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Tu iras la chercher

13 mars 2014

PARTIR… REVENIR

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★
½

Les monologues sur scène sont de paris risqués, notamment lorsque le texte en question soulève des interrogations sur l’individu et le fait avec toutes sortes de sous-entendus, de métaphores et autant de mots qui résonnent comme d’éternels recommencements. La plume de Guillaume Corbeil est redoutable, comme prise entre les interstices psychologiques de la quête intérieure et les doutes qui nous affligent.

Marie-France Lambert, entière et vraie, est seule sur scène, un environnement d’espaces séparés et soutenus par des colonnes qui semble la protéger et lui permet de se raconter. Car le titre même et de la pièce évoque l’idée de quête, d’investigation de soi, quitte à évoquer des souvenirs, des petits moments banals, mais qui nous ressemblent. C’est là où la magie de Corbeil opère, poussant le spectateur à bien écouter, à saisir le sens de tout ce qui se dit et parfois se répète.

La mise en scène est redoutable. Elle demande un effort considérable à la comédienne qui, seulement accompagnée d’un univers virtuel cérébral, celui de la pensée, ne doit compter que sur elle-même pour effectuer chaque geste, chaque mouvement, chaque changement d’espace. Mais on sent de près le travail collectif, la complicité entre Lambert et Sophie Cadieux, donnant à son matériau quelque chose de singulier qui opère magnifiquement bien. Le récit est rendu à sa plus simple expression, mais demeure d’autant plus exigeant qu’il s’agit d’une enquête psychanalytique interne qui soulève des questions essentielles sur l’existence : être, paraître, mentir, se raconter des histoires, se souvenir des belles choses, revenir à la réalité, s’affranchir des contraintes qui nous tenaillent.

Étrangement, le texte de Guillaume Corbeil fait penser à du Marguerite Duras pour son élégant minimalisme et au regretté Alain Resnais pour son abstraction idéalisée et son humour espiègle, et d’autant plus contenu. Car après tout, Tu iras la chercher convoque l’intelligence du spectateur, son droit et son obligation à être complice d’un acte de création qui s’effectue devant lui. Le même auditoire sert aussi de catalyseur à ce qui se passe sur scène. Tout le long de la pièce, la protagoniste souhaite s’envoler vers Prague. S’agit-il d’un rêve ou de la réalité ? Une expérience dramatique totale qui dure un peu plus d’une heure mais qui fait le tour d’une vie.

MONOLOGUE | Texte : Guillaume Corbeil – Mise en scène : Sophie Cadieux – Scén. : Max-Otto Fauteux – Env. sonore : Anne-Marie Levasseur – Éclairages : Marie-Aube St-Amant Duplessis –– Avec : Marie-France Lambert | Durée : 1 h 20 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 27 mars 2014 – Espace Go.

Cotes
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. Moyen. Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi ½ — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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