En salle

The Look of Silence

23 juillet 2015

RÉSUMÉ SUCCINCT
Adi Rukun cherche à comprendre la mort de Ramli, son frère aîné assassiné en 1968 aux mains de troupes paramilitaires manipulées pour éradiquer les communistes d’Indonésie.

LE FILM DE LA SEMAINE
The Look of Silence_En sallePRIX DU JURY
Festival de Venise 2014

COMBAT ENTRE FONDS ET FORME

Charles-Henri Ramond
CRITIQUE
★★★

Forcer les rencontres entre le frère d’un disparu et ses tortionnaires, et mettre en scène les confrontations. Filmer les regards embués, les visages burinés et tenter de faire parler des mémoires qui voudraient bien se taire. Mettre en image des silences qui en disent long. Poursuivant son travail entrepris il y a deux ans avec The Act of Killing, voilà que Joshua Oppenheimer propose avec The Look of Silence, une œuvre qui, contrairement à la précédente, se place résolument du côté des victimes des génocides indonésiens. Un parti pris clairement affiché que l’on retrouvera tout au long du film, à maintes reprises.

Filmé avec un style unique et une élégance rare dans le documentaire, le film possède plusieurs scènes visuellement très réussies (la mère coupant ses papayes à l’ombre des palmiers par exemple). Images recherchées, séquences manifestement très travaillées (et répétées avec les protagonistes on s’en doute), la joliesse qui se dégage de l’ensemble n’est cependant pas sans risques. On pourra facilement comprendre la prise de position du documentariste tant l’horreur de cette chasse aux « communistes » fut grande. Toutefois, ce que l’on peut remettre en question, ce sont certains artifices de mise en scène, lourdement déployés pour appuyer la démonstration.

Oppenheimer livre avec The Look of Silence un devoir
de mémoire nécessaire et souvent captivant, qui doit
être vu ne serait-ce que pour l’importance de son sujet.

Comme dans The Act of Killing, le cinéaste, en plus des confrontations face à face, utilise la reconstruction pour mettre en images l’effroi et l’horreur. On se questionne entre autre, sur l’acharnement d’Oppenheimer à nous montrer le père sénile et cadavérique alors que personnage muet n’apporte rien de concret au sujet et on en vient à considérer ces scènes plus proches du voyeurisme que de l’investigation. La métaphore des lunettes, posées sur le nez de bourreaux étrangement consentants, est elle aussi plus que discutable, même si elle produit des images chargées de symboles.

Reste alors des visages de tortionnaires montrés au grand jour, comme pour mieux conjurer l’odieux de leur non condamnation et des dialogues tendus où chacun reste sur ses positions. Mis au pied du mur, les bourreaux menacent de faire revenir la terreur. Face à leur sarcasme, l’incompréhension, et des tentatives de rapprochement dont on sait qu’elles sont vouées à l’échec. Triste constat livré par Oppenheimer : le vide séparant la justice des hommes et les meurtriers de centaines de milliers de civils reste béant, et pour longtemps encore. Si la forme est discutable, le constat, lui, est implacable. Malgré des choix esthétiques qui peuvent heurter, Oppenheimer livre avec The Look of Silence un devoir de mémoire nécessaire et souvent captivant, qui doit être vu ne serait-ce que pour l’importance de son sujet.

revuesequences.org

Sortie : Vendredi 24 juillet 2015
V.o. : indonésien
S.-t.a. / S.-t.f. > Le Regard du silence / Senyap

Genre : Documentaire – Origine :  Danemark / Finlande / Indonésie / Norvège / Grande-Bretagne – Année : 2014 – Durée : 1 h 43 – Réal. : Joshua Oppenheimer – Dist. / Contact : EyeSteelFilm.
Horaires : @ Cinéma du Parc Excentris

CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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