12 janvier 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans une ferme quelque part aux États-Unis, une chirurgienne d’origine portugaise enseigne à sa fille Francisca les secrets de l’anatomie, tout en l’habituant à être insensible face à la mort. Des années plus tard, la jeune femme aura des difficultés à s’adapter à la réalité.
Présenté dans une vingtaine de festivals à travers le monde (dont notre Fantasia incontournable), particulièrement ceux spécialisés dans les films de genre, The Eyes of My Mother annonce d’ores et déjà un cinéaste sur lequel il faudra désormais compter. Également scénariste et monteur de ce drame familial d’horreur où le gore, la psychanalyse et l’inconscient se conjuguent avec une subtilité aussi angoissante qu’articulée, Nicolas Pesce séduit notamment par sa mise en scène, d’un minimalisme qui dépasse la notion de temporalité; d’où ces phrases courtes, saccadées, presque incompréhensibles, qui semblent s’interrompre dans les paroles finales par des jumpcuts inattendus et une économie narrative qui se construit par le biais d’ellipses fulgurantes. Si le film ne dure que 75 minutes, cela suffit à Pesce pour nous emporter dans l’inconscient d’une âme en peine (Francisca, jeune femme) qui souffre de solitude et trouve comme seule consolation ce que sa mère lui a appris : se plonger dans l’anatomie des animaux… et par extension (ou justement à cause de l’absence de l’autre) celle de l’humain.
L’illustration graphique de ce qui aurait pu être une accumulation de plans grotesques bénéficie du cinémascope et du noir et blanc pour brosser des tableaux dignes de maîtres, comme s’il s’agissait de ces premières ébauches de L’enfer de Dante, telles qu’imaginées par Botticcelli.
Nicolas Pesce est un digne observateur du corps humain, des rapports entre les individus, des distortions de l’inconscient, mais surtout sur ce que chaque être peut cacher dans son âme et conscience. Rien n’est vrai, rien n’est faux. La réalité, semble-t-il dire, est une formation individuelle. Le reste, ce sont des conventions.
Film brutal, agressif, graphique, survolté, rebelle et mal élevé, The Eyes of My Mother privilégie les séquences brèves, très peu de dialogue et une partition musicale d’Ariel Loh, qui signe sa première collaboration pour le cinéma, quasiment absente, mais qui ne retentit sans nous aviser que lorsqu’il le faut, et ça ne dure que quelques secondes, mais fortes en tension. Car le premier long métrage de Nicolas Pesce est avant tout un film qui parle une langue bien particulière : le cinéma (et ses sublimes subterfuges).
On soulignera que les hasards de la distribution font que ce petit bijou de cinéma non-conventionnel passe inaperçu. Le Cinéma Dollar, près du métro Namur le présente deux fois par jour, à 11 h et 21 h 15. Comme quoi, Montréal souffre de gestion inadéquate dans l’exploitation des films. Après lui avoir expliqué ce que certains critiques qui me l’ont confié ressentent à ce sujet, Bernie, le gouru bien intentionné du Dollar, m’a offert un Popcorn gratuit en guise de remerciement. Comme quoi, les critiques ne font pas que critiquer, mais peuvent aussi prodiguer de bons conseils. Pour une simple raison : le cinéma, c’est leur métier et leur passion. Quant à Pesce… Congrats!
Genre : DRAME D’HORREUR – Origine : États-Unis / Portugal – Année : 2016 – Durée : 1 h 16 – Réal. : Nicolas Pesce – Int. : Diana Agostini, Will Brill, Flora Diaz, Paul Nazak, Olivia Bond, Joe Curtis-Green – Dist./Contact : Unobstructed View Inc.
Horaires : @ Dollar Cinema
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence / Horreur)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
9 janvier 2017
Cinéaste du début des années 1990, Dimitris Athanitis se situe dans la mouvance d’un certain cinéma grec en pleine évolution, suscitant la curiosité bien fondée des festivals internationaux, notamment européens. Avec 2000 + 1 Shots (2000 + 1 stigmés) en 2000 et Three Days Happiness (Trís méres eftyhías) en 2012, sans compter d’autres longs et quelques courts métrages signés dans les années 90, le réalisateur confirme déjà son argumentation narrative, explorant les thèmes de la solitude dans une urbanité tentaculaire, voire même glauque qui ne donne aucun répit au citoyen.
Avec le recul, on s’aperçoit qu’il s’agit aussi d’un cinéma annonciateur de la crise existentielle, économique et sociale d’une Grèce laissée à elle-même, à l’abandon. Avec Invisible (Aóratos), il brosse en quelque sorte le portrait d’un homme en crise comme il l’avait fait avec 2000 + 1 Shots ; ici, l’individu n’est plus maître de lui, il est perdu dans la cité, victime d’une crise économique sans merci, licencié d’une usine sans préavis, divorcé de sa femme qui, en apprenant sa débâcle, semble s’en ficher.
Christos Benetsis et Yannis Stankoglou
8 janvier 2017
C’est avec ce commentaire de Sylvio Le Blanc que nous entamons une nouvelle section, « CourrierLecteurs », destinée à donner la voix à ceux et celles qui nous lisent, autant sur le site que dans la revue imprimée.
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