En couverture

The Great Tamer

25 janvier 2019

Critique
DANSE

| Élie Castiel |

★★★★

 L’APOTHÉOSE UTOPIQUE DES MYTHES FONDATEURS

LA GRÈCE SE VEND AUX AUTRES, la population est divisée en ce qui a trait à la Macédoine. Les dérives économiques et, par ce qui en découle, sociales et existentielles, continuent de sévir dans le pays, alimentant certains pays d’Europe et beaucoup moins, l’Amérique.

Dimitris Papaioannou

Source de la démocratie, maintes fois malmenée depuis par l’Occident, pour ne pas dire par le reste du monde, ce pays antique fascine pourtant, mais maladroitement, s’en tenant souvent au folklore. Et pourtant la Grèce respire, elle vit, elle s’excite, elle crée, elle réhabilite les anciens mythes puisque nous tenons compte, aujourd’hui, que cet âge où les Dieux sont à l’image de l’Homme permettent, en quelque sorte, un certain dialogue où l’utopique a des chances de se réaliser.

C’est ce qu’a très bien compris Dimitris Papaioannou, disciple incontesté du grand et célèbre Yannis Tsarouchis, artiste, homophile, libertaire, humaniste, saisi par une idée de la sexualité qui épouse, bien sûr sexe, mais également engagement et poésie. Cette proximité prend alors une forme, de nos jours, utopique, voire même dans certains cas, dystopique, selon les mentalités contemporaines.

Oui, The Great Tamer ou, en français, traduit littéralement par Le grand dompteur. Une œuvre audacieuse, érotique, rigide, intransigeante, intentionnellement redondante pour souligner que les rapports charnels ou intellectuels sont aussi une question de temps et de gestes et qu’ils se répètent. Un décor à la « tragédie grecque » transformé en pièces de cartons jetables comme métaphore du lieu, terre où l’on vit, où l’on enterre. Et sorti d’un ou de plusieurs de ces lieux, de l’eau, autre élément de la nature. Le tout selon l’approche du dompteur, le metteur en scène, venu remettre les pendules à l’heure.

Quand le premier homme sur scène se déshabille entièrement, la Grèce antique et ses statues se dévoilent. Ce n’est pas la beauté idéale qui est sujet de notre regard, mais celle que nous avons tendance à idéaliser car si proche de nous. Plus tard, c’est la femme qui va montrer ses formes, intacte, nue comme issue directement de la Terre. Jamais le mot « genèse » n’aura atteint une telle signification.

Car libérée de toute orthodoxie confessionnelle, laïque, ne jurant que par les non-dits et les gestes du commun des mortels. Souvent, comme dans un rituel païen, les personnages qui, ressemblent à des fantômes, sortent du fond de la scène comme s’ils venait de l’au-delà, pour hanter le terrestre ou le rendre plus habitable. Et parmi ses images picturales, un hommage à Rembrandt et à sa célèbre toile La leçon d’anatomie du docteur Tulp, comme pour souligner que la Grèce fait partie, malgré les 400 ans d’occupation ottomane, de l’Europe. Clin d’œil aussi cinglant que rempli de promesses.

Et parmi ses images picturales, un hommage à
Rembrandt et à sa célèbre toile La leçon d’anatomie du
docteur Tulp
, comme pour souligner que la Grèce fait partie,

malgré les 400 ans d’occupation ottomane, de l’Europe.
Clin d’œil aussi cinglant que rempli de promesses.

Mais plus que tout, lorsque Papaioannou rend un hommage à Tsarouchis, pour le peu de gens qui le connaissent, l’émotion est palpable. Assis pas loin de la scène, notre proximité avec les artistes et les exécutants nous rend vulnérables, mais dans le même temps nous transmet des désirs enfouis, des références de diverses disciplines artistiques et en fin de compte, rendant notre expérience théâtrale et chorégraphique aussi somptueusement hallucinante que bercée par un sentiment de bonheur, aussi éphémère soit-il.

Oui, la Grèce invente et il est temps qu’on se  penche sérieusement sur cette contrée du monde qui ne nous interpelle, jusqu’ici, que sur son passé antique. Le présent existe. Dimitri mou, Efharisto para poli.

Crédits photos
© Julian Mommert

ÉQUIPE DE CRÉATION

Conception / Visuel / Mise en scène
Dimitris Papaioannou

Assistance à la mise en scène
Pavlina Andriopoulou

Interprètes
Pavlina Andriopoulou, Costas Chrysafidis
Dimitris Kitsos, Ioannis Michos
Evangelia Randou, Kalliopi Simou
Drossos Skotis, Christos Strinopoulos
Yorgos Tsiantoulas, Alex Vangelis

Scénographie
Tina Tsokas

Son
Kostas Michopoulos

Musique
Johann Strauss II
(Schönen Blauen Donau, Op. 314)

Arrangements musicaux
Stephanos Droussiotis

Sculpture
Nectarios Dionysatos

Production
Onassis Cultural Center (Athènes)

Diffusion
Usine C

Représentations
Jusqu’au 27 janvier 2019
@ Usine C

Durée
1 h 40
(Sans entracte)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]

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