En salle

Enemy

14 mars 2014

En quelques mots

Texte : François D. Prud’homme
Cote : ★★★ ½

Adapté du roman The Double de l’auteur portugais José Saramago, Enemy raconte l’histoire de Adam (Jake Gyllenhaal), un professeur d’histoire à l’université, qui aperçoit son double chez un personnage de second rôle dans un film emprunté au club vidéo du coin. Inexorablement envouté par le désir de rencontrer cet homme qui est sa copie conforme, Adam sombre dans un délire psychosexuel qui rend toujours plus poreuses les frontières entre la réalité et les fabrications pulsionnelles de son inconscient.

On a enfin l’impression que Denis Villeneuve réalise un film qui lui appartient vraiment, et dans lequel il peut faire jouer ses nombreux talents sans devoir répondre à une production trop envahissante. La fantasmagorie qu’il crée par la couleur et certaines ambiances sonores, dont l’utilisation des percussions au son très grave comme les timbales, rappelle à plusieurs égards Next Floor (2008), son plus récent court métrage. Enemy propose une histoire de regards régressifs et d’introspection, qui partage plusieurs éléments diégétiques avec le thriller d’espionnage, et qui entremêle l’onirisme et le réalisme de manière à créer une ambivalence identitaire aussi puissante que celle qu’avait créée Alejandro Amenábar dans son film Abre los Ojos (1997). À ce sujet, l’utilisation de la technologie Mo-Sys pour les scènes de coprésence entre Adam et Anthony (son double) rend plus que palpable l’angoisse provoquée par cette rencontre entre un homme et une autre version de lui-même, et permet d’apprécier à juste titre l’absurdité surréaliste d’un univers dans lequel les différents mondes s’interpénètrent comme dans un diagramme de Venn.

La dualité, l’identité, la fidélité et l’inconscient humain sont les principaux thèmes qui sont discutés dans le film de Villeneuve, et la double interprétation que la duplicité narrative implique est tellement bien rendue par la cinématographie de Nicolas Bolduc (Louis Cyr, Avant que mon cœur bascule, Next Floor), que l’on s’y perd sans jamais pouvoir s’accrocher à notre propre raison. En bout de course, Villeneuve propose une fin ouverte, qui jette une nouvelle lumière sur son film et la symbolique arachnéenne qui se retrouve en filigrane tout au long de son déploiement narratif. À ce jour, Enemy est le meilleur film de Denis Villeneuve. 

Sortie : Vendredi 14 mars 2014
V.o. : Anglais
V.f. – Ennemi

SUSPENSE | Origine : Canada [Québec] / Espagne – Année : 2013 – Durée : 1 h 30 – Réal. : Denis Villeneuve – Int. : Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Isabella Rossellini, Sarah Gadon – Dist. / Contact : Séville | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc Cineplex – Excentris

Mise aux points

★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. Moyen. Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi ½— LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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