En couverture

Hosanna

19 mars 2015

Critique SCÈNE
| Élie Castiel |

★★★★

Oser la différence

Le fait de présenter en anglais, plus de quarante ans après sa première, la pièce culte de Michel Tremblay est en soi un acte politique. En 2015, si d’une part les « deux solitudes » semblent encore confinées chacune dans son coin, force est de souligner que le milieu théâtral réagit agressivement (et c’est tant mieux) à cette apathie qui ne fait qu’empirer la situation.

 Avec Hosanna en anglais, les portes culturelles s’ouvrent. La quête identitaire et affective de la célèbre drag queen se conjugue au nom du territoire national. Le récit conflictuel et en fin de compte, amoureux, entre Hosanna et Cuirette n’est que le reflet d’une reconnaissance d’une double indentité territoriale.

Tremblay l’avait bien compris lors de son écriture il y a quatre décennies. Aujourd’hui, dans la salle comble du théâtre indépendant anglophone Mainline, les spectateurs réunis le soir de la première médiatique se sont laissés bercés par ce dialogue savoureux, intense, drôle et grave à la fois, ainsi que par un touchant monologue bien senti.

Le Hosanna 2015 est un personnage bilingue, accomodant, se servant de sa sexualité comme d’une arme à double tranchant. D’une part, clamant tout haut son orientation directement à la face du monde, mais dans le même temps, et peut-être bien inconsciemment, tenant un discours sociopolitique emporté.

Quatre décennies et plus après la première dans
sa langue originale française, Hosanna reprend ses droits
fondamentaux pour tenir un discours fort émouvant
sur l’altérité, grâce aussi à la mise en scène de Mike Payette,
dont l’originalité rend un vibrant hommage à l’originale.
Question de savoir oser la différence.

La mise en scène de Mike Payette s’incruste littéralement parmi les spectateurs, comme si ceux-ci étaient les observateurs impassibles d’un récit intime qui, en quelque sorte, les concerne tous. Car Hosanna n’a rien perdu ni de son charisme, ni de sa profondeur. La pièce aborde avec une plume acérée des thèmes percutants indémodables : liberté, jalousie, envie, peur de paraître, identité, mais aussi rédemption, résilience, amour, fidélité, angoisse de la solitude.

Ces contrastes et paradoxes humains, Eloi ArchamBaudoin et Davide Chiazzese les font ressentir à chaque réplique, à chaque moment de la pièce. Le premier, travesti unique qui captive comme les grandes divas. Nul moment on le verra comme un être indigne. Au contraire, Hosanna convoque le respect. Et puis, un nouveau venu dans la scène montréalaise, Davide Chiazzese, d’une force d’émotion incomparable.

Force est de souligner la scène de réconciliation où les gestes des deux personnages, qui n’ont plus rien à dire, mais tout à recommencer, sont chargés d’une émotion palpable, sentie, atteignant, que nous le voulions ou pas, nos cordes les plus sensibles.

Quatre décennies et plus après sa première dans sa langue originale française, Hosanna reprend ses droits fondamentaux pour tenir un discours fort émouvant sur l’altérité, grâce aussi à la mise en scène de Mike Payette, dont l’originalité rend un vibrant hommage à l’originale. Question de savoir oser la différence.

Hosanna (PHOTO : © Jaclyn Turner)

Hosanna (Crédit photo : © Jaclyn Turner)

revueséquences.org

Auteur : Michel Tremblay – traduction : John Van Burek, Bill Glassco – mise en scène : Mike Payette – scénographie : Lara Kaluza – éclairages  :Audrey-Anne Bouchard – musique : Bob Denton – costumes : Noémie Poulin – comédiens : Eloi ArchamBaudoin (Hosanna), Davide Chirazzese (Cuirette) – production : Tableau d’Hôte Theatre.

Durée
1 h 40 (sans entracte)

Représentations
Jusqu’au 29 mars 2015 –
Mainline Theatre

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). (Mauvais). ½ (Entre-deux-cotes)

 

2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.