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Les 3 Magaly

23 mai 2017

moyen métrage
CRITIQUE
★★★★
Texte : Élie Castiel

BRISER LE SILENCE

Quelque chose de sensiblement attachant, sans doute par la forme employée par Frédéric Julien,  émane de ces 3 Magaly, 3 femmes, dont une fillette, en quête d’identité communautaire, trois femmes autochtones d’une Bolivie multiraciale où les propriétaires terriens blancs n’ont pas totalement réussi à éradiquer une Première nation aux valeurs et aux traditions ancestrales tout à fait légitimes, qui font la grandeur non seulement du pays, mais surtout du continent latino-américain.

Les 3 Magaly (03)

Un territoire de vie plausible, dynamique, vivable – © Frédéric Julien

La principale Magaly, celle par qui l’émancipation arrive, est la narratrice du film, voix-off que Julien propose pour raconter une histoire de famille à la fois dramatique et d’un sens de la survie remarquable. Magaly, avec un grand M, parce que rien ne l’a arrêtée afin qu’elle puisse communiquer son savoir à travers les ondes d’une radio communautaire de fortune mai qui, vu les circonstances, produit des émissions nécessaires pour une population oubliée de la grande ville. Avec Julien,le silence est mort. La parole est donnée aux territoires lointains du pays. Exprimé sensuellement non seulement par la caméra, mais aussi par un travail sonore exceptionnel donnant à la nature ses droits.

D’une part, le documentariste québécois assume son parti pris politique (sans l’être) et son engagement social, mais dans le même temps situe le cinéma québécois dans une sorte de no man’s land cinématographique qui s’appelle « monde ». Et si c’était là l’idée que les cinéastes québécois se font de notre cinématographie nationale, du moins dans sa forme documentaire ?

Les propositions de cette dimension, et celle de Julien en fait partie, sont des plus bienvenues. Sylvain L’Esprérance l’avait fait récemment avec Combat au bout de la nuit, où il donnait à la Grèce actuelle son pouvoir de parole sur une crise endémique inacceptable, dû, en grande partie, aux agissements d’une Union européenne mal en point, tuant des petits territoires européens à coups de dérives économiques et existentielles.

Les 3 Magaly (04)

Les 3 Magaly est un film interventionniste, protecteur d’un territoire autrefois en perdition — © Fédéric Julien

La « forêt » bolivienne n’a pas voulu de cela. Elle s’est débrouillé pour sortir de l’ombre et donner à son environnement un territoire de vie plausible, dynamique, vivable. Si les images de Julien s’imiscent dans une perspective de rapprochement des êtres, l’ensemble du film navigue aussi dans le portrait poétique. Le visage d’Evo Morales est là, dans le cadre, à quelques reprises, mais le cinéaste évite tout discours politique direct. Car avant tout, Les 3 Magaly est un film interventionniste, protecteur d’un territoire autrefois en perdition.

C’est aussi une histoire de famille où la notion chrétienne de rachat et les gestes du pardon passent avant toute chose. Julien, Magaly et Alejandrina, la mère adoptive l’ont compris lors d’une scène magnifique. Le spectateur sort remué de cette expérience sensorielle et visuelle d’une rare humanité, le cœur rempli d’espoir.

[ Entrevue avec Frédéric Julien ici. ]

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES

Origine : Canada [Québec] / Bolivie – Année : 2016 – Durée : 54 minutes– Réal. : Frédéric Julien – Scén. : Frédédic Julien – Images : Frédéric Julien – Mont. : Frédéric Julien, Diego Rivera Kohn – Mus. : Federico O’Reilly –  Son : Federico O’Reilly – Prod. : Wapikoni mobile / Productions L’Envers.

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