20 avril 2018
À en juger par ce premier film de Thierry de Peretti montré au Québec (Les Apaches, encore inédit, fera l’objet d’une critique dans un de nos prochains numéros de la revue imprimée), le cinéaste corse affectionne le dialogue, une sorte de lien narratif qui non seulement brosse le portrait des personnages dont il est question, mais bien plus, présente ce lieu de l’Hexagone comme un territoire conquis, loin de ses clichés touristiques. Comme, façon de parler, c’est le cas de la Catalogne, en Espagne.
Mais derrière ces revendications nationales, une mafia corse, où la conduite, comme dans tous les lieux du crime organisé, dicte un côté rituel comme dans les Tables de la Loi, mais totalement inversées, puisque les codes moraux sont remplacés par règlements de compte, vengeance, honneur, (ir)responsabilités familiales, respect du clan, embrigadement, distance émotionnelle face à la mort et à la punition.
Les personnalités viriles que met en scène de Peretti sont d’une autre époque du cinéma européen, une production éclatante des années 70 où misogynie n’est pas un tort, mais une façon de vivre, où la masculinité se mesure à la puissance physique et au pouvoir de l’individu dans la société.
Surmené par des échanges de paroles incessants et des conciliabules violents, mais à la fois brilants dans leur composition, Une vie violente signe haut et fort ses bonnes intentions. Une chose est claire, la Corse est présenté sous un soleil radieux, mais là où les Dieux ne cessent de jeter leurs mauvais sorts, comme si le Destin était pour quelque chose.
Thierry de Peretti peut se vanter d’avoir construit un film hors du commun, notamment dans sa direction d’acteurs, la plupart non professionnels, qui semblent avoir un plaisir fou à collaborer pour une cause qui leur tient à cœur, se donnant Coeur et âme. Mais dans ce récit de vie et de mort, la rédemption, le repentir et la grâce divine se heurtent aux lois des Hommes.
Réalisation
Thierry de Peretti
Genre : Drame politique – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 53 – Dist. : Maison 4:3.
Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Accès autorisé si accompagnés d’un adulte)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
Avant tout autre chose, Vers la lumière parle de cinéma, de ce que cet art maintes fois perverti propose comme rapport au monde, sur sa condition éphémère, sur les souvenirs qu’il met en images et en relief, et dépérissent. C’est aussi un film sur l’isolement social, sur la déchéance face à un lieu terrestre imparfait. Mais c’est aussi une ode à l’humain, à son semblable, celui par qui les choses arrivent et se perdent. C’est un film sur la vie tout court.
Naomi Kawase privilégie le gros plan puisqu’il s’agit d’une histoire intime entre la passation du regard et sa perte, entre le pouvoir du cinéma et sa faiblesse, cette impossibilité de réussir à empêcher le destin tragique des choses.
Les deux vedettes principales s’approprient leurs personnages pour leur octroyer une dimension extradégiétique qui confère leur personnalité et la transcende. Entre la puissance de l’œil et l’extinction totale de la vision, un entre-deux qui correspond au rapport à l’autre, servant de guide pour renoncer à une finitude précoce. La magnifique Ayame Misaki et le charismatique Masatoshi Nagase procurent des moments de pure émotion dans un lieu où la tristesse, la maladie et le deuil se joignent parfois dans un monde où la nature semble parfaite.
C’est de cela que se nourrit aussi Vers la lumière parle, de ces paradoxes, comme si le cinéma, servant de guide aux spectateurs, se servait de son pouvoir thérapeutique pour apaiser l’âme. Car faire le deuil de quelque chose qu’on a perdu, comme il est évoqué dans le film, c’est apprendre sans cesse à amadouer le vide que cette disparition exerce en nous.
Nous sommes devant une œuvre inspirée, miraculée, pieuse, peinte selon une approche humaniste de l’existence, lui attribuant ainsi une caractéristique affable et philosophique qui nous éloigne de la morosité actuelle. C’est triste et si beau!
Réalisation
Naomie Kawase
Genre : Drame – Origine : Japon / France – Année : 2017 – Durée : 1 h 42 – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires & info.
@ Cinéma du Parc
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
Nous avions beaucoup aimé We Need to Talk About Kevin (2011) confirmant, après les brillants Ratcacher (1998) et Morvern Callar (2002), l’originalité de l’Écossaise Lynne Ramsay, une sorte de Kathryn Bigelow d’ailleurs avec autant poigne, de savoir-faire et de grâce virile mâtinée d’agressivité jouissive et privilégiant les correspondances subtiles au cinéma de genre.
Car You Never Really Here est non seulement une déclaration persuasive, mais également une interrogation sur le cinéma, sur sa fonction initiale. D’où cette distanciation majestueuse entre le spectateur et l’écran qui, tôt ou tard, convoque notre regard voyeur à ajuster ses véritables visées.
Il s’agit d’un dialogue intellectuel entre notre perception des images en mouvement et ce qui se passe dans ce récit intentionnellement alambiqué qui ne semble aller nulle part; sauf sans aucun doute vers un univers imaginé qui est celui de tout acte cinématographique.
Il y a là, la notion selon laquelle tout acte de création ne peut être soumis à des codes, des régimes, de interdits de toutes sortes. C’est un processus de gestation qui se passe entre l’artiste et le néant, un vide existentiel qui sera peuplé d’individus racontant leurs propres histoires. La musique, entre autres, du groupe Radiohead, n’est pas un hasard dans la construction du récit, mais correspond au désir de la réalisatrice d’atteindre un public cible. Celui qui ne jure, et à juste titre, d’un cinéma qui ne cesse de se réinventer, entraînant avec lui des propositions enlevantes, d’où émergeront d’autres postulats, sans quoi le cinéma n’a qu’à crever.
Et dans cet univers singulier, Joaquin Phoenix, comme d’habitude, se prête à ce jeu de provocation qui ressemble à un exercice de style plus que tout autre chose. Et pourquoi pas? Car chez ce tueur à gages dont il est question, domine l’état inexplicable de la mélancolie, elle-même un cas de style.
Réalisation
Lynne Ramsay
Genre : Drame psychologique – Origine : Grande-Bretagne / France / États-Unis – Année : 2017 – Durée : 1 h 30 – Dist. : Entract Films.
Horaires & info.
@ Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Accès autorisé si accompagnés d’un adulte | Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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