En salle

Rue de la Victoire

13 juillet 2017

Semaine du 14 au 20 juillet 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans la Tunisie post-printemps arabe, Mohamed, jeune acrobate de cirque, se sent incompris de sa famille musulmane et de sa société. Décidant de s’exiler en France afin de perfectionner son art, il tentera de se réaliser au sein d’une troupe de cirque ambulante.

COUP DE CŒUR
Texte : Élie Castiel

★★★★

NE PAS PERDRE L’ÉQUILIBRE

Sans doute trop proche du moyen métrage, le premier long métrage de Frédrérique Cournoyer-Lessard est pour ainsi dire un film sur la durée, sur ce qu’elle peut contenir à l’intérieur du cadre et renvoyer les signaux les plus lumineux en les rendant réfléchis et aériens.

Un personnage, une famille, une situation : un artiste de cirque, une généalogie dictée par les règles strictes de la religion et un choix de vie contraire aux préceptes de ses origines. Car c’est sur ces formes sinueuses narratives que repose Rue de la Victoire, un chemin tracé depuis l’enfance, en état de gestation pendant l’adolescence et en pleine expansion, parfois douloureuse, à l’âge adulte. Oui, ne pas perdre l’équilibre, autant dans l’expérience circassienne que dans la vie ; ne pas se laisser amadouer par des éléments étrangers pour réusssir, laisser notre imaginaire dépasser les frontières créées par les autres. Car les autres, ce sont ceux qui interdisent.

Le courage de Cournoyer-Lessard et d’avoir été justement
inspirée par la différence ; ce n’est un premier exemple dans
le cinéma québécois, particulièrement dans le genre documentaire,
contrairement à la fiction qui l’ignore (ou presque) comme si cet
étranger ne faisait pas partie intégrante de l’entité québécoise. 

Rue de la Victoire_Coup de cœur (En salle 02)

Le courage de Cournoyer-Lessard et d’avoir été justement inspirée par la différence ; ce n’est un premier exemple dans le cinéma québécois, particulièrement dans le genre documentaire, contrairement à la fiction qui l’ignore (ou presque) comme si cet étranger ne faisait pas partie intégrante de l’entité québécoise.  Et en plus, cet autre est musulman, geste de la réalisatrice d’autant plus courageux qu’il s’inscrit dans une mouvance occidentale souvent axée sur la xénophobie et le racisme (islamophobie, antisémitisme…).

Michka Saäl, réalisatrice québécoise, juive, qui vient regrettablement de nous quitter, née en Tunisie, nous a toujours fait prendre conscience de ce fait. Frédérique Cournoyer-Lessard semble en avoir pris conscience par anticipation, nous faisant découvrir un monde différent à l’intérieur du notre.

Rue de la Victoire_Coup de cœur (En salle 01)

Voir Mohamed, prénom comme prescrit par une volonté divine, évoluer dans l’art qui l’anime, c’est aussi se rendre compte que l’expérience artistique est également un prise de position à la fois politique et sacrée. Elle prône la liberté, l’égalité et la fraternité entre l’Humain et le processus créatif. Cournoyer-Lessard, ex-étudiante à Concordia, a appris les grandes leçons de ses professeurs, leurs discours sur les multiples méthodes, leurs visions sur le rapport entre la notion du public et celle de l’invididuel. Ces procédés, devenus narratifs, film oblige, elle les applique en tournant un genre, le documentaire, plus apte à les voir évoluer dans l’espace sociale.

Encore une fois, ne pas perdre l’équilibre. Ce à quoi s’obstine le cinéma québécois : pour ne pas disaparaître, pour établir des ponts entre le quotidien et le rêvé, entre la réalité et le droit à l’imaginaire. Rue de la Victoire est ainsi fait : de calmes, de petites tempêtes, d’intérêt pour la différence. La mission même de ce que doit être le cinéma.

Il ne reste au cinéma québécois qu’un simple geste à faire, aussi candide que généreux : intégrer cet autre, notamment lorsqu’il s’agit de raconter des histoires.

Autre texte critique et
Entrevue avec la réalisatrice
(du même auteur)
Séquences
Nº 309 (Juillet-Août 2017)
Pages 10-13
En kiosque : Juillet 2017

Sortie :  vendredi 14 juillet 2017
V.o. :  arabe, français / S.-t.f.

Genre : Documentaire  – Origine : Canada [Québec] –  Année :  2017 – Durée :  1 h 05 – Réal. :  Frédérique Cournoyer-Lessard –  Dist. :  Maison 4:3.

Horaires
@
   Cinéma Beaubien Cinémathèque québécoise

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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