En salle

Ouïghours, prisonniers de l’absurde

12 février 2015

Semaine du 13 au 19 février 2015

Ouïghours, prisonniers de l'absurde

Sortie : Vendredi 13 février 2015
V.o. : multilingue
S.-t.f. / S.-t.a. – Uyghurs: Prisoners of the Absurd

DOCUMENTAIRE > Origine : Canada [Québec] – Année : 2014 – Durée : 1 h 39 – Réal. : Patricio Henriquez – Dist. / Contact : ONF | Horaires / Versions  : Cineplex Excentris

CLASSIFICATION
Visa GÉNÉRAL

APPRÉCIATION
ABUS DE POUVOIRS
Texte : Charles-Henri Ramond
Cote : ★★★

En 2007, avec Sous la cagoule, un voyage au bout de la torture, Patricio Henriquez nous mettait en face de la torture utilisée par des pays occidentaux sous couvert de sécurité nationale. Trois ans plus tard, Vous n’aimez pas la vérité – 4 Jours à Guantánamo nous plongeait dans l’enfer vécu par le canadien Omar Khadr suite à son emprisonnement dans la base militaire cubaine alors qu’il était encore adolescent. Avec Ouïghours, prisonniers de l’absurde, Patricio Henriquez nous fait revivre l’injustice des emprisonnements arbitraires de Guantánamo. Dans ce que l’on pourrait qualifier de troisième volet d’une trilogie de l’absurde, nous découvrons, ébahis, l’ahurissante histoire de 22 civils ouïghours catégorisés comme les pires terroristes de la planète puis internés durant plusieurs années, et ce, malgré l’absence totale de preuves concernant leur implication à un quelconque mouvement terroriste.

Abondamment documenté, le film nous fait connaître trois de ces ouïghours grâce à de nombreuses entrevues relatant leur expérience et qui sont ici agrémentées d’images d’archives, d’intertitres et de cartes illustrées. Avec la précision d’un orfèvre, Henriquez met en lumière la chronologie des événements et laisse dire toute l’horreur par ceux qui l’ont vécue, sans s’immiscer ni tomber dans le sensationnalisme. Il démontre que le rouleau compresseur des valeurs démocratiques américaines, allant bien souvent à l’encontre des lois, tournant les événements en sa faveur, trahissant même le secret militaire pour d’impérieuses raisons politiques, n’agit guère mieux que les « ennemis combattants » à qui il s’oppose.

Le film fait ainsi la lumière sur des événements qui, pour paraphraser Daniel Fried (le fonctionnaire américain chargé de « relocaliser » ces ouïghours), ne sont pas biodégradables mais s’inscrivent en dur dans l’Histoire de nos civilisations.

Allant au-delà de son rôle d’enquêteur, le cinéaste transforme sa recherche des faits en une réflexion plus large sur les dérives de la sacrosainte lutte au terrorisme et porte son regard sur les rouages administratifs américains qui ont rendu possibles de telles aberrations. Mais mêmes expliqués, ces méandres politico-juridiques restent abstraits, ce qui a pour effet de renforcer d’autant plus le sentiment d’incompréhension face à l’existence même que de tels agissements puissent se produire. Ce troisième opus est donc plus cérébral que les deux précédents et manque peut-être un peu de leur charge émotive. La réalisation, certes rythmée, ne dépareille pas des documentaires produits pour la télévision, tandis que la trame sonore trop insistante aurait mérité meilleur traitement. Malgré tout, Ouïghours, prisonniers de l’absurde est une œuvre très instructive qui s’inscrit parfaitement dans le travail essentiel de son auteur.

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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