En couverture

Douter de son regard

1er avril 2011

>> Sylvain Lavallée

Le titre de mon article de la semaine dernière s’appliquerait beaucoup mieux à celui-ci : j’écrivais alors qu’Abbas Kiarostami nous invite dans Copie Conforme à un exercice d’assouplissement du regard, qu’il met en scène la rigidité avec laquelle nous regardons l’autre. Pour son dernier film, Vénus noire, Abdelattif Kechiche propose une réflexion similaire grâce à une expérience beaucoup plus radicale, enfermant tant et si bien sa protagoniste principale dans le regard des autres qu’elle n’en devient plus qu’un objet, littéralement. Entreprise de réification, le film se pose donc comme une réflexion sur le regard du spectateur et son corolaire, la représentation et le spectacle. Le racisme n’est que le sujet apparent du film, d’ailleurs s’il en était autrement on ne pourrait pas être aussi happé par cette œuvre, de laquelle on ressort lessivé, accablé, abattu, broyé, etc. Si Kechiche s’était contenté de dénoncer le racisme, on pourrait regarder le film de loin, se dire que tout ça c’est du passé, qu’aujourd’hui une telle horreur n’est plus possible, et on repartirait avec la bonne conscience qu’on en a fait du chemin, moralement, depuis ce dix-neuvième siècle débauché et primitif. Mais ce n’est pas possible, Kechiche ne permet pas cette distance, et qu’il s’agisse d’une reconstitution, aussi impeccable soit-elle, est somme toute secondaire. Le racisme, c’est une forme extrême de regard tyrannique, c’est cette image fixe et immuable dans laquelle toute une race est contenue, réduite, où l’autre est donc tenu, contre son gré, en constante représentation. En faisant de ce regard lui-même le sujet de son film, Kechiche évite donc de tomber dans une plate (et évidente) dénonciation du racisme.

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Boris Lehman — Films récents à la Cinémathèque

25 mars 2011

MISSIVE SUR DES AMIS

>> Luc Chaput

Depuis près de cinquante ans, le cinéaste belge Boris Lehman  a filmé plus de 300 films, des courts, des moyens et des longs métrages qui sont le plus souvent des odes à l’amitié. D’ailleurs son film le plus long (380 minutes) s’appelle Babel 1, Lettre à mes amis restés en Belgique. Suite

Elizabeth Taylor

ÉTOILE FILANTE

>> Élie Castiel

Avec la disparition de Liz Taylor nous assistons à la fin d’un époque, celle des grands studios, véritables fabricants de stars. C’est aussi l’aboutissement d’un certain cinéma, à la fois élégant, raffiné, humaniste, celui de ceux et celles qui se donnaient corps et âme pour incarner leurs rôles et les figer dans le temps.

Rappeler sa carrière et ses pérégrinations amoureuses dans le détail serait un exercice répétitif et redondant. Car derrière la star, au-delà de ses nombreuses partitions à l’écran, une femme de cœur, ces dernières décennies alliée à des causes qui lui tenaient à cœur, comme la création de la Fondation américaine pour la recherche du sida (AmFAR), suite au décès de son grand ami Rock Hudson, son amitié avec Michael Jackson, qu’elle avait défendu lorsqu’il fut accusé (et acquitté) d’abus d’enfants.

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Antitube – Cinéastes rebelles

À L’ÉPOQUE DE LA GRANDE NOIRCEUR, 1937-1961

>> Élie Castiel

Ils ont pour noms Omer Parent, Gilles Groulx, Guy Borremans, Claude Jutra, Norman McLaren, Michel Brault … et partagent un dénominateur commun : la rebelllion exprimée à travers les images en mouvement expérimentales au cours des années 1937-1961.

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Printemps à la Cinémathèque québécoise

>> Élie Castiel

C’est un printemps de rêve que nous proposent les programmateurs de la Cinémathèque québécoise : chansons françaises, voyage en Italie, regard sur Edward Yang et, entre autres, découverte d’Eduardo Coutinho, peu connu du grand public cinéphile.

Du 14 avril au 13 mai, Rome est à l’honneur à travers la lucarne de 21 réalisateurs. Du 8 au 15 mai, retour de l’évènement Annecy Cinéma italien, toujours sous l’œil vigilant de Jean A. Gili.

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Semaine du 25 au 31 mars 2011

LE FILM DE LA SEMAINE …

HORS-LA-LOI (Outside the Law)

DRAME HISTORIQUE | France / Algérie / Belgique  2010, 138 minutes – Réal. : Rachid Bouchareb – Int. : Jamel Debbouze, Roschy Zem, Sami Bouajila, Assaad Bouab, Sabrina Seyvecou– Dist. : Cinéma du Parc / VSC  | Horaires / Versions : Cinéma du Parc

Résumé L’histoire de trois frères chassés de leur terre algérienne et qui se retrouvent à Paris, au même moment où l’Algérie se bat pour son indépendance.

En quelques mots :  Est-ce un pur hasard de la distribution ou s’agit-il d’une décision arrangée avec le gars de vues ? Toujours est-il que ce film sort ici à un moment, alors que ce que l’on peut se permettre d’appeler le Printemps arabe poursuit implacablement et coûte que coûte les voies d’un destin démocratique qui paraît de plus en plus utopique car ambigu, cherchant à s’installer dans la vie sociale sans savoir où vraiment se diriger. Mais ici, il est question du passé et il s’agit d’un film essentiel pour comprendre la dynamique historique de l’arabisme. Bouchareb semble l’avoir compris. Il n’évite par contre pas le côté romanesque de l’intrigue, préférant s’adresser à un public plus large. Et tant mieux car le résultat est d’autant plus convaincant que nous sommes en présence d’un trio de comédiens remarquables (Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Sami Bouajila) incarnant des personnages qui, par leurs actions, témoignent des diverses manifestations paradoxales de l’entité arabe (et maghrébine). La mise en scène, classique mais efficace, nous conduit dans une trajectoire épique où action, psychologie, humour et cours d’histoire s’incorporent au récit avec intelligence et sobriété. Avec Hors-la-loi, le cinéaste éclaire avec humanisme et dignité l’âme des opprimés. Et nous sortons de la projection fraternellement revigorés. >> Élie Castiel

AUTRES SORTIES EN SALLE … Suite

Semaine du 18 au 24 mars 2011

18 mars 2011

LE FILM DE LA SEMAINE …

COPIE CONFORME (Certified Copy)

DRAME PSYCHOLOGIQUE | France / Italie / Belgique 2009, 102 minutes – Réal. : Abbas Kiarostami – Int. : Juliette Binoche, William Schimmel, Jean-Claude Carrière, Adrian Moore – Dist. : Métropole | Horaires / Versions : AMC Cineplex Divertissement

Résumé : James Miller, écrivain anglo-saxon dans la cinquantaine se déplace en Italie pour donner une conférence sur les relations entre les copies et les originaux dans l’art. Présente dans la salle, une femme d’origine française l’écoute attentivement. Qui est-elle?

En quelques mots : Vérité ou mensonge? Copie conforme ou autre? Vrai visage ou masque? Par le biais du drame intimiste, Abbbas Kiarostami aborde ces thèmes dans un de ses films les plus intimes, arborant un dispositif scénique d’une rare simplicité dans le propos, mais complexe dans son approche psychologique. Entre la possible authenticité de la vie et la parfois fréquente imitation dans tout art de création, le cinéaste fait planer des doutes sur l’existence : sommes-nous après tout des copies (mauvaises ou pas) de nous-mêmes? Film-miroir, introspectif, Copie conforme privilégie les malentendu, la discorde, les fausses réconciliations. On pourrait même le taxer de film anti-romantique, car derrière les intentions  des personnages demeure une constante irréversible qui est celle de la vraie vie et qui, parfois, nous empêche de porter les masques nécessaires pour survivre. Film atypique dans la carrière de Kiarostami, Copie conforme renvoie au Roberto Rossellini du Voyage en Italie (la dérive autour de Naples d’un couple de touristes, étrangers l’un à l’autre). Mais ici, ce voyage est aussi celui du cinéaste : il tourne pour la première fois hors de son pays, dans une langue qui n’est pas la sienne, et avec une comédienne-vedette (Binoche) et un chanteur d’opéra (Shimmel). Voyage aussi dans la forme du film et la direction d’acteurs : des cadrages indécis, un rythme irrégulier et des variations dans le jeu des acteurs font de ce drame intime un film d’un rare raffinement. >> Élie Castiel

AUTRES SORTIES EN SALLE … Suite

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