Entrevues

Félix Van Groeningen

20 mars 2010

Après des passages remarqués au festival de Cannes et au FNC l’année dernière, La merditude des choses arrive enfin dans nos salles. De ce portrait trash et souvent cru(el) d’une famille d’éternels paumés basée sur les terres flamandes, on retient la redoutable efficacité de la mise en scène. Le belge Félix Van Groeningen nous offre là un troisième film sombre parsemé d’une belle touche d’espoir fragile. Entretien (reproduit dans son entièreté dans le prochain Séquences).

Propos recueillis par Sami Gnaba

D’un point de vue plus général, on pourrait dire que presque tous vos personnages sont difficiles à saisir…rien d’héroïque non plus chez eux.

Oui et non. Ils sont très héroïques à leur façon. Ils sont parfois très cons, très lâches et très faibles. Comme la plupart des humains. Ils sont une vraie famille, l’honneur est très important pour eux….Le plus grand héros de l’histoire, c’est le jeune Gunther, parce qu’il est courageux et pur.

Quels éléments dans le livre de Dimitri Verhulst vous ont particulièrement intéressés?

La coexistence de tellement de brutalité, de vulgarité d’un coté, et de poésie et d’empathie, de l’autre. Personnellement, je fais des films parce que je veux être ému par les êtres humains. J’adore regarder des gens, dans la rue, dans des bistros. En même temps, Je trouve la vie banale aussi…Le livre inspire à trouver une équilibre entre les deux.

Votre film n’est certainement pas accessible à tout le monde. Le cynisme, la violence et l’outrance de certaines scènes en feraient rager plus qu’un. Comment a-t-il été reçu?

Je suis très fier de dire que le film a été un énorme succès en Belgique : 446,000 entrées! J’espère que j’ai ouvert les yeux de quelques Belges qui vont normalement juste voir les Avatar de ce monde, mais qui sont allés voir ce film aussi parce que c’était devenu un phénomène (à cause d’une réception super à Cannes)…C’est le 1e film art-et-essai qui fait ça en Belgique…le film est en train de trouver son chemin dans le monde entier.

En dépit de cette noirceur désespérante qui le parcourt, La merditude des choses se clôt pourtant sur une belle lumière d’espoir. Est-ce que le livre se concluait comme ça?

Oui et non. On sentait bien, entre les lignes, que l’auteur aimait son fils… Moi, ça m’avait fort touché, parce que juste avant, il disait qu’il ne se sentait pas un père, qu’il n’avait jamais choisi d’être père… Mais beaucoup de lecteurs n’ont jamais lu ça… Il y a eu une grande polémique là-dessus. Moi, j’ai décidé de finir avec une image qui ne pouvait pas être si ambiguë. Quand on voit quelqu’un apprendre à son fils à rouler en vélo, il peut bien dire 1000 fois qu’il ne sera jamais père, il reste qu`à la fin il l’est devenu quand-même!

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