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Candide ou l’Optimisme

16 septembre 2018

CRITIQUE
| SCÈNE |

Élie Castiel

★★★★

ET SI C’ÉTAIT PLUTÔT… VOLTAIRE ?

Voltaire, l’homme, le philosophe, l’écrivain. Misogyne ? Homophobe ? Antisémite ? Islamophobe ? Toutes ces néfastes qualités à la fois ? Et son Candide, transportant avec lui, encore mieux, en lui, ces attributs douteux. Pourtant, le timide et naïf jeune homme traverse les contrées poursuivant un rêve de bonheur obstrué par les Hommes (et les Femmes sur leur passage) qui font de ce monde ci-bas un espace de convoitise, de haine, d’amour, certes, mais qui le rendent difficilement habitable. Et pourtant, nous sommes toujours là.

Crédit photo : © Yves Renaud

Pour la création de Pierre-Yves Lemieux, il s’agit surtout de la gestation du conte philosophique Candide ou l’optimisme, non pas comme travail solitaire, mais en collaboration avec les principaux personnages de l’œuvre. Inspiration que Lemieux manipule allègrement à sa guise. En fait, Candide ou l’Optimisme est un pur travail de mise en scène, un autoportrait quasi incestueux sur l’art de la dramaturgie, sur les doutes, les hésitations, les propos personnels et autres ingrédients propres au théâtre.

La mise en scène, ici rabelaisienne, d’Alice Ronfard
rejoint pour la énième fois les grands du théâtre
québécois, jamais aussi imaginatifs qu’aujourd’hui.

Et que dire de ces anti-ismes voltairiens ? Ils sont là, mais en filigrane, à peine prononcés, comme s’il fallait absoudre notre célèbre Voltaire de tous ses péchés. Homme, simple homme qui rejoint le commun des mortels. Misogyne ? En permettant à la brillante Alice Ronfard de présenter la femme comme une simple chercheuse de plaisir. Parfois seulement, car elle sait de temps à autres dominer intellectuellement la conversation, comme l’inimitable Valérie Blais qui domine la scène avec brio dans quatre rôles inoubliables où la verve, la poésie, le sérieux et la brillance de la langue française se manifestent sans cesse.

Crédit photo : © Yves Renaud

Égocentrique, notre Voltaire ? Oui, certainement. Et Emmanuel Schwartz le sait très bien lorsqu’il s’infiltre brillamment dans sa peau, le secouant, le dépoussiérant pour le rendre actuel, trop temps présents. En fait, l’adaptation de Pierre-Yves Lemieux ne devrait-elle pas s’intituler plutôt Voltaire ? Bonne question constamment posée dans Candide. L’auteur original et son personnage s’imbriquent l’un dans l’autre, se permettant parfois des mises en abymes théâtrales qui suggèrent plus que de montrer, laissant le soin aux spectateurs de résoudre une énigme d’autant plus savoureuse que prise dans ce siècle philosophique des Lumières.

Avouons franchement que Candide, malgré ses effets comiques d’usage, est une tragédie, la répétition d’une œuvre classique entre le conte et le théâtre. Quelque chose qui a à voir avec l’art de la création, comme Voltaire, libre, discursif, habité par cet esprit de tolérance pour le moins douteux car ses brillants et multiples défauts, il en a apparemment cru, mais des ismes eux aussi porteurs de préjugés.

La mise en scène, ici rabelaisienne, d’Alice Ronfard rejoint pour la énième fois les grands du théâtre québécois, jamais aussi imaginatifs qu’aujourd’hui. Et un groupe de comédiens envahis par la scène dans des rôles différents, sauf Voltaire, bien entendu, incarné par un Schwartz puissant, humain, intempestif, ange et démon à la fois.


Texte
Pierre-Yves Lemieux
D’après le roman de Voltaire
Candide ou l’optimisme

Mise en scène
Alice Ronfard

Assistance à la mise en scène / Régie
Claude Lemelin

Décors
Danièle Lévesque

Costumes
Marie-Chantale Vaillancourt

Éclairages
Cédric Delorme-Bouchard

Musique originale
Thomas Furey

Conception vidéo
Éric Gagnon

Accessoires
Julie Measroch

Maquillages
Angelo Barsetti

Perruques
Géraldine Courchesne, Claude Lemelin

Distribution
Valérie Blais, Patrice Coquereau
 Larissa Corriveau, Benoît Drouin-Germain
Emmanuel Schwartz

Durée
1 h 50
(Sans entracte)

Représentations
Jusqu’au 6 octobre 2018

TNM

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [Entre-deux-cotes]

 

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