiliser avec dextérité.
Dans un rôle taillé à sa mesure, Frances McDormand excelle. Fragile et forte à la fois, elle offre un portrait de femme en colère, réclamant à corps et à cris que justice soit enfin faite. Et que dire de la prestation de Sam Rockwell dans la peau d’un flic pourri, ingrat et inculte, mais finalement très professionnel. En face d’eux, Woody Harrelson parvient à livrer une performance nuancée, dont on ne mesure jamais vraiment le mystère. On devrait reparler de ces comédiens lorsqu’il sera question des prochains Oscars. Certes, on pourra reprocher à McDonagh d’avoir forcé le trait, et d’avoir arrondi les angles à quelques reprises en enchaînant sans trop de difficultés des développements et coïncidences faciles. Mais c’est peut-être pour mieux laisser éclater ce beau bazar hystérique teinté de vengeance sur le destin. Jusqu’à la toute dernière minute, Three Billboards Outside Ebbing, Missouri se savoure comme un thriller épique qui a beaucoup de chien.
Genre : Comédie dramatique – Origine : États-Unis / Grande-Bretagne – Année : 2017 – Durée : 1 h 56 – Réal. : Martin McDonagh – Dist. : Fox Searchlight.
Horaires/Info.
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Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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