En couverture

Grupo Corpo

24 janvier 2019

 CRITIQUE /
DANSE

| Élie Castiel |

★★★★

QUAND LE SENSUEL ÉPOUSE
L’ÉTHÉRÉ DE L’ESPRIT

LES TUYAUX CENTRAUX DORÉS ET IMPOSANTS sur fond de scène évoquent les orgues majestueux qu’on retrouve dans certaines églises ou maisons symphoniques et, dans le cas de la chorégraphie Bach, confirment admirablement bien la démarche du chorégraphe brésilien, à l’aise dans la soixantaine – on pourrait même dire que la soixantaine est « la nouvelle trentaine » – Danser, posséder l’espace scénique, refus du message, car la danse c’est avant tout l’art du mouvement. N’essayons pas de discerner une idée sur la vie, sur la politique, le social ou sur autres velléités de notre existence pour trouver des solutions.

Bach est une variation sur les musiques du grand compositeur allemand. La chorégraphie de Pederneiras répète souvent les mêmes gestes, comme c’est le cas dans les mesures de Bach. Ces va-et-vient incessants ne cessent de tourmenter l’espace scénique. Et lorsque des danseurs s’accrochent à l’un ou l’autre de ces tuyaux, le profane se juxtapose harmonieusement au religieux, comme une transgression de la chair face à l’esprit. Mais le cadre est parfait, la composition et la structure de l’ensemble d’une esthétique à la fois réconfortante et intransigeante.

L’œil du spectateur est ainsi magnifiquement manipulé pour que son analyse du spectacle se dresse contre tout préjugé. Avec Bach, tout de même pièce acquise il y a environ vingt ans, on retrouve cet engouement pour l’interdit, bien assumé, montrant le défi chorégraphique comme s’il s’agissait d’un débat d’idées en mouvement, sur la danse, et par défaut, sur la culture. Toujours aussi envoûtant.

Un spectacle d’ensemble enivrant et pieux,
subtilemen appliqué et n’hésitons pas à le dire, sexy.

Avec Gira, qui date de deux ans, donc encore à ses premiers balbutiements, Pederneiras semble avoir rajeuni. Étape importante qui le mène aux sources culturelles de son pays. Ici, nous sommes les témoins des nuits frénétique du Brésil, ses nuits endiablées, ses nuits vodou, ses nuits interdites qui oscille entre la volupté et le mystique, entre le désir sexuel et l’offrande aux Dieux.

C’est dans cette chorégraphie que l’âme brésilienne montre toute sa particularité et ses diverses origines ethniques ; l’Afrique et l’Occident s’assemblent pour célébrer la vie par le biais de la musique, du chant et, bien entendu, de la danse. Célébration ultime de l’âme humaine en correspondance avec ce qu’elle ne peut atteindre dans les Cieux.

Après la rencontre avec les spectateurs, le chorégraphe confirme ma pensée, à savoir que Gira ressemble aussi à ces spectacles de cabaret haut-de-gamme des années 1960, comme le Lido de Paris (il y a lui-même collaboré), tant par les mouvements, les divers rythmes musicaux, les instruments utilisés et cette tendance du spectacle grandiose que, pour les besoins de cette production, le Grupo Corpo donne une touche décorative plus nuancée pour s’ajuster aux temps présents.

Un spectacle d’ensemble enivrant et pieux, subtilement appliqué et n’hésitons pas à le dire, sexy.

Photo du haut : Bach / Photo du bas : Gira

Crédit photos : © José Luiz Pederneiras

ÉQUIPE DE CRÉATION

Chorégraphie
Rodrigo Pederneiras

Scénographie
Fernando Velloso, Paulo Pederneiras (Bach)

Paulo Pederneiras (Gira)

Musique
Marco Antônio Guimarães,
inspiré par la musique de Bach (Bach)
Metá Metá (Gira)

Costumes
Freusa Zechmeister

Éclairages
Paulo Pederneiras (Bach)

Paulo Pederneiras, Gabriel Pederneiras (Gira)

Production
Grupo Corpo

Diffusion
Danse Danse

Représentations
Jusqu’au 26 janvier 2019 / 20 h
Place des Arts
(Théâtre Maisonneuve)

Durée
1 h 45

(Incl. 1 entracte)

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]

2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.