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Les Femmes savantes

6 octobre 2012

LE DISCOURS DE LA RAISON

>> Élie Castiel

Henriette et son fiancé Clitandre parviendront-ils à unir leur destin malgré tout ce qui oppose leurs familles respectives, notamment en ce qui a trait aux choses de l’amour et celles de l’esprit ?

En situant la pièce dans les années 1950, Denis Marleau ne s’impose pas uniquement comme metteur en scène de la modernité, mais réussit également à déconstruire l’œuvre de Molière. Vu à travers le regard du metteur en scène québécois, Les Femmes savantes conserve néanmoins le rythme de l’original, quitte à ce que le décalage temporel risque de désorienter certains spectateurs. Mais le résultat s’avère saisissant, grâce surtout à des comédiens totalement investis dans des rôles classiques qu’ils déplacent dans le temps avec une désinvolture joyeusement agitée.

La mise en scène, limpide, savoureuse, tout à fait originale, se sert du décor avec soin, doigté et un sens inné de l’espace.  Au milieu de la scène, un faux bassin rappelant celui qui se trouve à l’arrière du château de Grignan, dans le Drôme, en France, où l’adaptation québécoise  a été jouée cette été par les mêmes comédiens. Mais c’est surtout dans son horizontalité que l’espace s’impose comme s’il s’agissait de remonter le temps, de l’arrêter même, permettant à l’une des plus belles pièces de Molière de conserver son caractère pérenne.

Ces femmes du Québec des années 50 ont des maillots de bain, portent des robes des grands couturiers comme Dior et se comportent  comme des femmes de leur temps, car en fin de compte c’est d’aujourd’hui que nous parle Marleau : d’une certaine libération de la femme, des rapports qu’elles entretiennent avec les hommes, des liens qui les unissent à leurs consoeurs ou qui les séparent. Et la pièce de Molière parle aussi de l’indépendance de l’esprit, de la conquête intellectuelle et du rôle maternel qui, d’une tradition ancestrale, passe vers la modernité avec tous les éclats et les faux mouvements que cela implique. Avec Les Femmes savantes, Denis Marleau propose un moment de théâtre à la fois rafraîchissant, alerte et discrètement actuel. >> ★★★

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. Moyen. Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi 1/2 — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

COMÉDIE | Auteur : Molière – Mise en scène : Denis Marleau – Scénographie : Denis Marleau, Stéphane Jasmin – Musique : Denis Gougeon – Éclairages : Marc Parent – Costumes : Ginette Noiseux  – Comédiens : Henri Chassé (Chrysale), Christiane Pasquier (Philaminte), Noémie Godin-Vigneau (Armande), Murielle Legrand (Henriette)), Bruno Marcil (Ariste) Sylvie Léonard (Bélise), François-Xavier Dufour (Clitandre), Carl Béchard (Trissotin), Denis Lavalou (Vadius), Estelle Clareton (Martine), Samuel Roy (Lépine et un valet), Nicolas Boivin-Gravel (Julien et un valet) | Durée : 1 h 45 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 27 octobre 2012 – TNM.

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