27 avril 2017
Si le danger est absent, il n’est guère nécessaire de se rendre au font pour témoigner de n’importe quel conflit ou situation dramatique de plus en plus fréquents dans le monde. C’est du moins la thèse que soulève Santiago Bertolino, qui a parfaitement suivi les pas de son père, Daniel Bertolino. Si l’on se fie à Freelancer on the Front Lines (Un journaliste au front), Santiago est dans son élément. Les zones de dangers semblent être devenues pour lui des territoires anodins, des outils de travail nécessaires pour mener à bien ses missions.
Ici, il accompagne le journaliste (d’enquête) à la pige Jesse Rosenfeld, personnage extraordinairement cinématographique qui a une relation admirable avec ses parents, qui comprennent absolument sa démarche idéologique. Il est Juif, c’est évident, mais le film ne l’indique jamais. Est-ce dû parce Rosenfeld doit être présent dans des endroits dangereux, peu enclins à accepter des Juifs quelles que soient leur orientation politique.
Toujours est-il que Freelancer on the Front Lines est un journal de campagne qui évoque ces essais filmiques remarquable d’Amos Gitaï, lui beaucoup plus agressif, d’Avi Mograbi, volontairement cynique et intentionnellement toxique, et de deux récents, Shimon Dotan et ses Colons, plus conciliateur, suivi de Danae Elon et son intransigeant P.S. Jerusalem. Mais en revanche, Rosenfeld est prêt à tout. Plus il apparaît dangereux de traverser un chemin rempli d’obstacles, plus son devoir de journaliste à la pige est valorisant.
Sous la caméra de Santiago, on apprend à le connaître, on devine que ses intentions sont nobles ; genre de héros à la défense des faibles et des opprimés par le biais du témoignage. Il filme tout, notamment ces visages magnifiquement photographiques parce que non maquillés, s’offrant à l’objectif de la caméra pour que le monde sache. Ces cadavres offrant quelques secondes insoutenables.
Les zone dangereuses des conflits le sont vraiment, mais elles sont dans la mise en scène de Santiago Bertolino des terrains d’une vie normale qu’il s’est faite. Lui aussi, un héros. Et qui a dit que le monde s’en fout de ce qui se passe autour d’eux. Ils ne sont pas nombreux, mais ces héros du quotidien, journalistes, chroniqueurs politiques et cinéastes documentaristes nous dépassent, car ce sont des hommes et des femmes qui ont décidé de raconter le monde tel qu’il est. C’est en Égypte, en Turquie, en Irak et bien entendu, dans les territoires occupés par Israël, dans tous ces terrains vagues minés, que Rosenfeld et l’équipe de Bertolino jettent leur objectif. Une façon comme une autre de faire part de leur courage à dire la vérité. Avec des films comme Freelancer on the Front Lines, le documentaire politique est désormais un genre essentiel pour raconter objectivement le monde. Nu, comme il se présente : tristement inhospitalier.
Genre : Documentaire – Origine : Canada – Année : 2016 – Durée : 1 h 39 – Réal. : Santiago Bertolino – Dist. : ONF.
Horaires
@ Cinémathèque québécoise
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
Genre : Documentaire – Origine : France – Année : 2016 – Durée : 1 h 29 – Réal. : Xavier de Lauzanne – Dist. : L’Atelier distributrice films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
Tout public
Genre : Comédie sentimentale – Origine : Chine / Hong Kong – Année : 2017 – Durée : 2 h Réal. : Pang Ho-cheung – Int. : Yue Shawn, Miriam Chin Wah Yeung, Jiang Mengie, Paul Chun –– Dist. : Eye Steel Inc.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
L’an dernier, nous avions fait la page couverture d’un de nos six numéros avec La danse de la réalité (La danza de la réalidad), première partie d’un trilogie biographique qui se terminera au cours des années 60, plus précisément, d’après les rumeurs, après mai 68. On a hâte.
L’univers fantaisiste de La danse de la réalité n’est pas si différent de cette Poésie sans fin, titre d’autant plus approprié qu’il situe le Jodorowsky, adulte en devenir, dans un univers où les vers sont une façon de vivre, de se parler, d’entreprendre des relations. Cotôyer la bohème, s’abandonner à un imaginaire qui nie la réalité triste et combative. Vivre selon ses instincts, mais aimer aussi la vie pour ce qu’elle peut nous permettre de réaliser du moment où nous avons le courage.
Mais le film de Jodorowsky est aussi bien une fiction accessible qu’un essai poétique sur la mise en scène : planifier le plan jusqu’à lui administrer des doses de surréalisme pur et dur ; situer les personnages dans des zones grises où la mort rôde de partout, mais s’éteint soudainement pour laisser la place à d’autres vies (ou moyens de vivre) qui ressuscitent. C’est baroque, extrême comme dans tous les films du cinéaste franco-chilien. Le surréalisme est proche ; Breton est dans les parages ; Neruda est dans l’air. Jodorowsky est en pleine formation et rien ne l’arrête.
On retrouve ses univers d’antan, sortes de clins d’oeil où la vie et la mort se juxtaposent radicalement sans que l’une ou l’autre ne sorte victorieuse. La mère chante toujours, le père est toujours aussi angoissé qu’homophobe aguerri et Alejandro pose les premières pierres de ce que sera sa vie. Dans le rôle du jeune Alejandro, Adan Jodorowsky, le fils cadet du réalisateur, est en parfaite symbiose avec son paternel, unis tous les deux dans un même projet qui semble conduire vers un ailleurs paradisiaque qui dépasse la simple existence. Cela s’appelle sans doute « l’art », quelle que soit sa manifestation. À 87 ans, à l’hiver de sa vie, Alejandro Jodorowski jongle encore avec son univers fantaisiste, celui qui a nourri son œuvre d’imagination, de bravoure, de risque et particulièrement, d’un liberté extraordinaire de pensée. Quand la décadence transcende la vie, quand elle a le courage de s’exprimer malgré tous les interdits du monde, cela s’appelle « vivre ». Même si dans ce processus, la nostalgie, la mélancolie, parfois même le regret nous guettent à chacun de nos pas. Comme de vrais fantômes qui suivent nos faits et gestes pour prétendre qu’ils nous laissent libres. Par ailleurs, ce pamphlet fantastico-intime peut nous sembler narcissiste au point d’être embarrassé ou même indifférent. Mais finalement, c’est délicieusement décadent.
Genre : Biographie fantaisiste – Origine : France / Chili / Japon / Grande-Bretagne – Année : 2016 – Durée : 2 h 08 – Réal. : Alejandro Jodorowsky – Int. : Adan Jodorowsky, Pamela Flores, Brontis Jodorowsky, Alejandro Jodorowsky, Jeremias Hersokovits, Leandro Taub – Dist. : FunFilm.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2025 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.