Entrevues

Robin Aubert

19 juillet 2009

« Faire un film comme Riopelle peignait sa toile »

Olivier Bilodeau

Robin Aubert présente un deuxième film intimiste À quelle heure le train pour nulle part lors du Festival FanTasia. En tournage de son prochain film, il a tout de même voulu répondre aux questions de Séquences.

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Premièrement, je voudrais que vous me parliez de votre projet Fantômes et Voyages. D’où est venue l’idée de faire 5 films tournés dans 5 continents? Et pourquoi une telle entreprise?

Un coup de tête, le goût d’explorer, lâcher mon fou, d’essayer des choses dans le cinéma, une forme de parenthèse entre deux écritures plus formelles. Ne pas me soucier des paramètres institutionnels lorsque sans cesse on me propose de réécrire parce pas assez ci, pas assez ça. Me laisser guider par l’instinct, tourner sur le vif, ne pas avoir à quêter cinquante-six demandes de permis pour tourner ici et là. Ne pas avoir de lois, en fait. Juste tourner, créer. Être libre de toute attache cinématographique. Le but premier de cette « pentalogie » est de pouvoir créer sans balises, ni règles de base. C’est de retrouver l’urgence de faire un film sans avoir à attendre l’approbation des institutions après la énième version d’un même scénario. Faire un film sur la pulsion du moment, dans la lignée des automatistes, comme Kerouac écrivait un livre, ou comme Riopelle peignait sa toile. Retrouver cette spontanéité qui hantait les premières fictions de Gilles Groulx et du cinéma direct de l’ONF, une méthode qui consiste à improviser les dialogues, tourner en continuité, utiliser les décors naturels et en mélangeant les acteurs professionnels et non professionnels.

Pour le continent asiatique vous avez choisi l’Inde comme lieu. Qu’est-ce que représente pour vous ce pays, cette culture, ses habitants?

Au cours des années, j’ai établi un rapport très particulier avec l’Inde. Je me sens chez moi dans ce chaos incessant. L’Inde change et se transforme et en même temps demeure la même depuis des siècles. Voyager en Inde, c’est voyager dans le temps, c’est vivre une expérience sensorielle et olfactive. L’Inde c’est ma deuxième demeure. 

Saints-Martyrs-des-Damnés était une fiction (une science-fiction même) dans le sens propre du terme, ce film est beaucoup plus personnel. Pourquoi alors ne pas avoir tenu le rôle principal?

Je n’aime pas jouer dans mes films à cause du peu de recul que j’ai quand je tourne. Jouer le rôle principal de mes films, ça serait une erreur monumentale. Je ne fais pas ce travail pour me mettre en scène ou me donner un rôle que je n’ai pas encore interprété. Je fais un film parce qu’à un moment donné, je sens le besoin d’en faire un. Ça se sent, ça bouillonne en dedans, ça brasse, ça spine.

Que représente cette œuvre pour vous ?

Ce film représente pour moi la liberté. La liberté de créer, de tourner, d’écrire, de filmer, de monter, de faire la conception sonore. À quelle heure le train pour nulle part est pour moi de la liberté à l’état brut. Avec ses qualités et ses défauts.

Quel sera le prochain film de la série Fantômes et Voyages ?

J’ai des impressions qui me passent par la tête…des personnages dans des lieux précis, mais tout est trop tôt pour en parler. Par exemple, lorsque je pense à l’Amérique, j’ai deux endroits qui me trottent dans la tête, deux endroits complètement différents. Les personnages changent si le lieu change. En Europe, c’est autre chose. En Afrique aussi. J’attends que cela se précise dans ma tête. J’attends de voir quelle histoire va prendre le dessus sur l’autre.

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