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Compagnie Marie Chouinard

1er avril 2016

PRÉLUDE À L’APRÈS-MIDI D’UN
FAUNE / LE SACRE DU PRINTEMPS

DANSE
★★★★ ½
Texte : Élie Castiel

Organique et vigoureux.
En somme… prodigieux

Deux classiques du répertoire international. Deux compositeurs légendaires : Claude Debussy pour Prélude à l’après-midi d’un faune ; Igor Stravinsky pour Le sacre du printemps, auxquels s’ajoutent des signatures sonores de Robert Racine, en forme de préambule  à ce ballet culte.

DANSE_Prélude à l'après-midi d'un faune

Prélude à l’après-midi d’un faune (PHOTO : © Sylvie-Ann Paré)

Lorsque Marie Chouinard indique qu’« il n’y a pas d’histoire dans mon Sacre, pas de déroulement, pas de cause à effet. Seulement de la synchronicité », nous avons affaire non seulement à une déconstruction de l’art chorégraphique, mais à un repositionnement du geste, du corps et de la dynamique scénique. Pour certains, geste hérétique ; pour la plupart, proposition courageuse qui tient compte du monde d’aujourd’hui, mécanisé, incertain, technologiquement assoiffé de renouveau.

Le corps n’est ni masculin ni féminin. Une sorte d’androgynie révolutionnaire semble se pointer à l’horizon. Les variantes sexuelles s’estompent pour donner naissance à un être hybride composé d’humanité, sans différences, mais dans le même temps inquiétant. Ouverture d’esprit et paradoxes se mêlent dans ce spectacle d’un puissant contenu social.

Tout est dans la chorégraphie de Chouinard, souveraine, énergique, pourvue d’un langage du mouvement au diapason de son époque. Carol Prieur, seule sur scène, ne répond plus qu’au son, grincements jouissivement assourdissants qui mettent le spectateur en proix à la lassitude et d’un coup, comme par miracle, ce dernier prend possession de ses qualités auditives pour s’assimiler à ce qu’il voit et surtout entend. Car, bien heureusement, Marie Chouinard a le tour de séduire, de déclencher chez le spectateur une sorte d’extase spirituelle qui rejoint les sens et l’âme.

DANSE_Le sacre du printemps

Le sacre du printemps (PHOTO : © Nicola Ruel)

Le corps de la danseuse devient animalier dans ce Prélude à l’après-midi d’un faune, classique essentiel dans l’Histoire de la danse. Mais la version-Chouinard est terrestre, remplie de poussière naturelle et de sueurs. La sexualité reprend ses droits ; les signes phalliques ne sont plus un pouvoir du mâle sur la femme, mais l’expression d’un besoin biologique, organique. La métaphore s’intègre à une musique céleste et en même temps concrète. Cela devient jouissif dans tous les sens du terme.

Et puis Le sacre du printemps, où la troupe de plus de dix danseurs s’immisce dans la scène, au décor, aux costumes et aux gestes animaliers. Du sol, émergent des sortes de griffes dont le but est de caresser l’âme plutôt que de la blesser. Dans ce geste paradoxal, les danseurs/interprètes assument leur fragilité, mais expriment également leur énergie. Masques de l’individu, prisonnier d’un corps vulnérable en même temps fort et intrépide.

Les gestes sont embrouillés, ils s’expriment de partout, mais avec une symétrie exemplaire. Dirigé par le chef d’orcheste Louis Lavigueur, l’Orcheste symphonique des jeunes de Montréal excellent dans l’exécution de deux œuvres majeures du répertoire classique et avec un naturel respectueux, accueillant dans le même temps les sonorités rougeuses de Robert Racine.

Un programme  double d’une intense folie. Libre, exalté, toujours au diapason de son époque, redonnant au spectateur la foi envers les arts de la scène et une réconciliation avec sa propre physicalité.

PRÉLUDE À L’APRÈS-MIDI D’UN FAUNE / LE SACRE DU PRINTEMPS | Chorégraphie: Marie Chouinard – Danseurs/Interprètes : Carol Prieur et autres danseurs de la Compagnie Marie Chouinard – Musique : Claude Debussy (Prélude à l’après-midi d’un faune), Igor Stravinsky et Robert Racine (Le sacre du printemps) – Éclairages : Alain Lortie (Prélude…), Marie Chouinard (Le sacre…)  – Costumes : Louis Montpetit, Marie Chouinard (Prélude…), Liz Vandal (Le sacre…)  – Production : Marie Chouinard, en coproduction avec le Centre national des arts (Ottawa) – Présentation : Danse Danse| Durée : 1 h 10 (sans entracte) – Représentations : jusqu’au 2 avril  2016 / 20 h – Place des Arts (Théâtre Maisonneuve).

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). (Mauvais). ½ [Entre-deux-cotes]

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