En couverture

Les Sœurs de Nagasaki

18 octobre 2018

CRITIQUE
[ Moyen métrage]

Élie Castiel

★★★★

RAVIVER LA MÉMOIRE OUBLIÉE

C’est sans doute l’un des plus beaux documentaires d’Alain Vézina, ancien (et peut-être de nouveau) collaborateur à Séquences. Pour le fil narratif : Le 9 août 1945, une bombe atomique explose au-dessus de Nagasaki. Prisonnier des Japonais, un petit groupe de religieuses missionnaires, qui compte plusieurs Canadiennes, survit au bombardement. En forçant le Japon à capituler, la bombe apporte la liberté à ces femmes mais les enferme à jamais dans le souvenir traumatisant de l’holocauste nucléaire. Ce qui permet à Alain Vézina de parfaire ce qu’il sait parfaitement faire, la recherche, la quête de la vérité. Non pas celle éparpillée, mais une revendication authentiquement historique, de prise en charge de documents d’archives qui en disent long sur le sujet, sur ces détails (que vous découvrirez, ainsi que le nom de certaines de ces femmes de foi), signes que la vie religieuse n’est pas seulement synonyme d’évangélisation, mais de comportements humains, de soutien moral, de sacrifices exceptionnels et en fin de compte, de mise en exergue discursif entre la croyance, la foi et le quotidien.

Ces documents, soigneusement préservés dans un montage adroit, sont les témoins d’un génocide, d’un parti pris contre la guerre. Et pas de nationalisme de la part de Vézina. Une exposition de faits qui parlent d’eux-mêmes. L’horreur ne ressemble à rien d’autre qu’à l’enfer. Le monde n’est plus monde lorsque des actes odieux sont perpétrés au nom de territoires, d’idéologies politiques, de différences raciales.

Ce que montre Alain Vézina, c’est ce qui advient lorsque
la quiétude du quotidien se heurte à l’indicible devenu
énonciation, visuellement graphique, insupportable.

 Ce que montre Alain Vézina, c’est ce qui advient lorsque la quiétude du quotidien se heurte à l’indicible devenu énonciation, visuellement graphique, insupportable. Et en parallèle, des voix qui se révoltent sans la moindre violence, par les moyens propres à l’humanitaire. Quelque chose qui a à voir avec le sacré, mais que les non-croyants, les athées et les laïcs peuvent interpréter comme émanant du philosophique et plus que tout, de l’éthique et de la morale.

Il s’agit d’un moyen métrage documentaire que le jeune cinéaste aurait pu convertir en long. Mais avant tout, c’est aussi le fervent témoignage d’un faiseur d’images qui a recours au cinéma pour se sentir exister, pour ne pas céder aux affres du temps et de l’Histoire. Car son film ressemble également à un suspense historique fictionnel ou tous ces vrais intervenants nourrissent à proprement parler l’appareil cinématographique, outil sans doute de tous les possibles. En quelques mots, raviver la mémoire des ces damnées de la terre par le biais de l’art cinématographique, miroir du monde. Les Sœurs de Nagasaki est en même temps intense, serein et magnifiquement élaboré.


Sortie
Vendredi 19 octobre 2018

V.o.
français


Réal.
Alain Vézina

Genre
Documentaire

Origine
Québec [ Canada ]

Année : 2018 – Durée : 52 minutes

Dist.
[ Merlin Films ]


Horaires & info. @
Cinémathèque québécoise

Classement
Tous publics

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]

 

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