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Legend Lin Dance Theatre

25 janvier 2018

CRITIQUE
| DANSE |

The Eternal Tides

★★★★

LOUANGE DE LA LENTEUR

_ Élie Castiel

« La vie va et vient, à l’instar de la montée et du reflux de la marée ». Cette phrase, prise du programme de la soirée, confirme la spiritualité qui imprègne ce spectacle grandiose, inusité, une découverte, car il serait injuste de dire que nous sommes en plein dépaysement; au contraire, et à juste titre, si on saisit le bien-fondé de la chorégraphie dont nous sommes les témoins privilégiés, on reconnaît, à titre d’humain, que le cycle de la vie est un éternel recommencement, de la naissance à la mort. Un rendez-vous avec la grandeur de la nature, le rapport entre l’être et l’animal, entre le terrestre et l’aquacole, leurs correspondances, leurs agressions inévitables, leur limpidité.

Mais c’est aussi le rappel qui confirme que les sociétés occidentales doivent ultimement cesser de courir sans but. Sur ce point, Lin Lee-Chen donne aussi une leçon de comportement à son pays et à d’autres contrées du monde, réglés, aujourd’hui, selon une vision de l’Ouest, où la lenteur n’est pas une qualité, mais un défaut qui mine le progrès économique.

© Michel Cavalca

D’une pensée symétrique exemplaire, la chorégraphe, mythique dans son pays, soumet le corps des danseurs à un rapport avec les divers et multiples mouvements de la vie : générosité et agressivité, amour et turpitude, autonomie et collectivité… Ça relève également autant du théâtre que de l’opéra, amoureux, tragique, en symbiose avec les éléments de l’existence et les règles scéniques de la représentation.

The Eternal Tides se conjugue au passé et par un
tour  inhabituel de prestidigitation, se transforme en
une mise en abyme du présent… d’une radieuse beauté.

Si en premier lieu nous ne reconnaissons pas la grammaire chorégraphique, nous restons attentifs à ce qui se passe autour de ce décor prestigieux et d’un raffinement exemplaire, respectueux, le temps de situer notre sens de la perspective dans un domaine inconnu et pourtant si proche de nous. Il suffit de bien comprendre l’individu et sa culture pour parvenir à une symbiose humaine; en filigrane, The Eternal Tides aborde subtilement la notion du vivre-ensemble, qui n’est pas simplement respecter l’autre, mais le comprendre, essayer de lire entre les lignes ce qui nous dérange en lui et réaliser que nous avons tort. Thème d’actualité au Québec dont nous avons hâte qu’il disparaisse. Sans doute, le jour où les individus apprendront à raconter leurs histoires et celles des autres.

Finalement, The Eternal Tides se conjugue au passé et par un tour inhabituel de prestidigitation, se transforme en une mise en abyme du présent. Comme la vie, subtile, élégante, agressive et en même temps d’une radieuse beauté.

LES MARÉES ÉTERNELLES
Chorégraphie : Lin Lee-Chen – conception visuelle : Lin Lee-Chen – lumières : Cheng Kuo-Yang – costumes : Wang Chia-Hui – chanteur : Hsu Ching-Chwen – batterie : Ho Yi-Ming, Hsiao Ying – danseurs : Corps de ballet du Legend Lin Dance Theatre – production : National Performing Arts Center / National Theater & Concert Hall, Taïwan (Chine) – diffusion : Dance Dance.

Durée
2 h (sans entracte)

Représentations
Jusqu’au 27 janvier 2018
20 h – Place des Arts (Théâtre Maisonneuve)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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