En salle

Rodin

21 juin 2018

| PRIMEUR |
Semaine 25
Du 22 au 28 juin 2018

RÉSUMÉ SUCCINCT
À la fin du XIXe siècle, le sculpteur Auguste Rodin entretient une liaison amoureuse avec Camille Claudel, son élève. Avec les années, des dissensions s’installent peu à peu dans leur relation, exacerbées par une promesse de mariage non tenue et des séparations prolongées dues à des séjours à l’étranger de Claudel.

LE FILM DE LA SEMAINE
| Anne-Christine Loranger |

★★★★

DE CHAIR ET DE GLAISE

Il fallait un maître du cinéma comme Jacques Doillon pour que le public puisse mettre en retrait la formidable performance de Gérard Depardieu et Isabelle Adjani dans le film de Bruno Nuytten, Camille Claudel (1988). La jeune sculpteure, l’un des plus grands talents de sa génération, avait eu droit à un second hommage, celui de Bruno Dumont avec Camille Claudel 1915 (2013), où on la voyait dans la clinique psychiatrique où elle termina ses jours, dans le sud de la France. Juliette Binoche s’y retrouvait dans l’un de ses rôles les plus bouleversants. Si les deux Bruno ont très bien su montrer la souffrance et la colère de Camille face à Rodin, il manquait, après la vague de films biographiques sur les grands artistes du tournant du 20e siècle (Renoir et Degas en 2013, Cézanne et moi en 2016, Gauguin – Voyage à Tahiti en 2017), le point de vue de ce dernier sur la relation amoureuse qui l’embrasa pendant plus de 10 ans. 

Rodin, un ouvrier aux mains tachées de plâtre

Disons-le tout de suite: personne, jamais, ne pourra effacer la profondeur de solitude et de souffrance mêlée d’admirable talent qu’Adjani réalisa avec Camille Claudel. Doillon, avec sagesse, ne tente même pas la chose, choisissant au contraire de montrer Rodin et Claudel en bourreau de travail, aussi dévorés par leurs ambitions l’un que l’autre et qui s’accordent des moments de détente au sein de fragiles bulles d’amour.

Ce n’est pas la star Rodin acclamé jusqu’à New York que
nous montre Doillon mais l’ouvrier aux mains tachées de
plâtre, charmant à ses heures, lubrique à d’autres, détestable
souvent, un géant de l’art parfois grossier mais porté par une
vision artistique dépassant largement le cadre de son époque.

La première image du film de Doillon nous montre Rodin de dos, immobile. Il ne fait rien, il regarde. Déjà son regard, par son intensité, est une question. Car Rodin ne fait pas que regarder : il scrute, creuse, tâtonne, questionne encore et encore sa Porte de l’enfer, première commande d’État inspirée par la Divine Comédie de Dante. Il fera de même avec son Balzac, œuvre à laquelle il consacrera sept ans. Conspuée par la critique et saluée par les grands artistes de son temps, cette œuvre constituera le début de l’art moderne.

Ce n’est pas la star Rodin acclamé jusqu’à New York que nous montre Doillon mais l’ouvrier aux mains tachées de plâtre, charmant à ses heures, lubrique à d’autres, détestable souvent, un géant de l’art parfois grossier mais porté par une vision artistique dépassant largement le cadre de son époque. Si Camille reste un personnage incontournable de cette histoire, l’art en constitue le centre et l’aboutissement. Doillon, en artiste qu’il est, sculpte la lumière sur les corps, sur le marbre, sur les plâtres et travaille la chair des acteurs comme une glaise souple, malléable, lumineuse et délicate. La peau humaine y est une constellation aux mille facettes, un astre démultiplié qui éclate en torrent de beauté. Pour citer Rodin lui-même regardant un tableau de Monet: « C’est magnifique ».

Un géant de l’art porté par une vision dépassant le cadre de son époque

Sortie
Vendredi 22 juin 2018

V.o.
Français

Réalisation
Jacques Doillon

Genre
Drame biographique

Origine
France / Belgique / États-Unis

Année
2017

Durée
2 h

Distributeur
MK2 | Mile End

Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien

Cineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais / ½ [Entre-deux-cotes]

 

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