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Séquences à la Berlinale 2021 – Jour 1

2 mars 2021

Memory Box (Joana Hadjithomas et Khalil Joreige) – Compétition

Memory Box commence au cœur d’une tempête de neige sur Montréal à la veille de Noël. Cloîtrés par la tourmente, un groupe de jeune échangent et s’interpellent par l’intermédiaire de vidéos. Parmi eux, Alex, une jeune fille québécoise d’origine libanaise, qui s’apprête à célébrer Noël avec sa mère Maia et sa grand-mère libanaise, Téta. La grand-mère débarque avec ses offrandes de kebbeh et de feuilles de vignes farcies pour le réveillon pendant que la mère absente s’envoie en l’air avec son amant. Le réveillon n’est jamais amusant dans la famille puisqu’on y sort les photos des disparus, celles du frère et du père de Maia, tués au Liban durant la guerre. « À Noël, on soupe avec les morts », confie Alex à ses amis.  Débarque alors de la poste un énorme et lourd carton venue du Liban, que la grand-mère cherche à refuser. Alex accepte finalement la boîte que la grand-mère l’oblige à cacher pour ne pas « troubler ta mère et gâcher la fête ». La boîte vient de Liza Habber, une ancienne amie de Maia. Les trois femmes se retrouvent enfin pour le réveillon dans la maison au milieu de la tempête. Le symbole y est important parce que la boîte de souvenirs arrivées du Liban ouvrira à Alex le monde secret de la jeunesse de sa mère, adolescente vive et passionnée dans le Beirut déchiré des années 80. Maia cherche à trouver sa place avec ses amis dans ce pays où les factions pacifistes, représentées par le père de Maia, directeur d’école, affrontent les factions militantes dont fait partie Raja, celui qui sera son grand amour et qu’elle perdra.

Memory Box est basé sur les envois mensuels que la réalisatrice Joana Hadjithomas a entretenu entre 1982 et 1988 avec une amie déménagée en France, alors qu’elles avaient entre 13 et 18 ans. Photos, cassettes, journal de cœur et de vie constituent une entrée privilégiée dans le monde fractionné et pourtant joyeux de Maia et de sa bande, qui trouvent leur liberté dans les discothèques, la danse et l’échange. Aidé par la script Gaëlle Macé, la réalisatrice et son mari Khalil Joreige ont créé un scénario qui met à profit les archives et photos en le façonnant autour des questions d’une jeune fille coupée de ses racines et issue d’immigrants traumatisés qui cherche avant tout à oublier. Les photos originales du groupe d’ado s’animent sous nos yeux, ouvrant des perspectives moins autobiographiques et plus riches en termes de visuel, aidé en cela par un impeccable montage qui tire le maximum du matériel d’archive, tout en faisant le lien avec nos smartphones actuels et leur utilisation entre jeunes.

Une belle surprise de sable, de neige et d’intimité, ciselée par un visuel inventif et de bons interprètes, surtout la jeune Maia, interprétée par Manal Issa. ANNE-CHRISTINE LORANGER

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