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La Vénus au vison

20 septembre 2013

LE MÂLE AMADOUÉ

Texte : Élie Castiel
★★★ 1/2

Dramaturge et metteur en scène, Thomas vient d’écrire une adaptation du célèbre roman de Leopold Sacher-Masoch, La Vénus à la fourrure, une exploration sensuelle et controversée des rapports entre le sexe et le pouvoir. Alors qu’il ne trouve pas l’interprète féminine qui lui convient, entre alors Vanda, à l’improviste.

La traduction spontanée de Maryse Warda du texte de David Ives conserve ce mélange corrosif d’impulsions, de malaises, de gestes incertains, de mots à double sens, mais aussi de perversité, de domination d’un sexe sur l’autre, de la recherche éperdue de l’amour et de cette soif d’échapper à la solitude. Œuvre terriblement actuelle qui, derrière ses mots drôles, ses réparties qui nous forcent le sourire, cache l’éternelle lutte des sexes

Entre Thomas et Vanda, le rapport stérile et maladroit du début se transforme petit à petit en un exposé intellectuel sous la forme de dialogue sur le théâtre et la vie, ses limites, ses extrêmes, ses vices et non pas ses vertus. La signification de chaque parole devient binaire, le non-dit se libère pour faire éclater le sentiment. L’homme (Thomas) exprime ses vrais opinions sur la femme, sans ambages, direct. Elle (Vanda) se défend, fière de porter le status de déesse dans une pièce qui lui en donne la possibilité.

Dans cette lutte des sexes à n’en plus finir, Michel Poirier crée une mise en scène axée uniquement sur la myse en abyme, procédé essentiellement cinématographique que vient affranchir un espace scénique en format cinémascope occupé par deux seuls personnages. Et ils sont présents tout les deux tout au cours de la pièce. En presque deux heures, ils occupent ce territoire entre le vécu et le joué, entre la vérité et le mensonge, entre le discours et les mots de tous les jours. Le réel, parlé en québécois, se heurte joyeusement et parfois même dangereusement  à la fiction dans un français châtié. Ce procédé technique est l’un des plus beaux discours sur l’art d’interprétation, sur ses différentes facettes, les gestes que l’on change, les poses de voix que l’on transforme.

Et derrière tout cela, deux comédiens exceptionnels. Hélène Bourgeois-Leclerc, d’une part évoquant les pièces de Michel Tremblay sur la classe populaire, de l’autre inspiré par les grands classiques du théâtre. Magnifique. Et puis Patrice Robitaille, d’abord perdu devant l’éternel féminin, changeant de registre par étapes pour sombrer dans une finale dramatique d’une rare émotion tant dans le discours que dans la mise en scène, littéralement infernale, mais d’un beauté radieuse. C’est aussi avec impatience que nous attendons de Roman Polanski La Vénus à la fourrure, l’adaptation cinématographique de la même pièce. Avec La Vénus au vison, la compagnie Duceppe débute la saison de façon explosive.

COMÉDIE DRAMATIQUE | Auteur : David Ives, d’après La Vénus à la fourrure de Leopold Sacher-Masoch – Mise en scène : Michel Poirier – Décors : Olivier Landreville – Éclairages : Lucie Bazzo – Costumes : Hélène Bourgeois-Leclerc (Vanda), Patrice Robitaille (Thomas)  | Durée : 1 h 45 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 19 octobre 2013 –  Place des arts (Théâtre Jean-Duceppe)

COTE
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. Moyen. Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi 1/2 — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES

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