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Sunset

13 avril 2019

Semaine 15
Du 12 au 18 avril 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
En 1913, Írisz Leiter revient à Budapest, sa ville natale et joyau effervescent de l’empire austro-hongrois au même titre que Vienne. Elle veut travailler comme modiste dans un magasin de chapeaux. Orpheline depuis l’âge de 12 ans, Írisz pense qu’elle a perdu tous les membres de sa famille dans un grave incendie. À son arrivée, tous ignorent que c’est son père qui a lancé la prestigieuse enseigne. Son retour cause un malaise.

Primeur
COUP de CŒUR |
Anne-Christine Loranger

★★★★

UNE LENTE DÉAMBULATION VERS LE SUICIDE

L’Histoire est toujours plus intéressante lorsqu’elle est écrite du point de vue des perdants. C’est sans doute pour cela que le cinéaste hongrois László Nemes a choisi une frêle orpheline – archétype de la vulnérabilité dans tous les récits humains, comme personnage principal de Sunset. Perdante, Írisz Leiter (Juli Jakab) jeune fille sans fortune qui a perdu ses parents à l’âge de deux ans dans l’incendie de leur élégante chapellerie à Budapest, l’est à tous les points de vue. Quand elle débarque en quête de travail dans le bureau d’Oskar Brill (Vlad Ivanov), le nouveau propriétaire, Írisz apprend qu’elle a un frère aîné, dont on lui avait caché l’existence. Décidée à retrouver ce dernier membre de sa famille, Írisz pioche, demande, questionne, explore, recherche, exige. À travers elle, c’est un monde au bord de l’éclatement, un choc brutal de sociétés et d’idéologies qu’on découvre, de questions en découvertes, de révélations en horreurs.

En 1914, au sommet de sa civilisation, l’Europe se suicida. Pas à pas, dans un état d’aveuglement inimaginable, un ensemble de nations décida de s’entretuer. Le Budapest de 1913 qu’explore Írisz à la recherche de son frère, est un monde qui chemine obscurément vers l’abîme. Par-delà l’amour que cette société nourrit pour la technologie et son optimisme sans limite, un malaise profond se fait toutefois sentir – le sentiment rampant que quelque chose de menaçant, peut-être d’apocalyptique, va se produire. Cette société élégante et raffinée, marquée par ses codes vestimentaires autant que par ses silences, préserve une façade de tranquillité. Mais sous le vernis de la civilisation, beaucoup de forces incontrôlables sont sur le point de surprendre toute une population qui place sa foi dans le progrès, et la fera basculer dans une destruction d’une ampleur inédite.

Du grand cinéma, lent et beau, troublant et mystérieux. Alors que des deux côtés de l’Atlantique, la Grande-Bretagne et les États-Unis semblent présentement en train de se s’auto-détruire sous les coups de leurs déchirures internes, cette seconde œuvre de Laszlo Nemes paraît d’une troublante actualité.

Pour illustrer l’atmosphère Kafkaesque du Budapest de 1913, Nemes privilégie la même technique que dans Le fils de Saul, son précédent film (Grand Prix du Jury à Cannes et Oscar du meilleur film étranger en 2016), c’est-à-dire une caméra subjective qui suit un personnage en quête de sa famille. Les déambulations d’Írisz l’amènent des cruels bas-fonds de Budapest aux élégants salons où une aristocratie pervertie étale son pouvoir sous de somptueux couvre-chefs. L’ombre de l’impératrice Élizabeth plane sur la chapellerie Leiter, tout autant que celle, mystérieuse, du frère d’Írisz, que tous se refusent à évoquer. La jeune fille oscille entre les camps, entre bourgeois, aristocrates et révolutionnaires. Nemes, fort intelligemment, nous montre ses détours mentaux en utilisant ses vêtements, de plus en plus défraîchis et sales, comme métaphore. Ayant essayé d’adopter la tenue bourgeoise des chapelières d’Oskar Leiter, elle finira par choisir un autre costume, un autre camp.

Du grand cinéma, lent et beau, troublant et mystérieux. Alors que des deux côtés de l’Atlantique, la Grande-Bretagne et les États-Unis semblent présentement en train de se s’auto-détruire sous les coups de leurs déchirures internes, cette seconde œuvre de Laszlo Nemes paraît d’une troublante actualité.

FICHE TECHNIQUE

Sortie
Vendredi 12 avril 2019

Réal.
László Nemes

Origine(s)
Hongrie
France

Année : 2018 – Durée : 2 h 22

Genre(s)
Drame

Langue(s)
V.o. : hongrois / s.-t.a. & s.-t.f.

Sunset : La fin du jour
Napszállta

Dist. @
Métropole Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

Info. @
Cinéma du Parc
Cineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

The Best of Enemies

Semaine 15
Du 12 au 18 avril 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
La relation improbable entre Ann Atwater, une activiste des droits civils, et C.P. Ellis, un membre du Ku Klux Klan. Ces derniers défendront leur vision divergente de la déségrégation des écoles de Durhnam, en Caroline du Nord, lors d’un été de 1971 où la cause raciale prend de l’ampleur.

Primeur
EN BREF |
Élie Castiel

★★★

Plaies entreouvertes

Pas tout à fait réussi, mais humain et attachant, notamment dû aux très bonnes performances de Sam Rockwell et de Taraji P. Henson, dont l’évolution psychologique, dans les deux cas, se fait sentir de scène en scène, le film plaît bien. Également dû à une direction d’acteurs maîtrisée par Robin Bissell, comédien, qui signe avec The Best of Enemies son premier long métrage de fiction. Actualité américaine sous l’ère de Trump oblige, le thème du racisme est abordé selon les codes régis par ce genre, maintes fois abordé dans le cinéma de nos voisins du sud. Les tensions sont créées subtilement, sans sensationnalisme ni propos superficiels, évitant pour ainsi dire le côté misérabiliste. On sent en revanche le poids des inégalités sociales dans ce Durham (Caroline du Nord) des années 1970. Si le personnage incarné par Rockwell atteint trop rapidement un éclat soudain de rédemption, on y croit tant l’écriture du scénario demeure d’une rare intelligence. Avec le recul, on constate que malgré les grandes avancées dans le domaine des ségrégations raciales, les plaies sont encore loin d’être cicatrisées.

Les tensions sont créées subtilement, sans sensationnalisme ni propos superficiels, évitant pour ainsi dire le côté misérabiliste.

FICHE TECHNIQUE

Sortie
Vendredi 12 avril 2019

Réal.
Robin Bissell

Origine(s)
États-Unis

Année : 2019 – Durée : 2 h 13

Genre(s)
Chronique sociale

Langue(s)
V.o. : anglais
The Best of Enemies

Dist. @
Entract Films

Classement
Tous publics

Info. @
Cineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.   Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

Ville Neuve

12 avril 2019

Semaine 15
Du 12 au 18 avril 2019

RÉSUMÉ SUCCINCT
En 1995, à l’approche du deuxième référendum sur l’indépendance du Québec, Joseph s’exile à Ville Neuve, en Gaspésie, pour faire le point sur sa vie. Quelque temps plus tard, Emma, son ex-femme, accepte de le rejoindre pour discuter du temps passé et de leurs rêves oubliés.

Primeur
| EN BREF |
Élie Castiel

★★★★

Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage

Le scénario de Félix Dufour Laperrière a été sélectionné à Atelier Grand Nord Québec en 2013, suivi du long métrage des années plus tard. Ville Neuve et non pas Villeneuve, comme s’il était question de bâtir une ville à l’instar d’un pays. Métaphore politique qui s’inscrit dans une histoire intime, un récit familial. Le beau voyage, c’est celui d’Ulysse, le fils, et non pas celui de Joseph, le père, pris entre deux référendums avortés et un autre réalisé de justesse. Par le biais de l’animation et des dessins et peintures exécutés magistralement, le récit politique s’incruste dans le cinéma québécois comme par enchantement. Parole libre, richesse du débat politique qui ne recule devant rien pour assumer sa position exemplaire. Le discours poétique se mêle au dialogue quotidien pour former un tout d’une richesse d’observation manifeste. L’ancien et le nouveau, la résignation, l’abandon ou la renonciation, en conflit avec une volonté franche, fascinante de croire aux possibles, politique, social, collectif. Après le brillant Transatlantique, œuvre d’une formalité exigeante, Félix Dufour-Laperrière propose un essai qui résiste au temps et plus que tout, ne succombe pas aux effets néfastes de la léthargie. Robert Lalonde, Johanne Marie-Tremblay et Théodore Pellerin mettent en avant des voix qui s’accordent parfaitement aux circonstances. Esthétiquement, Ville Neuve reflète un cinéma québécois porteur de voies en animation en constante évolution, qui s’accroche coûte que coûte.

Après le brillant Transatlantique, œuvre d’une formalité exigeante, Félix Dufour-Laperrière propose un essai qui résiste au temps et plus que tout, ne succombe pas aux effets néfastes de la léthargie.

FICHE TECHNIQUE

Sortie
Vendredi 12 avril 2019

Réal.
Félix Dufour-Laperrière

Origine(s)
Québec [ Canada ]

Année : 2018 – Durée : 1 h 16

Genre(s)
Animation

Langue(s)
V.o. : français / s.-t.a.

Ville Neuve

Dist. @
FunFilm

Classement
Tous publics

Info. @
Cinéma Beaubien
Cinéma du Musée
Cinéma Moderne
Cinémathèque québécoise / Dès le lundi 15 avril 2019

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel.  ★★★★ Très Bon.  ★★★ Bon.
★★ Moyen.  Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

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