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Jo pour Jonathan

4 mars 2011

Pour la suite du monde

Après trois courts-métrages et un premier opus (Demain), Maxime Giroux réussit largement le pari du deuxième film. Portrait âpre et épuré d’une génération livrée à elle-même, Jo pour Jonathan, empreint d’une poésie sourde et d’une grâce énigmatique, caresse avec violence et tabasse avec émotion.

Texte : Mathieu Séguin-Tétreault

Présenté en première au Festival de Locarno et couronné dans certains festivals (dont le FNC, où il reçut le prix de l’AQCC), Jo pour Jonathan, coscénarisé par le romancier Alexandre Laferrière, a été réalisé sans subventions en une quinzaine de jours avec un budget d’environ 70 000$. À l’antipode de l’esprit branché nineties du cinéma du Plateau, assez loin de l’univers milendien-dolanien qui a toute sa raison d’être, Jo pour Jonathan, à l’instar d’une certaine tendance dans la cinématographie québécoise actuelle (Côté, Ouellet, Lafleur), campe son action dans une banlieue quelconque. Jo, un adolescent délinquant mal dans sa peau, vit dans l’ombre de son frère aîné. Un accident lors d’une course illégale de voitures fait basculer leurs vies. Pris dans une culpabilité sans nom et confronté à lui-même, Jo surmontera peu à peu les aléas de la traversée de l’adolescence au monde adulte. Jo deviendra alors Jonathan…

Penchant masculin du premier opus, film de gars, film de char, film de streetracing, de camaraderie virile, de chamaillage entre frères, Jo pour Jonathan, et certains pourraient le reprocher au cinéaste, ne s’intéresse que très peu à la figure féminine, plaquée là sans réelle profondeur : elle est la mère dévouée ou la jolie copine. C’est parce que c’est encore ces mêmes mâles dont il s’agit ici, ceux qui déjà n’avaient que très peu de considérations pour la protagoniste de Demain, prête à maintes humiliations — et ennuis — pour bénéficier d’une présence masculine à ses côtés. Mais à l’inverse d’un certain cinéma québécois — celui des Huard, Gaudreault, Canuel, qui camoufle un machisme insidieux dans son discours populaire — Giroux examine de près cette masculinité. Ces rebelles sans cause à la fureur de vivre, cachant aussi un désir de mourir, sont obsédés par la griserie de la vitesse et piégés dans leurs démonstrations navrantes de virilité, de jalousie et d’acquisition matérielle, où la voiture devient un idéal, un prolongement d’eux-mêmes. Et si le fameux Rebel Without a Cause de Ray vient de force en tête, la course automobile, à l’opposé des Nitro et autres Fast & Furious, esquive ici tout côté spectaculaire, Giroux préférant les impacts psychologiques et les effets collatéraux aux beuglements des moteurs…

Texte complet : Séquences (nº 271, pp. 36-37) – À paraître à la mi mars 2011

>> Canada [Québec] 2010, 80 minutes — Réal. : Maxime Giroux — Scén. : Alexandre Laferrière, Maxime Giroux— Images : Sara Mishara — Mont. : Mathieu Bouchard-Malo — Mus. : Olivier Alary — Son : Marcel Chouinard, Alexis Vallée-Charest — Dir. art. : David Stein — Int. : Raphaël Lacaille (Jonathan), Jean-Sébastien Courchesne (Thomas), Vanessa Pilon (Alexandra), Jean-Alexandre Létourneau (Samuel), Éliane Gagnon (Cynthia), Andrée Vachon (Mère) — Prod. : Paul barbeau, Maxime Giroux, Michelle Quinn, Catherine Simard — Dist. : Métropole.

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