En salle

La petite fille qui aimait trop les allumettes

3 novembre 2017

| PRIMEURS |
Semaine du 3 au 9 novembre 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
En pleine campagne, une jeune fille et son frère vivent en reclus dû à un père strict et possessif. Mais suite à un incident, ils sont laissés à eux-mêmes alors que des rumeurs circulent dans les environs.

CRITIQUE
Texte : Guillaume Potvin

★★★ 

CAUCHEMAR D’ANTAN

« Trop »: voilà le mot clé pour commencer à déchiffrer la portée du titre fort énigmatique que porte le plus récent film de Simon Lavoie (Le Torrent, Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau). Ce « trop » est à prendre comme un marqueur de l’excès, de ce qui dépasse les limites de l’entendement, de ce qui est difficilement contenable. « Trop » est un indicateur de conséquences à venir, un avertissement. C’est ainsi qu’il faut envisager le visionnement de La petite fille qui aimait trop les allumettes : comme une expérience de l’excès.

La petite fille qui aimait trop les allumettes

Dans le roman sur lequel est adapté ce film situé dans une zone grise entre film d’horreur, drame psychologique et film d’époque, c’est l’inventivité de la plume de son auteur Gaétan Soucy qui parvient à rendre soutenables l’atrocité des événements qui emplissent ses pages. Au contraire, Lavoie révèle au grand jour toute la brutalité que dissimulent les pirouettes de la prose de Soucy. Pour représenter la cruauté que ce dernier ne faisait qu’habillement évoquer, le réalisateur a recours à une palette de techniques qui donnent aux images un air onirique, voire expressionniste. Ce sont ces excès stylistiques — le noir et blanc, les éclairages en clairs-obscurs, les jeux de focales — par lesquels est sublimée l’intensité de la violence dont nous sommes témoins. L’esthétisme nous épargne le choc qu’aurait provoqué une mise en scène naturaliste.

En sondant ces vieux tourments refoulés dans l’imaginaire
collectif, ce sont les démons somnolents hérités du
Québec pré-Révolution tranquille que Lavoie exorcise.

Bien que ces choix de mise en scène rehaussent les aspects fabuleux de l’œuvre et donc de sa portée universelle, quelques subtilités font allusion aux spécificités culturelles québécoises. Parmi celles-ci, l’omniprésence opprimante du catholicisme, tant par ses manifestations déformées au sein des familles que par le rôle social joué par l’Église. C’est en ce sens que se révèle l’originalité de la proposition de La petite fille qui aimait trop les allumettes : en guise de souvenir cauchemardesque d’un passé ancestral. C’est l’image inverse des jolis contes qui idéalisent le Québec d’antan où « tout était plus simple ». En sondant ces vieux tourments refoulés dans l’imaginaire collectif, ce sont les démons somnolents hérités du Québec pré-Révolution tranquille que Lavoie exorcise.

On sort du visionnement de La petite fille qui aimait trop les allumettes ébranlés, choqués, mais certainement pas indifférents. C’est une expérience éprouvante, bourrée d’images et de moments qui prennent aux tripes. Certains le vivront comme une catharsis, d’autres, devant une telle carence d’espoir seront consumés par la morosité. Dans tous les cas, il s’agit de cinéma à point pour la grisaille automnale.

Sortie :  vendredi 3 novembre 2017
V.o. :  français

Genre :  Drame – Origine : Canada [Québec] –  Année :  2017 – Durée :  1 h 51  – Réal. : Simon Lavoie – Int. : Marine Johnson, Antoine L’Écuyer, Jean-François Casabonne, Alex Godbout, Béatrice Aubry, Normand Daoust –  Dist. :  FunFilm.

Horaires
Cinéma BeaubienCineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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