En salle

Avant les rues

15 avril 2016

RÉSUMÉ SUCCINCT
Sans emploi ni perspectives d’avenir, Shawnouk participe à un vol à main armé aux conséquences dramatiques.

Avant les rues

EXTRAIT
★★★★
Texte : Julie Demers

À PROPOS D’UN CRI

Avant les rues, il y avait la trace des ancêtres dans la terre humide. Il suffisait de les suivre pour savoir où aller. Quand les Blancs sont arrivés avec la farine et le sucre, la vie s’est adoucie momentanément – mais à quel prix ? Ils ont pillé les terres, isolé les communautés dans des réserves. Ils ont construit avec leurs pelles mécaniques des maisons trop petites et des pensionnats où régnait la terreur. Les Blancs ont essayé d’effacer les traces dans la forêt et depuis, des générations vivent sans boussole.

Leriche partage avec ces prédécesseurs certaines
préoccupations : le goût pour la déambulation et la lenteur ;
l’étude des laissés-pour-compte, de leur langue, leur souffrance
et leur lutte. Bazin considérait le néoréalisme italien comme
l’école italienne de la libération. Or, le cinéma de Leriche
participe certainement lui-même à la libération autochtone.

Avant les rues est un film de l’entre-deux. Il est situé quelque part entre le réalisme documentaire et une représentation poétique; ni tout à fait ethnographique, ni tout à fait œuvre personnelle. Du documentaire, Leriche a retenu l’approche : se faire accepter de la communauté, travailler en collaboration avec elle. Engager des acteurs non professionnels et privilégier une mise en scène qui ne les enferme pas dans la représentation. Rykko Bellemare qui incarne Shawnouk n’est pas une marionnette, un objet folklorique que l’on manipule à loisir pour créer une oeuvre. Il est acteur au sens propre comme au sens figuré : il prend part à l’action. Shawnouk marche et la caméra lui laisse de l’espace pour être, tout simplement. Cette errance toute moderne rappelle certaines des plus belles scènes du néoréalisme italien. C’est que Leriche partage avec ces prédécesseurs certaines préoccupations : le goût pour la déambulation et la lenteur; l’étude des laissés-pour-compte, de leur langue, leur souffrance et leur lutte. Bazin considérait le néoréalisme italien comme l’école italienne de la libération. Or, le cinéma de Leriche participe certainement lui-même à la libération autochtone. Filmés par elle, les Attikameks ne sont prisonniers ni du récit, ni de la mise en scène, ni des préjugés malveillants.

Prendre le temps d’écouter avant de prendre la parole. Préférer observer plutôt que de juger promptement. La démarche a été fertile : rares sont les Blancs qui ont réussi à parler avec autant de justesse et d’empathie de la réalité des communautés autochtones. Et c’est peut-être pourquoi Avant les rues a autant attiré l’attention des critiques à la Berlinale. Car Leriche ne fait ni dans la carte postale, ni dans le misérabilisme. Oui, il y a dans son film l’alcool, la drogue, les suicides. Mais elle s’attarde aussi et surtout à la lumière qui émane subtilement de ces communautés. Aux familles qui se tiennent. À la langue qui survit malgré tout. Au temps qui file à un rythme autrement plus humain.

Texte intégral
Séquences, nº 302

(Mai-Juin 2016), p. 12-13
Bientôt en kiosque

Sortie : vendredi 15 avril 2016
V.o. : français, atikamekw
S.-t.a. : Before the Streets

Genre :  DRAME – Origine :  Canada [Québec] –  Année :  2015 – Durée :  1 h 37  – Réal. Chloé Leriche  – Int. : Rykko Bellemare, Kwena Bellemare Boivin, Jacques Newashish, Janice Ottawa, Martin Dubreuil, Normand Daoust –  Dist. / Contact :  FunFilm.
Horaires :  @  Cinéma du Parc

CLASSEMENT
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)

MISE AUX POINTS
★★★★★  Exceptionnel★★★★  Très Bon★★★  Bon★★  Moyen★  Mauvais½  [Entre-deux-cotes]  –  LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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