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Balenciaga – maître de la haute couture

17 juin 2018

EXPOSITION
| Élie Castiel |

★★★★ ½

L’éternel féminin

Crístobal Balenciaga (Crédit photo : © Wikipedia)

Contemporain de Luis Buñuel, Salvador Dalí, Picasso, André Breton et autres libertaires de l’art du début du XXe siècle, quelles que soient les disciplines, véritable un entre-deux-siècles, puisque né en 1895, Cristóbal Balenciaga assume ses origines modestes basques pour en extraire son imagination la plus créatrice. La guerre d’Espagne le contraint à arrêter temporairement ses fonctions, le poussant à s’installer à Paris, Royaume mondial de la mode féminine. De droite ? De gauche ? Centriste ? On aurait voulu connaître ses allégeances politiques, car l’art, comme n’importe quelle autre branche de la mouvance sociale et historique (économique également), est politique. La Seconde Guerre mondiale s’installe avec ses multiples aberrations et aussi hétérodoxies et le contraint de prendre une attitude plus restreinte face à son art. Pour l’artiste en question, même parcours incertain dans une Europe en pleine destruction. Et puis la paix. 

Marié ? Hétéro ? Homosexuel ? Amant ? Maîtresse ? Toujours est-il que le public peut se permettre (et d’ailleurs le fait) de fantasmer toutes sortes d’aventures extraordinaires le concernant. D’ailleurs, une profonde recherche nous indique son orientation homosexuelle. Est-ce important ? Bien entendu que oui, car celle-ci lui donne une longueur d’avance sur son imaginaire, qu’on le veuille ou pas. Tous et toutes le savent très bien.

Mais une chose reste claire et bien précise : l’éternel
féminin est revendiqué comme « corps social et
politique » apte à toutes les inventions, interventions, caprices,
changements de tons, rapport à la nature et  à l’individu.
Par le biais de ce qu’elle porte, elle saura attirer le regard.

Mais une chose reste claire et bien précise : l’éternel féminin est revendiqué comme « corps social  et politique » apte à toutes les inventions, interventions, caprices, changements de tons, rapport à la nature et à l’individu. Par le biais de ce qu’elle porte, elle saura attirer le regard. Car la mode féminine est surtout une question non seulement de confiance en soi, mais surtout et avant tout de dialogue, une sorte de champ-contrechamp entre l’œil et le sujet.

L’exposition au Musée McCord de Montréal brille par sa simplicité, honorant l’approche du maître. Les variantes de tissus ne sont point des atouts supplémentaires sans importance, mais une condition sine qua non de la forme, de sa structure, du corps de celle qui portera le vêtement. Les parures Balenciaga sont chères, mais des émules abordables se vendent, notamment dans les colonies espagnoles, comme au Maroc des années 40, 50 et 60 du siècle dernier. Le chic accessible est monnaie courante. Le reste, c’est la beauté de celles qui le portent.

Crédit photo : © Musée McCord (Montréal)

Exposition dédiée à la femme. Oui, mais pas uniquement. Et l’homme dans tout cela, en ces temps de #MoiAussi où il est obligé de tourner mille fois en rond pour aborder la « nouvelle femme »? En tout cas, Balenciaga – maître de la haute couture est une leçon de morale, d’éthique, de rapport au corps, de lien paritaire avec la femme, avec l’art tout court. Mais aussi avec l’énigmatique stratégie de la séduction.

Dans une société où le sport détient une place incroyablement incontrôlable (populisme obllige) et hautement exagérée, comme dans le temps des arènes romaines de l’Antiquité et où le dialogue des sophistes grecs a perdu malheureusement de son importance, l’exposition au McCord ouvre définitivement la voie à la conscience intellectuelle, accessible, sans frontières. C’est-à-dire, user de son intelligence et ne pas rester passif devant la parfois insoutenable médiocrité de l’être.

Une exposition d’une modernité intemporelle. Grâce et surprenante harmonie.

Musée McCord – jusqu’au 14 octobre 2018.

MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel ★★★★ Très bon ★★★ Bon
★★ Moyen Mauvais
½ [Entre-deux-cote]

 

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