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La chute de Sparte

31 mai 2018

| PRIMEUR |
Semaine 22
du 1er au 7 juin 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
À l’école Gaston-Miron de St-Lambert, Steeve Simard n’est pas comme ses camarades. Solitaire, bibliophile, il est secrètement amoureux de l’une des plus belles filles de l’institution. La jeune fille, à un moment donné, lui montre un certain intérêt. Mais cela enrage Giroux, un des joueurs des Spartiates, l’équipe de football de la polyvalente, et lui aussi épris de la belle.

COUP DE CŒUR
| Élie Castiel |

★★★★

TERRAINS GLISSANTS

Si d’une part, La chute de Sparte est l’adaptation à l’écran du roman de Sébastien Fréchette (alias Biz, du groupe Loco Locass), force est de souligner qu’il nous est permis de prendre le film pour ce qu’il est… un film d’ados tout simplement. Et peut-être prendre l’habitude de considérer à part entière chacun de ces deux expressions narratives, le livre et le cinéma. D’autant plus que le scénario est cosigné par l’auteur du roman lui-même et que les possibles alternatives narratives qui s’imposent sont, on présume, consenties par les deux acolytes.

La voix off devient ici non seulement essentielle, mais salutaire, permettant l’ellipse des longues descriptions littéraires. Le rythme du film devient ainsi surprenant, fidèle aux lieux, à l’action soutenue, et durée oblige, à l’absence de scènes redondantes. Il ne peut être autrement dans une polyvalente où chez la majorité des jeunes, notamment les garçons, les hormones se développent quotidiennement, pas besoin de les provoquer. La conventionalité du récit ne fait que suivre le genre comédie/drame sentimental où les enjeux seront les mêmes, soit le célèbre boy sees girlboy loves girlboy fights for girlboy gets girl. En quelque sorte, suivre traditionnellement les codes de la séduction des premières amours. Sur ce point, Tristan Dubois dirige allègrement ses comédiens, tous et toutes, entre leurs classes, revendiquant un terrain de récréation qu’ils transforment en un territoire qui leur est propre, sans la présence d’autorité, du moins métaphoriquement.

Premier long métrage du Québécois Tristan Dubois,
d’origine suisse,
La chute de Sparte est d’un
charme suranné qui réjouit le cœur et élève l’esprit.

D’autre part, il y a dans le personnage de Steeve Simard (surprenant Lévi Doré, mélange de naïveté et de force intérieure), un prénom qu’il interroge expréssement dû aux deux « e » que ses parents lui on accolés, un mélange de souffrance, d’imagination et de candeur sans fausse modestie. Sa correspondance imaginée avec les héros Spartiates de la Grèce antique n’est en fin de compte qu’un retour, avouons-le, un peu maladroit mais adorablement débordant d’inventivité, aux sources de la civilisation, faite de combats et de conquêtes. Mais elle est franche et prend dans le film de Dubois, la forme d’une incantation divine jouissivement mélodramatique, pour ne pas dire tragique.

Quoi de plus cliché que Simard comme nom, mais un personnage original qui s’intéresse, par miracle, à la lecture et à autre chose que les clichés associés aux jeunes de son âge, comme le peu d’intérêt pour le côté sacré du sport, que les autres voient comme une véritable hérésie. Message un peu candide, certes, mais belle leçon d’éthique culturelle par les temps qui courent. Le cellulaire, les chearleaders et le fanatisme qu’on exerce sur nos équipes favorites peuvent enfin prendre un petit repos bien mérité. Et si La chute de Sparte était après tout un film socialement politique ?

Un épisode dramatique sur deux personnages (très masculins) homosexuels (on ne vous dira pas plus) est montré subtilement, avec respect, et nous dis long sur la situation LGBTQ dans les polyvalentes. Sur ce point, rien ne semble avoir vraiment évolué, ou tout au plus, peu ou pas du tout. Premier long métrage du Québécois Tristan Dubois, d’origine suisse, La chute de Sparte est d’un charme suranné qui réjouit le cœur et élève l’esprit. En somme, pour ces jeunes, l’aphorisme est pour chacun de suivre son propre chemin et, surtout, ne pas céder aux obstacles de terrains trop souvent glissants. Étonnamment réussi.

Réalisation
Tristan Dubois

Sortie
vendredi 1er juin 2018

Version originale
français ; s.-t.a.
The Fall of Sparta

Genre : Drame
Origine : Québec [Canada]
Année : 2018
Durée : 1 h 33
Dist. : Filmoption International

Horaires & info.
@ Cinéma BeaubienCineplex

Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]

 

Les fantômes d’Ismaël

| PRIMEUR |
Semaine 22
du 1er au 7 juin 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Réalisateur, Ismaël vit heureux en ménage avec Sylvia depuis deux ans et prépare un film inspiré de la vie de son frère. Et sans s’y attendre, il apprend le retour de Carlotta, son ancienne épouse, disparue depuis deux décennies.

CRITIQUE
| Anne-Christine Loranger |

★★★ ½

CAVALCADE SUR LES QUADRIGES DE BEN-HUR

Dans ce film qui a souvent l’air de partir dans tous les sens, Arnaud Desplechin nous mène dans une cavalcade à bride abattue sur les sentiers souvent périlleux de la création, chevauchant les abîmes de la mémoire, de la souffrance et du temps. Comment un réalisateur parvient-il à créer, à se renouveler, après 20 ans de métier? Selon Desplechin, à travers les fantômes familiaux qui le hante tout en le propulsant, mais aussi grâce aux Muses qui rassurent, protègent… et permettent d’achever le film! Dans Les fantômes d’Ismaël, Charlotte Gainsbourg est cette Muse pacificatrice, une astrophysicienne fascinée par le monde troublé d’Ismaël, un réalisateur ayant perdu sa femme vingt ans plus tôt. En effet, Carlotta (Marion Cotillard), fille d’un réalisateur juif très connu, femme d’Ismaël, a disparu à l’âge de vingt-trois ans sans laisser de traces.

Cette femme troublée, mystérieuse, réapparaît en avouant candidement à Sylvia (Charlotte Gainsbourg) qu’elle veut reprendre son homme et en suppliant Ismaël (Mathieu Almaric) de la reprendre. Ces retrouvailles bouleversent Ismaël, qui travaille à un film portant sur un autre de ces fantômes, celui d’Ivan (Louis Garrel) son frère diplomate, exilé depuis vingt ans pour se sauver de lui.

On a souvent l’impression de la course en quadrige de Ben-Hur dans ce film effréné, où des personnages complexes évoluent quasi en parallèle, chacun dans son monde, mais en sautant de temps en temps d’un char à l’autre. Pris entre sa compagne, son ex-femme, son frère et son producteur, Ismaël semble le jouet de lignes de force qui le dépassent largement. La confrontation entre les deux plus excitantes actrices françaises (Gainsbourg et Cotillard), qui semblaient annoncer une alliance genre Simone Signoret et Véra Clouzot dans Les diaboliques (1955), si elle ne tombe heureusement pas dans un remake malencontreux de l’excellent film d’Henri-Georges Clouzot, nous laisse quand même un peu sur notre faim. On en aurait voulu beaucoup, beaucoup plus. Et si la cinématographie d’Irina Lubtchansky met merveilleusement ces deux brillantes actrices en valeur, le montage de Laurence Briaud tend à s’essouffler entre tous ces personnages, surtout ceux du père de Carlotta et du producteur d’Ismaël.

Il reste que Les fantômes d’Ismaël demeure d’un intérêt certain, grâce à sa réflexion sur l’art et la création. Grâce à ses Muses. Charlotte (et Marion), forever!

Dans ce film qui a souvent l’air de partir dans tous les sens,
Arnaud Desplechin nous mène dans une cavalcade à
bride abattue sur les sentiers souvent périlleux de la création,
chevauchant les abîmes de la mémoire, de la souffrance et du temps.

[ Extraits d’entrevue avec Arnaud Desplechin : ici ]

Réalisation
Arnaud Desplechin

Sortie
vendredi 1er juin 2018

Version originale
français ; s.-t.a.
Ismaël’s Ghosts

Genre : Drame
Origine : France
Année : 2017
Durée : 2 h 15
Dist. : Cinéma du Parc
[Unobstructed View]

Horaires & info.
@ Cinéma du Parc

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Accès autorisé si accompagnés d’un adulte)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]

Metamorphosis

| PRIMEUR
Semaine 22
du 1er au 7 juin 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
Devant la caméra des documentaristes Velcrow Ripper et Nova Ami, des scientifiques, des intellectuels et des gens ordinaires évoquent divers aspects de l’impact des changements climatiques.

CRITIQUE
| Anne-Christine Loranger |

★★★★

POUR EN FINIR AVEC L’ENGOURDISSEMENT

Dans la veine de la trilogie des Quatsi de Godfrey Reggio (1982, 1988 et 2002) et, plus proche de nous, des films de Ron Fricke (Chronos, Baraka, Samsara), le film canadien Metamorphosis nous amène, par la voie de splendides et terribles images, sur la traces des changements climatiques. Comment les feux de forêts, cyclones, désertification, inondations affectent-ils les personnes et les communautés qui en sont les victimes ? Perdre l’eau qui alimentait la vallée où votre communauté habite depuis des générations pour approvisionner d’eau les piscines de Los Angeles, perdre l’un des gigantesques banyans qui servait de refuge à votre famille durant les cyclones, perdre sa ville, son île parce que l’eau monte… De Venise au Vanuatu, aucun peuple sur la Terre ne peut se considérer comme épargné par cette crise, potentiellement la plus grave de l’histoire humaine connue.

Le film offre, et c’est l’une de ses grâces, des solutions
innovatrices et audacieuses, en plus de poser la question
de « l’engourdissement psychique », c’est-à-dire de
l’empressement à détourner les yeux devant l’immensité de la crise.

Contrairement aux films de Reggio et Fricke, dont l’approche était essentiellement non-narrative et spirituelle1, l’œuvre de Nova Ami et de Velcrow Ripper aborde une réflexion sur les possibilités de transformations intrinsèques à la crise, utilisant pour cela l’image récurrente du papillon monarque. Serons-nous capables, telle la chenille qui pousse des ailes, de changements radicaux dans nos façons de consommer, de construire, de nous nourrir ? Le film offre, et c’est l’une de ses grâces, des solutions innovatrices et audacieuses, en plus de poser la question de « l’engourdissement psychique », c’est-à-dire de l’empressement à détourner les yeux devant l’immensité de la crise.

En 1992, année de la sortie de Baraka, Hubert Reeves publiait L’heure de s’enivrer, ouvrage dans lequel il posait la question du sens de l’Univers. La réponse de Reeves résidait dans l’ivresse vis-à-vis de la beauté du monde. Metamorphosis répond à cette question de façon un peu différente: la vie humaine trouvera son sens à travers sa survivance. Notre existence collective trouvera son but – et donnera sens à l’Univers, dans la mesure où l’être humain parviendra à s’intégrer harmonieusement au sein des écosystèmes terrestres et d’être capable de faire le deuil des pertes inévitables que nous subirons, en faisant l’éloge de ce que nous chérissons. S’enivrer de la beauté du monde, non plus par philosophie, mais pour notre propre survie.

Un film à voir et à faire voir.

1 Le mot berakha est une bénédiction dans le judaïsme, tandis que dans l’islam, le terme baraka, très proche, représente la force divine bénéfique qui traverse les sphères physiques et spirituelles. Et pour les fans de Bob Morane, la baraka, c’est la chance, tout court.

Réalisation
Nova Ami

Velcrow Ripper

Sortie
vendredi 1er juin 2018

Version originale
anglais ; s.-t.f.
Métamorphose

Genre : Drame politique
Origine : Canada
Année : 2018
Durée : 1 h 25
Dist. : Imtiaz Mastan

Horaires & info.
@ ONF
(Office national du film)

Classement
Tout public

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]

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