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Les Trois Mousquetaires

26 juillet 2015

ENTRE PROJET PERSONNEL
ET ATTENTES DU SPECTATEUR

Élie Castiel
THÉÂTRE
★★★★

L’automne dernier, D’Artagnan et les Trois Mousquetaires, présenté au TDP, dans une mise en scène de Frédéric Bélanger nous avait épatés, tant par la simplicité de la mise en scène, la sincérité vertigineuse des comédiens et surtout par une prise en charge de la durée.

Si dans le cas dans le cas du Théâtre Denise-Pelletier, les spectateurs (dont un grand nombre d’étudiants) devaient se soumettre, comme toujours, à l’imagination du metteur en scène, La co-op TNM/Juste pour rire semble s’accomoder au plaisir d’un public qui s’attend à qu’on lui serve ce à quoi il s’attend.

Les Trois Mousquetaires et D'Artagnan

Les Trois Mousquetaires et d’Artagnan (PHOTO : © Yves Renaud)

Qu’il s’agisse du théâtre, du cinéma ou d’autres expressions artistiques, il arrive parfois que les producteurs tiennent comptent des goûts de l’auditoire pour nourrir leur saison. Alors que dans l’art, l’œil du spectateur doit absolument s’intégrer à la vision du créateur.

Serge Denoncourt, sur ce point, a toujours été à la hauteur. L’un des plus nobles représentants de la culture québécoise contemporaine se permet cette fois-ci de se plier aux exigences de l’offre et de la demande. Le résultat : un délire qui ne cesse de tourner selon l’approche du 360º , s’accaparant de la scène avec une folie déconcertante, dévoilant un savoir-faire épatant en rapport à l’espace et, surtout et avant tout, donnant libre cours à ces comédiens. La raison : Denoncourt sait toujours comment s’en tirer, quel que soit le champ de bataille.

Mais les trois heures de spectacle (incluant un entracte) peuvent devenir exaspérantes. Demeuré ébahi devant tant d’ardeur peut durer un moment, mais à mesure que la stratégie ne cesse de se prolonger, le spectateur averti commence à prendre du recul et à perdre son souffle.

Mais ne gâchons pas notre plaisir. Ces trois mousquetaires + 1 se donnent un plaisir fou à construire un récit sur la fidélité, le combat pour la justice, l’amour des femmes et une façon de voir la vie comme s’il s’agissait d’un jeu. C’est ludique, drôle, époustouflant. Et les comédiens s’ajustent et se donnent corps et âme à cet exercice populaire estival qui connaît un succès fulgurant.

Julie Le Breton et Philippe Thibault-Denis

Julie Le Breton (Milady) et Philippe Thibault-Denis (d’Artagnan) — PHOTO : © Yves Renaud

Si Philippe Thibault-Denis (un peu hésitant au début, mais très vite réajustant son jeu jusqu’à lui donner une candeur inestimable), Éric Bruneau (assurant son charisme habituel), Guillaume Cyr (jouant entre le drame et la comédie avec une contenance inhabituelle) et Benoît McGinnis (comme d’habitude, fort efficace), on soulignera la présence d’un Mani Soleymanlou qui se déplace sur scène comme s’il était question d’une seconde nature.

Mais c’est Julie Le Breton qui domine la distribution. Un rôle, pour elle, c’est avant tout une question d’accaparation du personnage. L’habiter, se laisser bercer par ses idiosyncrasies, ses tumultes, ses discordances. C’est donner vie à un autre corps, quitte à se laisser emporter, ne serait-ce que le temps que dure le spectacle, par ce qu’il comporte de bien et de mal. Et s’en sortir avec tous les honneurs. Impériale.

Seul bémol : un jeu d’armes de Jean-Pierre Fournier, parfois puéril et souvent mêlant. Mais dans l’ensemble, une adaptation colorée de Pierre Yves Lemieux, un décor scénographique intelligemment circulaire de Guillaume Lord, une partition musicale endiablée de Philip Pinsky et un Serge Denoncourt, certes moins personnel que d’habitude, mais toujours emporté par la passion du théâtre, une métaphore de la vie et de ses multiples interprétations.

 revuesequences.org

LES TROIS MOUSQUETAIRES  | Auteur : Alexandre Dumas – Adaptation : Pierre Yves Lemieux Mise en scène : Serge Denoncourt – Scénographie : Guillaume Lord – Éclairages : Anne-Marie Rodrigue Lecours – Musique : Philip Pinsky – Costumes : François Barbeau, assisté de Pierre-Guy Lapointe – Comédiens (par ordre alphabétique) : Olivier Barrette, Frédéric Blanchette, Luc Bourgeois, Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Bénédicte Décary, Kim Despatis, François-Xavier Huard, Marie-Pier Labrecque, Benoît Landry, Julie Le Breton, Normand Lévesque, Jean-Moïse Martin, Benoît McGnnis, Guillaume Rodrigue, Mani Souleymanlou, Philippe Thibault-Denise | Durée : 3 h (+ 1 entracte)  – Représentations : Jusqu’au 26 août 2015 – TNM (Théâtre du Nouveau Monde).

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ]

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