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Le Barbier de Séville

9 novembre 2014

D’UN MANIÉRISME PRONONCÉ

Élie Castiel
OPÉRA
★★★

Un préambule s’impose : il fallait que tôt ou tard, ça se dise ! Dépendamment de qui est assis devant nous, la structure du parterre de la salle Wilfrid-Pelletier de la Places des Arts peut parfois causer des inconvénients lorsque des spectateurs physiquement imposants nous évitent de voir convenablement la scène, ou du moins rendent cet aspect essentiel de l’expérience, difficile à satisfaire. Et lorsqu’il est question de faire une critique, il faut composer avec la concentration qui s’impose de soi et dans le même temps avec le malaise que cette situation inconfortable inflige. Cette réserve étant exprimée, revenons au Barbier de Séville.

De plus en plus on s’aperçoit que pour épater le grand public, il est nécessaire de rendre les opéras spectaculaires ; et lorsqu’il s’agit de comédies, les responsables du spetacle se sentent de plus en plus obligés à pousser la caricature jusqu’à l’extrême, au détriment d’une certaine crédibilité, voire même sensibilité.

Avouons que le soir de la Première, les rires s’exclamaient d’un peu partout à quelques reprises. Assez pour encourager les chanteurs-comédiens à mettre plus d’emphase dans leur jeu, et particulièrement dans leur gestuelles comiques. Opéra bouffe, proche du spectacle carnavalesque, Le Barbier de Séville version-OdM 2014 succombe à la tentation de trop plaire, de s’avouer vaincu face à un public qui demande à voir ce qu’il veut coûte que coûte. Il est temps que, justement, ce même public s’intègre à l’univers du metteur en scène, qu’il le comprenne quitte, à la fin, de ne pas l’approuver, selon sa propre sensibilité.

Les décors de Robert Prévost et de Guy Neveu enchantent, en parfait accord avec le thème dont il est question, un récit d’allers-retours verbaux et situationnels autour de la nature humaine. On dira la même chose des costumes du même Prévost et de Joyce Gauthier, attirants pour l’œil et bien portés par l’ensemble des personnages sur scène. Et puis l’Orchestre Métropolitain, dirigé par un Christophe Campestrini en pleine forme, rendant la musique de Rossini aussi mélodieuse qu’emportée par un courant frénétique.

Finalement, la mise en scène de Oriol Thomas : les intentions sont louables, rendre la genre bouffe le plus comique possible, voire même le transcender en ajoutant des effets de scène parfois trop lourds. Jouant avec l’affect, il prend possession de la scène, se donne au jeu risqué du sensationnalisme populaire et finit par conquérir son public. On aurait voulu, sur ce point, qu’il fasse preuve de discernement, que sa direction d’acteurs distingue les limites du genre, qu’il impose son univers sans prendre en considération telles ou telles attentes.

Le timbre vocal s’avère assez confortable pour comprendre le phrasé même dans les rangées bien arrière de la salle ; parfois légèrement faux, plus criard que lyrique, mais dont les petites failles se cachent sans doute derrière les débordements des situations boufonnes.

[ IL BARBIERE DI SEVIGLIA – OPERA BOUFFE EN DEUX ACTES ]
Compositeur : Gioachino Rossini – Livret : Cesare Stirbini, d’après la pièce d’Augustin Beaumarchais – Direction musicale : Christoph Campestrini / Orchestre Métropolitain / Chœur de l’Opéra de Montréal – Mise en scène : Oriol Thomas – Décors : Robert Prévost, Guy Neveu – Costumes : Robert Prévost, Joyce Gauthier – Éclairages : Anne-Christine Simard-Deraspe – Chanteurs : Étienne Dupuis (Figaro), Garol Garcia (Rosina), Carlo Lepore (Bartolo), Bogdan Mihai (Almaviva), Paolo Pecchioli (Basilio), Josh Whelan (Fiorello), Dylan Wright (un officier), Benoît Le Blanc (Ambrogio), Alexandra Beley (Berta) | Durée : 2 h 50 (incluant 1 entracte) | Prochaines représentations : mardi 11, jeudi 13, samedi 15 et lundi 17 novembre, à 19 h 30 / Place-des-Arts (Salle Wilfrid-Pelletier).

MISE AUX POINTS
★★★★★(Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) 1/2 (Entre-deux-cotes)

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