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Mythomania

18 novembre 2017

CRITIQUE
| Théâtre |
Élie Castiel

★★★★

L’AMOUR HYBRIDE

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Mythomania est un essai chorégraphique hétéroclite, fait d’éléments disparates qui, soudain, comme par envoûtement, se croisent, se dissipent et se retrouvent. C’est aussi la présence vertigineusee d’une excellente artiste, danseuse, comédienne, pianiste, se donnant entièrement à un espace décoratif hallucinant, une espèce de Boîte de Pandore des rêves, des mensonges et des sentiments. Un texte bien exprimé, rempli de fausses impressions, de réalités physiques et virtuelles, un univers totalement surréaliste qui, dans l’enceinte limité d’un théâtre de poche comme celui de La Chappelle, conduit une salle comble dans un univers à part.

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On sort du spectacle jouissivement désorienté,
mais tout aussi lucide devant une telle anarchie,
une totale liberté, sans censure, créant le discours
d’un environnement urbain actuel perdu, sans référents,
comme si le siècle dernier n’avait plus rien à offrir.

Car Artiste Inconnu et son créateur Nicolas Berzi, c’est l’avant-garde, quelque chose de futuriste, une façon autre de voir le concept chorégraphique. Le classique n’y est plus, la danse moderne fait partie du passé. C’est ce que propose un créateur atypique, simple provocateur et véritable fondateur d’une nouvelle race chorégraphique.

La vidéo prend de nouvelle formes, intentionnellement éparpillées. Mais ce qui est également important, c’est que la scène montréalaise, du moins celle qui se situe dans la catégorie Fringe, multiplie les voix de plusieurs horizons, sans oublier les insulaires, bien entendu, mais prouvant une fois pour toutes qu’en matière du culture, jusqu’ici phénomène de société farouchement protectionniste, l’autre doit s’imposer, discrètement, sans trop insister, mais toujours conscient que les choses n’ont d’autre choix que de changer.

TH_Mythomania 02On sort du spectacle jouissivement désorienté, mais tout aussi lucide devant une telle anarchie, une totale liberté, sans censure, créant le discours d’un environnement urbain actuel perdu, sans référents, comme si le siècle dernier n’avait plus rien à offrir.

Nicolas Berzi est conscient de cette transformation. Sa somptueuse chorégraphie Mythomania emprunte à des origines grecques (mythos et mania). Et peut-être que dans son discours, il est question d’un possible retour en arrière dans la civilisation antique qui nous permettrait de redéfinir le présent et empêcher un avenir incertain.

La notion de l’amour n’est pas ici foncièrement hétérosexuelle, mais sans trop le montrer, on peut deviner la côté androgyne de la condition humaine. Tout compte fait, Mythomania est volontairement un acte de provocation qui n’épargne personne, les Hommes autant que les Femmes. Face à une société d’une sensibilité à couper le souffle, qui n’accepte aucun reproche ou réflexion constructive, cette immersion dans l’inconnu se présente comme un souffle de liberté devant la bêtise et l’indifférence. Profondément intrinsèque et dignement salutaire.

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Photos : © Justine Latour

Séquences_Web

Texte / Mise en scène et Concept général : Nicolas Berzi – Conception musicale et concept électroacoustique : Simon Chioini – Scénographie et concept vidéo : Jean-François Boisvenue –Distribution  : Livia Sassoli (également chant et piano) – Production : Artiste Inconnu.

Durée
1 h 20 (sans entracte)
Représentations
Jusqu’au 25 novembre 2017 – La Chapelle.

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]

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