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Don Giovanni

14 novembre 2016

OPÉRA /
CRITIQUE
★★★

Texte : Élie Castiel

LE DÉSIR CHARNEL COMME EXUTOIRE

Parmi les plus beaux opéras de Mozart, Don Giovanni est un rendez-vous galant qui exerce encore un charme irrésistible. D’une part, sa musique, situant le dramma giocoso entre la comédie et le drame ; de l’autre, sa critique virulente que les mots sortant du livret de Lorenzo Da Ponte jette sur le personnage, plus enclin à comptabiliser ses conquêtes qu’à éprouver une quelconque affection.  

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Gordon Bintner (Don Giovanni) – PHOTO : © Yves Renaud

Vu d’un œil contemporain, certains propos (de soumission) tenus par les femmes de ce récit débauché pourraient scandaliser la plus récalcitrante des féministes. Mais la fin, salvatrice, nous fait prendre conscience que le rachat n’est pas du domaine de ce coureur de jupon invétéré qui, selon quelques recherches Internet, cacherait une homosexualité refoulée à travers sa course effrénée du désir et de l’accomplissement charnel hétérosexuel. Mais bon… cela est une autre histoire ; revenons donc à la production OdM 2016.

Côté orchestre, dirigée par Jordan de Souza, le rythme est soutenu, le ton et la musicalité de l’ensemble naviguent avec aisance, faisant en sorte que l’ouïe se retrouve agréablement stimulé par les arias, toutes célèbres. Il y a ensuite les chanteurs-comédiens, jeunes et surtout enthousiastes de tenir des rôles rêvés. On soulignera, chez chacun d’eux, l’articulation de la langue italienne qui se suit facilement sans avoir recours aux surtitres, bien évidemment si on comprend cet idiome.

La fin, salvatrice, nous fait prendre conscience que le  rachat n’est pas du domaine de ce coureur de jupon invétéré qui,  selon quelques recherches Internet, cacherait une homosexualité refoulée…

Mais un manque de direction d’acteurs se fait sentir. L’espace dramatique devient alors un terrain d’improvisation où chacun semble donner libre cours à ses propres émotions plutôt que de suivre une mise en situation guidée. Les costumes, particulièrement ceux des hommes, évoquent les danseurs de tango de l’âge d’or. Quant aux femmes, les époques se contredisent parfois, mais devant une musique si puissante, nous éviterons tout blâme.

Les décors de Donald Eastman s’harmonisent néanmoins de façon neutre aux diverses époques évoquées. Par contre, David Lefkowich, le metteur en scène, semble plus près de la partition musicale que de l’ensemble des chanteurs-comédiens et du terrain scénique. La finale, lorsque Don Giovanni entame sa chute aux enfers, l’effet est totalement raté ; une porte à la gauche de la scène s’ouvre faisant jaillir une lumière jaune à travers laquelle le principal intéressé se dirige. Nous avons alors l’impression qu’il ne fait que se précipiter dans un de ses endroits de perdition pour conquérir d’autres femmes. Des versions de Don Giovanni, comme celle récente du Met, terminait l’opéra avec des effets spéciaux aussi bouleversants que nettement concluants.

Mais avouons tout de même que la version OdM, ne serait-ce que par la musique et l’élan des participants, mérite quand même le déplacement.

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Daniel Okulitch (Leporello) et Gordon Bintner (Don Giovanni) – PHOTO : © Yves Renaud

DRAMMA GIOCOSO EN DEUX ACTES | Auteur : Wolfgang Ameadeus Mozart – Livret : Lorenzo Da PonteMise en scène : David Lefkowich – Décors : Donald Eastman – Costumes : Opéra de Montréal – Éclairages  : Anne-Catherine Simard-Deraspe –– Distribution  : Gordon Pintner (Don Giovanni), Alain Coulombe (Le Commandeur), Emily Dorn (Donna Anna), Jean-Michel Richer (Don Ottavio), Layla Claire (Donna Elvira), Daniel Okulitch (Leporello), Stephen Hedgedus (Masetto), Hélène Guillemette (Zerlina) – Direction musicale : Jordan De Souza / Orchestre Métropolitain, Chœur de l’Opéra de Montréal – Production : Boston Lyric Opera, Glimmerglass Opera | Durée : 3 h (1 entracte) – Représentations : 15, 17 et 19 novembre 2016 / 19 h 30 – Place des Arts (Salle Wilfrid-Pelletier)

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel).  ★★★★ (Très Bon).  ★★★ (Bon).  ★★ (Moyen).  (Mauvais). ½  [Entre-deux-cotes]Opéra

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