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Mon héros Oussama

3 avril 2019

CRITIQUE
| théâtre |
Élie Castiel

★★★

PERSONNAGES EN QUÊTE D’AUTEUR

De deux choses l’une, ou on adhère à cette proposition qui n’en est pas une, ou au contraire, on tente de s’immiscer dans la tête de ces cinq personnages en quête d’auteur. Ce qui ne les empêche pas de parler, trop parler, de se disputer pour tout et pour rien, de passer du coq à l’âne comme si de rien n’était, de ne pas hésiter à embrouiller les pistes. Bien entendu, le verbe est présent, trop présent, ne cessant d’envahir l’espace exigu de la salle intime du Prospero, un des hauts lieux de toutes les expérimentations théâtrales.

Oussama, inutile de vous rappeler ce nom. Danger, refuge du mal, précurseur d’un après 11 septembre insoutenable qui a changé la donne politique à jamais et créé une nouvelle phobie, l’islamophobie.

… le verbe est présent, trop présent, ne cessant d’envahir l’espace exigu de la salle intime du Prospero, un des hauts lieux de toutes les expérimentations théâtrales.

Pour Dennis Kelly, l’auteur de Osama the Hero, traduit ici textuellement par Jean-François Rochon, Mon héros Oussama, un cratère d’explosion, une idée sortie d’une féconde imagination qui ne demande qu’à s’exprimer. D’où des paroles tenant de l’absurde, du néant des situations, de perversités morbides entre la nourriture (ou sa préparation) et la torture, entre le désir de la chair et son refus, entre l’Homme et la Femme. Entre la politique et le quotidien.

Nous sommes tous des assassins et tous aussi en danger, semble dire calmement Kelly, ne reculant devant rien pour, justement, enfreindre les codes de la dramaturgie en soulignant à gros traits les enjeux de la provocation. On ne cesse de crier et les comédiens semblent improviser. Ils n’ont guère le choix devant un texte aussi hétéroclite, anti-écriture, anarchique, rebelle.

Crédit photo : © Cannelle Wiechert

À la première rangée de la salle, le spectateur est à quelques mètres et à la même hauteur que les comédiens, les agitateurs, comme s’il était question d’assister à une audition. Ils et elles regardent tel ou tel spectateur comme pour les intégrer à ce récit qu’eux et elles-mêmes n’arrivent pas à saisir complètement. Et puis, par miracle, quelque chose de clair surgit dans cet espace en forme de huis clos réquisitoire, mais ne dure que quelques secondes pour sombrer de nouveau dans la pénombre.

Il y a Mark (formidable Éric Cabana), Louise et Manu (Anne-Justine Guestier et Elisabeth Smith, toutes deux convaincantes) et Francis (Gabriel Simard, énergique). Sans oublier le nouveau génie des planches du Québec, Gabriel Szabo (Gary), entre la grâce de la parole et le naturel pudique. Étrange. Jouissivement hybride.

Auteur : Dennis Kelly – Traduction : Jean-François Rochon, à partir de Osama the Hero Mise en scène : Reynald Robinson – Assistance à la mise en scène : Charlie Cohen – Régie : Emmanuelle Brousseau – Éclairages / Son : Hubert Leduc-Villeneuve Scénographie : Reynald Robinson, Noémie Paquette – Costumes  : Noémie Paquette – Comédiens  : Éric Cabana, Anne-Justine Guestier, Gabriel Simard, Elisabeth Smith, Gabriel Szabo – Prod. : Collectif Les Fauves / Théâtre Prospero.

Durée
1 h 15

(Sans entracte)

Représentations
Jusqu’au 20 avril 2019

Théâtre Prospero
(Salle intime)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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