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Catherine Vidal

2 février 2016

UN ACTE DE COURAGE
ET DE LUMINOSITÉ

RENCONTRE
Propos recueillis
par Élie Castiel

Catherine Vidal

Catherine Vidal (© Marie-Claude Hamel)

On lui doit les mises en scène, entre autres, du Grand Cahier, d’Agota Kristof, Avant la retraite de Thomas Bernhard et le très apprécié La reine des neiges (Le cœur en hiver) du Théâtre de l’Œil. Elle fera bientôt ses premières armes au TNM. On en saura plus en temps et lieu. Son incursion au TDP est une nouvelle adaptation de la pièce Le miel est plus doux que le sang, le très beau texte de Philippe Soldevila et Simone Chartrand. Nous avons rencontré Catherine Vidal pour qu’elle nous dévoile quelques parcelles de son aventure.

Pièce voilée d’une certaine maturité dans la mesure où les trois grandes icônes de la culture représentés sont déjà des artistes en devenir et se posent des questions sur divers aspects de la vie, comme la création et la sexualité, peut-elle être comprise par le jeune public habitué au répertoire du TDP ?
Même si avant Claude Poissant, les pièces au TDP ont connu, et à juste titre, du succès, avec la venue de Claude Poissant, le côté pédagogique, bien que toujours de rigueur, a changé. Les adolescents, eux aussi, ont changé. La vision du nouveau directeur artistique semble être guidée par une prise de conscience de la société d’aujourd’hui et d’un nouveau jeune public ; ses réactions devant les différentes facettes de la vie et du théâtre, sa participation au spectacle, son rapport à la scène. C’est dans cet état d’esprit que j’ai moi-même construit la mise en scène. Les lignes de démarcation entre le jeune public et celui plus aventureux des adultes commencent à s’estomper. C’est donc un nouveau TDP que nous accueillons. Du moins, le pari est lancé.

Les personnages sont néanmoins d’une autre époque et le récit se passe à un moment bien précis de l’Histoire. Les jeunes spectateurs pourront-ils comprendre assez bien les enjeux parfois complexes même si un cahier pédagogique et riche en informations leur est distribué ?
Oui, en effet, le cahier contient des informations inestimables. Mais c’est aussi dans la mise en scène et l’interprétation qu’on se rendra compte de l’accueil du public, jeunes et adultes confondus.

Comme dans toute pièce de théâtre, il y a toujours la notion de la durée. Après une heure de spectacle, le public a besoin d’une pause ; c’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’un jeune public, et même adulte d’une certaine façon. Hors, ici, la pièce dure 1 h 40, sans entracte.
C’est là où la mise en scène doit user de divers éléments narratifs pour rendre chaque moment intéressant. J’ai veillé à un travail d’orchestration. C’est une question de stratégie. Le rythme, le tempo, les dialogues, les interactions entre les personnages. Tous ces ingrédients scéniques doivent finir par se consolider dans un dénominateur commun : le temps… l’espace.

TH_Le miel est plus doux que le sang

Le miel est plus doux que le sang (© TDP)

Un des thèmes abordés est celui de l’homosexualité de Lorca. On suppose qu’en ce qui concerne cette mise en scène en particulier, le sujet est abordé avec subtitlité.
Il y a vingt ans, Le miel est plus doux que le sang présentait, à un moment donné, le personnage de Lorca habillé en travesti. Aujourd’hui, on ne peut pas se permettre de le faire. J’en ai parlé avec Philippe Soldevila et Simone Chartrand, ainsi qu’avec les comédiens. Ils étaient tous d’accord pour que cette partie du récit soit plus conforme aux attitudes de l’époque, l’Espagne des années 1920. Concrètement, il est encore possible de présenter l’œuvre comme il y a vingt ans, mais il n’est pas certain qu’un certain public pourra capter le niveau d’ironie. Et cela s’applique à plusieurs scènes de la pièce.

C’est donc à une pièce réinventée qui, bien que conservant le même contenu, offre une lecture que nos contemporains pourront mieux comprendre et apprécier.
Effectivement. J’ai réaménagé le texte, les chansons aussi. J’ai même mentionné aux deux auteurs qu’ils ne reconnaîtraient pas leur enfant car je l’ai habillé autrement. Il y a là un processus d’affirmation. Aujourd’hui, la même chose peut arriver, par exemple, dans des Shakespeare ou encore des Marivaux.

À deux jours de la première médiatique, que retenez-vous de cette expérience ?
Tout simplement qu’il s’agit de la célébration de l’art et de la création. Une belle ode au beau, un acte de courage et de luminosité où les moindres doutes finissent par s’évaporer.

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